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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Un tableau de Saint Jean-Baptiste sort de l'ombre

Publié le : 31 Mars 2021
Pour ce nouvel épisode, le blog « Echappé des réserves » vous invite à découvrir les pérégrinations d'un tableau de format monumental, « Saint Jean-Baptiste écoutant la sentence de sa mort » par le peintre isérois Claude Noël Thevenin, qui vient de retrouver sa place à la cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour dans le Cantal...

Claude Noël Thevenin, Saint Jean-Baptiste écoutant la sentence de sa mort, 1837, FNAC PFH-6519. © Cliché CRPA-HBG-2020

C’est au cœur du département du Cantal que nous allons aujourd’hui, dans le diocèse de Saint-Flour, avec sa cathédrale Saint-Pierre à la façade massive en pierre de lave, témoin du gothique auvergnat du XVe siècle. Dans cet édifice, l’ensemble du mobilier liturgique a été dessiné par le maître orfèvre Goudji, après que Mgr Bruno Grua en eut fait la commande en 2010. Toutefois notre sujet de traitera d’aucune de ces pièces, mais bel et bien d’un tableau : Saint Jean-Baptiste écoutant la sentence de sa mort par le peintre isérois Claude Noël Thevenin.

Il s'agit d'une huile sur toile haute de 3,34 m sur 2,27 m de large. La scène prend place dans une prison. Le personnage principal, sur le côté gauche est saint Jean-Baptiste. Il est en pleine lumière et revêt la melotte, une peau de chameau attachée à la taille par une ceinture qui est son attribut traditionnel. A ses côtés est couché un agneau rappelant l’Évangile de Jean : « Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn. 1:29). Sur le côté droit, émergent de la pénombre deux hommes : le premier tient un plat et une hache – le bourreau qui devra faire son office – et le second est le juge qui lit la sentence de mort prononcée quelques minutes plus tôt par Hérode Antipas. Tout au fond de la composition : Salomé qui observe la scène d’un œil presque amusé et distrait. Elle est accompagnée d’une servante aux mains serrées qui assiste à la lecture de cette sentence. Jean-Baptiste semble serein, il présente ses mains ouvertes à la pleine lumière qui lui fait face projetant ainsi son ombre sur le mur de la geôle. Il entend la sentence lue et accepte le martyre pour avoir reproché à Hérode Antipas son mariage avec sa belle-sœur Hérodiade, mère de Salomé. Sa tête sera tranchée et présentée à Hérode sur un plateau. Le peintre choisit donc ici le moment le plus tendu de l’histoire de saint Jean-Baptiste. Ce moment où tout bascule.

Claude Noël Thevenin est un artiste originaire de Crémieu en Isère, petite ville à l’Est de Lyon, où il naît en 1800. Animé d’une vocation artistique, il est d’abord contrarié par la volonté paternelle qui préfèrerait le voir réaliser des études classiques. C’est finalement un oncle prêtre à Paris qui l’emmène avec lui pour qu’il reçoive une première éducation artistique. Il apprend les rudiments de son art auprès d’un peintre en miniature puis intègre en 1824 (sur des deniers gagnés en réalisant des portraits) l’atelier du peintre parisien Alexandre-Denis Abel de Pujol. Dix mois auprès de ce maître lui permettent de compléter sa formation en ayant appris les compositions à caractère historique ou religieux, avec de grandes toiles très présentes aux Salons annuels dans ces années-là.

Sa première œuvre présentée au Salon le sera en 1826, alors que le tableau représentant saint Jean-Baptiste n’est autre que celui présenté au Louvre, au Salon des artistes vivants de 1837, sous le numéro 1719. C’est à cette occasion qu’il sera acquis par la division des Beaux-Arts, devenant ainsi propriété du fond national d’art contemporain aujourd’hui le centre national des art plastiques. Cette institution, née à la suite de la Révolution a pour mission de commander et gérer des œuvres artistiques achetées par l’État et mises à disposition des églises ou des communes qui en font la demande. Le Salon était ainsi un moyen de repérer et acheter des tableaux, dessins, gravures pour enrichir cette collection nationale.

L’œuvre raccrochée dans la cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour. © Cliché Malbrel conservation.

Le tableau a d’abord été réclamé pour être mis en dépôt dans l’église de Crémieu, pays d’enfance de l’artiste. Toutefois cette demande n’aboutit pas et c’est finalement dans l’église Saint-Vincent de Saint-Flour qu’il trouvera sa place. Accroché au-dessus des fonts baptismaux, il orne cette église jusqu’en 1920, date à laquelle il est transféré à la Cathédrale pour être accroché au-dessus du narthex. Classé Monument Historique en janvier 1987, il est finalement restauré de juin 2020 à février 2021 par l’atelier de restauration CRPA à Gaillac (Tarn) pendant que les ateliers Malbrel à Capdenac (Lot) restaurent le très beau cadre en bois doré qui l’accompagne. Cet ensemble de travaux est réalisé par le financement de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et sous la conduite scientifique de la conservation des Antiquités et Objets d’art (CAOA) du département.

L’œuvre est raccrochée dans la cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour où elle fait la joie du recteur – nouvellement nommé responsable de la commission d’Art Sacré du diocèse – comme des paroissiens qui fréquentent les célébrations et des visiteurs qui se laissent entraîner dans ce splendide édifice de l’art gothique.

Jérôme Bouchet

Remerciements à l’abbé Philippe Boyer, recteur de la Cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour et responsable de la CDAS, Mme Pascale Moulier, archiviste diocésain. Mme Garcia de la société CRPA et Aurélie Aubert de l’atelier Malbrel, ainsi que Mme Breuil-Martinez, CAOA du département.

Pour aller plus loin et découvrir les peintures dans les églises du diocèse, on peut consulter avec intérêt : Pascale Moulier, La peinture religieuse en Haute-Auvergne, XVIIe-XXe siècles, éditions Créer, 2007, ou encore cette vidéo.

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Jérôme Bouchet

Documentaliste dans une galerie à Paris après avoir été conservateur du patrimoine diocésain d’Annecy, Jérôme Bouchet poursuit la préparation de sa thèse d’Histoire de l’Art sur le sculpteur lyonnais Perrache à l’université Lumière Lyon 2. Il porte un intérêt particulier aux questions d’aménagement liturgique au XVIIIe siècle mais aussi à la question du second Renouveau de l’Art Sacré issu de la querelle d’Assy (1950).

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