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L'histoire stylistique de la chapelle Saint-Jean du Vœu de la cathédrale d’Amiens

Publié le : 30 Juin 2021
Restaurée entièrement l’an passé, la chapelle Saint-Jean du Vœu de la Cathédrale d’Amiens a retrouvé tout son éclat. C'est l'occasion de vous emmener dans la Somme, et le blog Echappé des réserves laisse la plume à Aurélien André, archiviste du diocèse d'Amiens, pour nous expliquer toute l’histoire de cette chapelle dédiée
à Saint Jean Baptiste dont la fête a été célébrée il y a quelques jours.

Depuis le 17 décembre 1206, l’insigne relique de la face de saint Jean Baptiste est abritée dans la cathédrale d’Amiens. Elle fut apportée en Picardie par un croisé picard, Walon de Sarton, chanoine de Picquigny, qui avait fait partie en 1204 de l’expédition de la Quatrième Croisade qui avait vu la prise de Constantinople et le pillage de ses trésors. Conservée dans la trésorerie haute de la cathédrale, la relique était exposée à la vénération des fidèles depuis la tribune du jubé lors des fêtes de la Saint-Jean (nativité le 24 juin et décollation le 29 août). Au début du XVIIIe siècle, en accomplissement d’un vœu émis lors de l’épidémie de peste de 1668, l’ancienne chapelle Saint-Pierre fut réaménagée pour devenir la chapelle Saint-Jean du Vœu, lieu d’ostension de la relique. A l’initiative du diocèse d’Amiens et de la DRAC des Hauts-de-France, cette chapelle vient de faire l’objet d’une restauration complète sous la maîtrise d’œuvre de Richard Duplat, architecte en chef des Monuments historiques. La relique du chef de saint Jean Baptiste peut à nouveau être exposée, en toute sécurité, à la vénération des fidèles dans ce magnifique écrin.

Bénédiction de la chapelle par NN. SS. de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, et Leborgne, évêque d'Amiens, le 12 juillet 2020 © Aurélien André

La peste de 1668

Le 10 mai 1668 la peste éclatait à Amiens. Face à l’ampleur du fléau, et à cause de l’incapacité des hommes à le conjurer, les autorités civiles et religieuses résolurent « d’apaiser la colère de Dieu par l’humilité de la pénitence » et d’implorer « sa divine bonté par un vœu solennel, qui serait conçu et offert au nom de toute la ville ». Le vœu de rendre honneur à saint Jean Baptiste fut prononcé le jour de la Toussaint 1668, lors d’une messe votive célébrée par l’évêque d’Amiens, François Faure (1612-1687). Ce vœu prévoyait la construction d’une nouvelle chapelle à la cathédrale pour y honorer le saint Précurseur. Il fallut cependant attendre quarante ans pour voir son accomplissement. On ne réussissait pas à se mettre d’accord sur l’emplacement de la nouvelle chapelle. L’hiver 1708-1709 fut pour tout le royaume d’une extrême rigueur, détruisant les récoltes, causant la disette. Au milieu des calamités, on se souvint des anciennes promesses, et l’évêque d’Amiens Pierre de Sabatier (1654-1733) décida de consacrer une nouvelle chapelle à saint Jean Baptiste.

Le déroulement des travaux

On décida de transformer l’ancienne chapelle Saint-Pierre ouvrant sur le bras nord du transept. L’évêque confia la maîtrise d’œuvre à l’architecte Gilles Oppenord (1672-1742) et la maîtrise d’ouvrage au chanoine Maximilien Filleux qui signa les marchés avec les artisans : la sculpture fut confiée à Jean-Baptiste Poultier (1653-1719), sculpteur ordinaire du roi, natif du hameau de Poultières, près Huppy ; les marbres furent taillés et posés par Pierre Malleroy, maître marbrier à Paris. Le traité, en date du 2 mai 1709, est conservé aux Archives départementales de la Somme (4 G 1146, pièce 14) ; il nous donne tous les détails sur les matériaux utilisés. Les travaux, commencés en juillet 1709, étaient achevés le 21 décembre 1711, lorsque Pierre de Sabatier consacra le nouvel autel.

DE G. à dr. : Ange du fronton en plomb doré; Chapiteau en plomb doré © AURÉLIEN ANDRÉ

Le nouveau décor

On ne voit plus aujourd’hui cette chapelle telle que la conçut Oppenord. En effet d’importants travaux de réaménagement furent effectués en 1780, qui modifièrent le décor du début du siècle. Le grand retable est bien celui dessiné par Oppenord. Il est formé de deux pilastres et de deux colonnes d’ordre composite dont les fûts sont en marbre cipolin (fond blanc-vert parcouru par des nervures ondulées vertes) ; les bases et les chapiteaux sont en plomb doré. L’architrave, au-dessus des colonnes et des pilastres, est en marbre de Rance (rouge) et la frise qui la surmonte en Sérancolin des Pyrénées (couleur d’agate). Au-dessus s’élève un fronton cintré où figurent un ange en plomb doré, tenant l’épée du martyre de saint Jean Baptiste, et deux angelots portant la palme des martyrs et une couronne. Le couronnement du retable, en bois doré, est composé de volutes, de coquilles et de petits génies jouant avec des guirlandes autour de torchères. La grande croix, qui avait disparu depuis plus d’un siècle, a opportunément été restituée lors de la restauration, sur la foi du dessin d’Oppenord.

Niche reliquaire en plomb doré © AURÉLIEN ANDRÉ

Le stylobate du retable, en Sérancolin bordé de marbre de Rance, est orné d’un médaillon ovale en bronze doré représentant le chef de saint Jean Baptiste posé sur un plateau. Cet ovale sert de clôture à la niche grillée destinée à abriter le reliquaire du chef de saint Jean. Ce médaillon est accosté de deux enfants nus, de palmes et d’un Agnus Dei, le tout en plomb doré. De chaque côté, le stylobate sert de support aux statues en pierre de Tonnerre de saint Firmin et de saint François de Sales, œuvres signées de Jean-Baptiste Poultier, et datée de 1710.

De g. à dr. : Jean-Baptiste Poultier, Saint Firmin, 1710 et Saint François de Sales, 1710
© AURÉLIEN ANDRÉ

Initialement, une toile de Claude-Guy Hallé (1652-1736), représentant le baptême du Christ, ornait la partie centrale du retable. Elle n’est plus connue que par une esquisse conservée au musée du Louvre. On prétend que son mauvais état de conservation fut cause de son remplacement en 1780 par le relief en bois blanchi sculpté par Jean-Baptiste Carpentier (1726-1808). Commandé par l’évêque d’Amiens Louis-Charles de Machault (1737-1820), ce relief, signé et daté, représentant le Christ tenant la croix, entouré de la Vierge et de saint Jean Baptiste, rappelle le vœu de 1668.

Ostension de la relique de la face de saint Jean Baptiste le 29 août 2020, fête de la décollation du saint. © AURÉLIEN ANDRÉ

L’autel primitif, de forme chantournée, fut remplacé par l’actuel autel également en 1780 ; de forme rectangulaire, il présente sur le tombeau une belle marqueterie de marbres.

Les boiseries de la chapelle ont été refaites par Carpentier en 1780, dans le style néo-classique du moment : elles sont peintes à l’imitation du marbre avec motifs de guirlandes et de cassolettes d’encens. Le décor du début du XVIIIe siècle n’est plus connu que par un dessin de la main d’Oppenord.

Couronnement de la grille latérale : le chef saint Jean. © Irwin Leullier.

Les virtuoses grilles rocaille en fer forgé sont l’œuvre de Jean-Baptiste Veyren, dit le Vivarais de Corbie (1707-1788), pour la grille principale, et de son compagnon Claude Badaroux (1707-1745) pour la grille latérale. Elles ont été réalisées en 1744. Le chef saint Jean orne le médaillon en tôle dorée à la feuille de la grille latérale.

Jean-Baptiste Duquet, tombeau de François Faure, évêque d’Amiens. © AURÉLIEN ANDRÉ

La chapelle Saint-Jean du Vœu abrite le tombeau de François Faure exécuté par Jean-Baptiste Duquet. L’évêque d’Amiens est représenté à demi-couché sur un sarcophage. Devant la chapelle est le tombeau de Pierre de Sabatier, exécuté en 1748 par le sculpteur amiénois Jean-Baptiste Dupuis (1698-1780).

Reliquaire chef de saint Jean-Baptiste, 1876 par Placide Poussielgue-Rusand
© CAOA Somme

La relique de la face de saint Jean Baptiste est désormais exposée à la vénération des fidèles du 24 juin (Nativité de saint Jean) au 25 septembre (fête de Saint-Firmin) et du 17 décembre (fête de l’arrivée de la relique à Amiens) au 2 février. Les offices du 24 juin et du 29 août (fête de la Décollation de saint Jean Baptiste) sont relevées d’un éclat particulier.


Aurélien André
Archiviste du diocèse d’Amiens
Secrétaire de la Commission diocésaine d’art sacré

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Jérôme Bouchet

Documentaliste dans une galerie à Paris après avoir été conservateur du patrimoine diocésain d’Annecy, Jérôme Bouchet poursuit la préparation de sa thèse d’Histoire de l’Art sur le sculpteur lyonnais Perrache à l’université Lumière Lyon 2. Il porte un intérêt particulier aux questions d’aménagement liturgique au XVIIIe siècle mais aussi à la question du second Renouveau de l’Art Sacré issu de la querelle d’Assy (1950).

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