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Le retable du Grand Saint-Romain reprend sa place à la cathédrale de Rouen

Publié le : 28 Avril 2021
Pour ce nouvel épisode, le blog « Echappé des réserves » vous invite à découvrir les péripéties d'une oeuvre du XVIIe siècle, le « Retable du Grand Saint-Romain », qui après une longue restauration, vient de retrouver sa place dans la cathédrale Notre-Dame de Rouen, auprès du coffret contenant les Saintes Huiles.

Le retable du Grand Saint-Romain restauré avec le coffre aux saintes Huiles. Cliché Diocèse de Rouen.

C’est à Rouen que nous allons nous rendre, et tout particulièrement vers la cathédrale de ce diocèse. Cet édifice modèle du gothique normand qui a tant inspiré le peintre Monet – au point de le peindre trente fois à diverses heures du jour – a subi les affres des bombardements alliés de 1944, sans pour autant perdre de sa splendeur. La chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul est précisément le lieu où nous allons vous emmener pour voir un retable restauré auquel Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, a souhaité adjoindre un coffre renfermant les Saintes Huiles.

Un retable martyr retrouve une place

Installé vers 1638 dans le transept sud de la Cathédrale, le retable du Grand Saint-Romain a subi les bombardements alliés de 1944. Remisé dans une réserve de la cathédrale, il est finalement réinstallé en 1996 dans une des deux chapelles rayonnantes donnant sur le déambulatoire du chœur : la chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul. Toutefois comme ce retable avait énormément souffert du bombardement, il était très épars et plusieurs éléments manquaient, notamment l’autel ou encore le tableau placé en son centre ainsi que des éléments dans les parcloses de part et d’autre des colonnes torses. Dès 1996, un tableau pratiquement contemporain (Les Adieux de saint Pierre et saint Paul par Le Tellier, 1680) avait été intégré à l’ensemble, mais il ne correspondait pas réellement aux dimensions de la toile d’origine. C’est donc en 1998 qu’une étude est lancée afin de compléter et aboutir la restauration réalisée deux ans auparavant. 2021 voit donc l’aboutissement de ce long projet, symbole d’une forte collaboration entre le diocèse de Rouen (par la voix de Mgr Lebrun et de la commission diocésaine d’art sacré), la conservation régionale des Monuments historiques (par le travail de M. Richard Duplat, architecte en chef des MH) et avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Normandie.

Le retable se présente comme la plupart des retables de la période Baroque. Son modèle est lié à la Contre-Réforme issue du Concile de Trente et à la réaffirmation de la sainte Trinité. Il comporte ainsi trois niveaux : en bas l’espace de l’autel, au centre celui de la toile et dans la partie supérieure une nuée évoquant le ciel. De part et d’autre se trouvent deux colonnes torses présentant un mouvement ascensionnel et ornées de pampres de vigne symboles de l’Eucharistie. Puis à droite et à gauche, deux parois avec des niches accueillent saint Romain (patron du diocèse de Rouen) et saint Nicaise (évêque martyr de Reims).

Coffre aux Saintes Huiles, proposition finale, dessin de principe, 2021. © Richard Duplat – ACMH

Redonner un sens liturgique à un retable sans autel ; renforcer sa place au sein de la cathédrale.

La liturgie actuelle prévoit que la consécration du chrême qui devient le « Saint-Chrême » (Oleum ad sanctum chrisma ou Myron), et la bénédiction pour les deux autres : l’huile des malades (Oleum infirmorum) et l’huile des catéchumènes (Oleum catechumenorum) ait lieu, une seule fois par an, au cours de la messe dite « chrismale » célébrée le Jeudi Saint au matin. Cette consécration est, selon la Tradition, réservée à l’évêque. Après les Saintes Espèces conservées au tabernacle, les Saintes Huiles constituent le bien corporel le plus précieux pour l’Eglise catholique. Afin de conserver ces huiles, dans les églises médiévales se trouvait des armoires, comme l’armoire liturgique d’Aubazine (Corrèze) remontant au XIIe siècle, ou encore une suite de trois niches, intégrées dans l’architecture des édifices et proches du baptistère puisque le Saint-Chrême est utilisé lors du baptême.

LE RETABLE DU GRAND SAINT-ROMAIN RESTAURÉ AVEC LE COFFRE AUX SAINTES HUILES. © DIOCÈSE DE ROUEN.

Lors de la restauration du retable du Grand Saint-Romain de Rouen, l’archevêque et la commission d’Art Sacré ont donc proposé d’intégrer en lieu et place de l’autel manquant un coffre-tabernacle qui puisse conserver la réserve des Saintes Huiles, tout en permettant de voir les ampoules au travers de trois ouvertures sécurisées. Ainsi, ce mobilier d’un genre nouveau permet de mettre en valeur les huiles conservées traditionnellement à l’évêché, et aussi de redonner un sens à ce retable dans la chapelle dite Saint-Pierre Saint-Paul. Cette chapelle devient ainsi un lieu majeur de la cathédrale pour signifier la succession apostolique depuis saints Pierre et Paul en passant par les saints évêques Nicaise et Romain. Le Saint-Chrême donne sens à cette succession, à la fois par l’ordination de l’évêque oint sur la tête, et parce que celui-ci l’utilise pour oindre aux confirmations, ordinations, et dédicaces d’autel et d’église.

Bénédiction du retable et du coffre par Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, 1er avril 2021. © Diocèse de Rouen.

De conception moderne, le coffre qui accueille les ampoules s’intègre harmonieusement au retable du Grand Saint-Romain et tranche par sa sobriété, permettant ainsi de ne pas fausser la lecture historique du retable et apportant une création contemporaine dans le respect des règles déontologiques liées à la restauration qui animent chacun des acteurs du patrimoine. La discrétion du coffre-tabernacle est relevée par l’inscription d’un verset au-dessus de ce meuble : « Vase d’huile, point ne se videra » (Premier Livre des Rois, 17:14). Ce verset rappelle l’épisode d’Elie au désert allant à la rencontre de la veuve de Sarepta qui partage avec le prophète la maigre portion de denrées qu’il lui reste pour se nourrir avec son fils, mais bénéficie de la grâce divine de voir sa jarre de farine et son vase d’huile ne pas se vider.

La restauration de ce retable aura ainsi permis de remettre en valeur les Saintes Huiles au sein de l’église cathédrale de Rouen, tout en conservant au mieux l’élément patrimonial majeur de cette chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul, en lui redonnant un sens liturgique.

Jérôme Bouchet

Je tiens à remercier M. Fabrice Madouas, directeur de la communication du diocèse de Rouen et M. Jean-Jacques Pasdeloup, responsable de la CDAS de Rouen et pour les informations et documents qu’ils m’ont fournis.

Pour aller plus loin : vous pouvez écouter ici le témoignage de l’architecte M. Richard Duplat sur le site de RCF.

Dominique WAAG
Dominique WAAG a écrit :
30/04/2021 10:52

article fort intéressant

Valérie de Maulmin
Valérie de Maulmin a écrit :
30/04/2021 22:11

Merci pour votre lecture attentive et ce commentaire !

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Jérôme Bouchet

Documentaliste dans une galerie à Paris après avoir été conservateur du patrimoine diocésain d’Annecy, Jérôme Bouchet poursuit la préparation de sa thèse d’Histoire de l’Art sur le sculpteur lyonnais Perrache à l’université Lumière Lyon 2. Il porte un intérêt particulier aux questions d’aménagement liturgique au XVIIIe siècle mais aussi à la question du second Renouveau de l’Art Sacré issu de la querelle d’Assy (1950).

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