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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Ced Rouz, un dialogue en plein air avec les pierres

Publié le : 14 Juin 2019
L’art s’étend sur tout le territoire; aussi importe-t-il d’aller à sa rencontre en la personne de jeunes artistes, en des lieux parfois reculés. C’est dans le Briançonnais que le jeune sculpteur Ced Rouz s’est établi, au pied de l’Abbaye de Boscodon, située dans un vaste cirque entouré de forêts, de torrents, de neiges et de glaces hivernales. Un âpre et lumineux édifice dont l’austère enseignement convient à l’artiste solitaire qui travaille la pierre.

Ced Rouz, La montagne © CED ROUZ

Ce sont des sculptures de plein vent que celles de Ced Rouz : l’eau, l’air et le soleil en ont travaillé la pierre autant que ses mains. Elles sont faites d’ombre et de lumière, alternativement brutes ou polies, rugueuses ou lisses, fracturées ou assouplies, enfouies ou érigées... Elles sont statues de pierre dressées - peuple fier - qui s’attirent ou se rencontrent, cherchent un équilibre, tantôt disjointes, tantôt unies, en conversation inquiète et silencieuse. Elles oscillent entre Land Art et sculptures en un geste complémentaire.

A gauche, portrait de Ced Rouz et détail de Vénus; à droite, Les silenciaires (gens qui gardent le silence), 2019, éclats de pierres étagées © CED ROUZ

Sculpter est un moyen d’habiter, c’est ma manière d’habiter : c’est pour pouvoir habiter que je sculpte

Des montagnes alpines et de leurs contreforts provençaux, l’artiste né en 1979 a fait son territoire, arpenté en famille, enfant puis, plus tard, devenu berger d’estive - alors étudiant en architecture; il y demeure aujourd’hui. Dans le lit du torrent, il a choisi son terrain de jeu et son lieu de travail; rien de plus sérieux que ce jeu-là, tel celui des enfants tout entiers absorbés par leur tâche, dans l’oubli du monde alentour... Une manière d’exister et d’habiter le monde qu’il a faite sienne : « Sculpter est un moyen d’habiter, c’est ma manière d’habiter : c’est pour pouvoir habiter que je sculpte » explique-t-il. C’est ici qu’il a décidé de fuir la tyrannie de l’utile, les espaces virtuels des logiciels d’architecture de ses études, leur succession trop rapide et leurs fenêtres dématérialisées: ils nuisaient à son rythme intérieur et parasitaient sa quête d’une relation authentique au temps du monde et au réel. Dans la contemplation des oeuvres de la nature, le flux et le reflux du temps, la litanie des saisons, celui qui se « sent tout jeune sculpteur » accomplit sa besogne à l’écart - esprit, mains, matériau et outils liés pour une révélation mutuelle : ses sculptures sont les témoins existentiels de son émerveillement.

CED ROUZ, CERCLE © CED ROUZ

A la recherche de la pierre qui l’appelle

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’atelier soit en plein air : sous le regard sévère mais bienveillant de l’abbaye de Boscodon, une dalle de béton fait l’affaire. C’est là que Ced Rouz y taille, fend et adoucit la pierre. S’il fréquente les philosophes (G. Agamben, P. Slauterdek, J.F. Bilter, Anne Cheng, Dorian Astor...) et cite certains artistes (Penone, Beuys, Goldsworthy, Brancusi…), la pratique de notre homme - enseignant de yoga et adepte de qi-gong - s’enracine d’abord dans l’épreuve physique et la maîtrise de soi: elle débute en arpents parcourus le long des torrents de la région - Rif, Boscodon... - à la recherche de la pierre qui l’appelle; elle se poursuit par l’acheminement, souvent ardu, qui le contraint à soulever, porter ou faire rouler le caillou choisi en une danse chaotique - éprouvant corps-à-corps. C’est ainsi qu’il en comprend le poids, la densité, la résistance; alors seulement peut-il l’explorer par la sculpture pour mettre à jour sa nature profonde.

Ses pierres gardent la mémoire de leur vie au grand air et portent la trace de leur mise à nu, entre joie et souffrance

« Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau » écrivait en son temps Paul Valéry. A n’en pas douter, l’aphorisme convient aux pierres sculptées de Ced Rouz: elles gardent la mémoire de leur vie au grand air et portent la trace de leur mise à nu, entre joie et souffrance. « Travailler la pierre, c’est lui faire violence », affirme celui qui n’aime rien tant que bâtir des murs de pierres sèches combinées les unes aux autres, dans le respect du matériau...

CED ROUZ, Mère, 2019, pierres de torrent brochées © CED ROUZ

Entre force et fragilité, intimité et extériorité, mouvement et stabilité

Si l’événement se situe cette fois en Haute-Provence - sur ces terres autrefois hantées par Jean Giono -, les sculptures de Ced Rouz font mieux que résister aux lieux et voisinages artistiques inégalement favorables où elles sont ici exposées: elles laissent entrevoir le désir vif et les forces émergentes qui les sous-tendent. Tendues ou compressées, toutes se montrent avides d’une rencontre à jamais précaire, inachevée; leurs pierres s’épousent au plus proche de leurs jointures ou s’unissent en équilibres fragiles et singularités distinctes… A Forcalquier, « Vénus » ondule, sensuelle, sur son socle de bois tranché vif et, partiellement dénudée, offre la pulpe veinée de sa chair à la lumière, quand un majestueux « Biface » étire son ombre longue et mince comme une lame sur le mur qui lui sert d’écrin. « Soulèvement » fait bourgeonner en son centre lisse et plat une infime efflorescence de pierre, telle un imperceptible événement qui viendrait animer la monotonie des jours et brusquer le cours des choses… « Mistral » arc-boute sa queue de scorpion sous les bourrasques du vent violent, quand « Mère » rassemble une multitude de cailloux serrés en son lourd coeur de pierre, ou disséminés à ses pieds. Et si « Contrée » bicéphale s’élance, déhanchée, les « Silenciaires » se dévisagent, mutiques et immobiles, dans la cour de l’Hôtel Astier de Forcalquier. De colonnes en totems, de menhirs en flèches piques et lances, d’arches en cavernes et kerns, les oeuvres de Ced Rouz manifestent une énergie déployée, le mystère de leur être-là, la tension qui les anime entre force et fragilité, intimité et extériorité, mouvement et stabilité. Du flux de la Vie désirante qui cherche à « infinir plutôt que définir »: telle est la quête initiatique qui traverse la sculpture en devenir de Ced Rouz.

Odile de Loisy

Pour en savoir plus :

Site de l’artiste : cedrouz.fr
Ced Rouz - Abbaye de Boscodon 052500 Crots - 06 95 39 63 08

Toutes les informations pratiques sur l'actualité de l'artiste en cliquant ici.

CED ROUZ, Mistral © CED ROUZ


Actualités de Ced Rouz :

Château médiéval de Simiane-la-Rotonde, « Organum »,  jusqu’au 29 juin 2019.
Haut village - 04150 Simiane-la-Rotonde
Tél : 04.92.73.11.34 - contact@simiane-la-rotonde.fr
Tous les jours de 10h à 19h

« La montagne, l’eau, le corps », jusqu’au 24 juin 2019
Association Confluences : 06.09.53.83.19
-Centre d’art Boris Bojnev - Rue Grande - 04300 Forcalquier
Du mardi au samedi de 10h30 à 13h et de 15h à 19h, le lundi de 10h à 15h.
-Hôtel d’Astier
15 rue Marius-Debout - 04300 Forcalquier
Lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi de 10h30 à 13h, et de 15h à 19h30

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