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La chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde à Noisy-le-Grand - de la précarité à la pérennité

Publié le : 26 Février 2019
Symbole de l'action en faveur des plus pauvres du père Joseph Wresinski (1917-1988), fondateur d'ATD Quart Monde, la petite chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde subsiste toujours fièrement dans la commune de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Sa présence témoigne qu’au cœur de nos misères, il existe un lieu qui, dans son humilité, s’offre pour que Dieu vienne planter sa tente.

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La façade de la chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde à Noisy-le-Grand (93) © Isabelle Renaud-Chamska
Abritée sous un beau chêne rouvre, la chapelle a reçu un toit et une porte en bois massif en 1970. Jean-Pierre, né dans le camp en 1961, habitant depuis 1970 dans la cité, veille aujourd’hui comme sacristain sur la chapelle qu’il fait visiter.
 

Un peu d'histoire...

L’humble chapelle Notre-Dame-des-Sans-Logis-et-de-Tout-le-Monde, qui se tient comme accroupie sous un beau chêne à l’angle de deux rues dans le quartier des Hauts-Bâtons, est le dernier témoin du camp des sans-logis qui étalait ses abris de fortune en fibre de ciment dans un champ marécageux à la périphérie de Noisy-le-Grand. 

Le camp aujourd’hui disparu avait été installé en 1954 sur le lieu-dit « château de France » (la toponymie réserve de ces surprises !) à la suite de l’appel de l’abbé Pierre pendant l’hiver meurtrier 1954. L’époque est rude, la crise du logement sévère. Malgré les efforts du gouvernement pour créer des cités d’urgence, les bidonvilles se multiplient en périphérie des villes. L’abbé Pierre achète le terrain de 10 ha grâce à la générosité suscitée par son intervention radiophonique. Charlie Chaplin, par exemple, apporte l’intégralité du Prix de la Paix que l’URSS vient de lui attribuer pour son œuvre.

Communiants devant la Chapelle de Noisy-le-Grand (Seine-et-Oise) en 1958 ©ATD Quart Monde / Centre Joseph Wresinski
« Les pauvres sont l’Eglise »

C’est plutôt un champ de boue impropre à la culture, où s’alignent d’abord des tentes et bientôt des « igloos »,  joli nom pour nommer l’innommable, ces demi cylindres en fibrociment de 40 m2 posés à même le sol où trouvent refuge des familles nombreuses (souvent 10 enfants et plus !), sans isolation, sans eau ni gaz ni électricité : 250 familles vivent là, avec 1250 enfants. Joseph Wresinski, « le père Joseph », comme on l’appelle affectueusement ici, arrive de l’Aisne où il était curé depuis 10 ans, envoyé par son évêque pour rencontrer ces populations tombées dans la misère. Il crée le mouvement « ATD (Aide à toute détresse) Quart Monde » (c’est lui qui invente le terme), qui a essaimé aujourd’hui dans trente pays. Il vit sur place, intériorise les besoins des familles, crée un foyer pour les femmes, installe cuisine, laverie, et atelier de maquillage pour qu’elles se fassent belles, ouvre un jardin d’enfants, un théâtre, des ateliers de poésie, de sculpture, une bibliothèque, et bâtit une chapelle. Il pense que l’art et la beauté sont indispensables pour que ces personnes souvent méprisées retrouvent le goût de la vie et l’estime d’elles-mêmes. Soutenu par Geneviève De Gaulle-Anthonioz et par de nombreux artistes, il sait que les pauvres sont le trésor de l’Eglise, et leur consacre sa vie. Plus de mille familles et environ quatre mille enfants ont trouvé refuge dans le camp des Sans-Logis entre 1955 et 1970, date de la destruction du dernier « igloo ».

Intérieur de la Chapelle de Noisy-le-Grand (Seine-et-Oise) dans les années 1960 ©ATD Quart Monde / Centre Joseph Wresinski

Un lieu d'accueil pour tout le monde

Au sec, sur une petite hauteur - qui évoque aussi la « montagne sainte du Seigneur » d’Isaïe (Is 56, 6-7) - le p. Wresinski fait construire par les hommes du camp et les volontaires du mouvement, toutes confessions confondues, une chapelle de 105 m2 soit 15 m sur 7.  Elle ressemble comme une grande sœur aux « igloos » qui se massent en contrebas, signifiant ainsi que Dieu a fait sa demeure parmi les hommes (Jn 1, 14) et qu’il n’a pas, lui non plus, où poser sa tête (Lc 9, 58). La couverture est donc en fibrociment, comme celle des igloos. Mais pour indiquer aussi le caractère différent du lieu, ce qui le distingue comme espace sacré, il fait poser cette couverture sur une charpente en bois et sur un mur bahut en moellons. Sur les conseils de Monique Midy, une amie plasticienne qui suivra le chantier quotidiennement pendant trois mois, il lui donne de l’élévation et de la noblesse avec la forme d’un arc brisé. Le sol est fait de galets coulés dans du ciment. Les deux façades sont ourdies en pierres de récupération jointoyées au ciment, percées de cinq vitraux. Un petit clocher monté à côté appelle à la messe le dimanche et scande la vie du camp avec les baptêmes et les enterrements. Au-dessus de la porte, on lit gravé sur le linteau : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau. Je vous donnerai le repos. » (Mt 11, 28) A la fois fragile et solide, précaire et pérenne, la chapelle est un lieu d’accueil et de rencontre pour les habitants du camp, un lieu d’amitié et d’entraide pour tout le monde.

Intérieur de la chapelle en 2018 © ISABELLE RENAUD-CHAMSKA

Une chapelle déplacée pierre par pierre

Lorsqu’en 1970, après de nombreuses années de démarche, le camp est enfin remplacé par des immeubles où vont loger toutes les familles dans des conditions décentes, les habitants du camp tiennent à garder la chapelle qui est déplacée pierre par pierre par ceux mêmes qui l’avaient construite, aidés de leurs enfants. 300 mètres plus loin, elle se retrouve bientôt habillée d’un nouveau toit, à double pente et en shingle, posé sur deux petits murs bahuts et sur le toit d’origine : les igloos ont disparu, le quartier a changé de physionomie, la couverture de ciment n’a plus de cohérence avec l’environnement et il faut assurer une certaine longévité au bâtiment puisqu’on a décidé de le garder. Le résultat est harmonieux, le nouvel habillage en bois venant épouser les façades en arc brisé qu’il met en valeur.

A l’intérieur, l’architecte Yves Peeters  habille les murs courbes de lambris en frisette de pin qui réchauffent l’atmosphère assez fraîche malgré la présence de deux convecteurs électriques. Le bois clair joue ici avec les éléments de charpente ancienne, animant la nef qui reçoit des bancs de bois réalisés par les hommes du camp devenu cité. Après la mort du P. Wresinski en 1988, on insère des photos en noir et blanc du fondateur avec des familles qu’il avait connues, ce qui éclaire l’espace et donne à voir la présence de ces pauvres qui sont l’Eglise, selon le mot de Jean XXIII repris par le père Joseph dans son ouvrage. Avec le père Joseph dont la procédure de béatification, ouverte en 1997, est validée depuis 2010, ils sont ici promus au rang des saints.

Vitrail réalisé par Marguerite Huré, sur un carton de Jean Bazaine, pour la chapelle de Noisy-le-Grand © ISABELLE RENAUD-CHAMSKA

Un décor modeste mais riche de sens

Une croix forgée créée en 1959 par Monique Midy occupe actuellement le fond du chœur plat. Les bras de la croix sont entourés d’une corde de métal qui symbolise toutes les servitudes. Dans l’église originelle, elle était placée devant l’autel, au premier rang des fidèles. Les pierres ont été numérotées avant d’être déplacées afin que la nouvelle chapelle soit tout à fait identique à l’ancienne.

Les vitraux en verres épais repeints de grisaille ont été créés par Marguerite Huré sur des cartons de Jean Bazaine, sur le thème des mystères glorieux du Rosaire : la Résurrection, l’Ascension, la Pentecôte, l’Assomption et le Couronnement de la Vierge. Seuls deux sont encore en place dans le chœur. Deux autres ont été perdus lors d’une restauration en 1973. Le dernier, au-dessus de la porte, a été refait à l’identique mais en verre plat en 1994 par Claire de Rougemont.

Sources bibliques

- « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire qu’il tient du Père, Fils unique plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). L’édition de la traduction officielle liturgique de la Bible annote l’expression « il a habité » ainsi : au sens premier, « il a planté sa tente », renvoyant à Ap 7,15 ; Ap 12,12 ; Ap 13,6 ; Ap 21,3.

- « L’Ecriture ne dit-elle pas : Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples ? » (Mc 11, 17). Le Christ fait ici référence au livre d’Isaïe 56, 7.

 

Isabelle Renaud-Chamska

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Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 226 - septembre 2018. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

Bibliographie

Joseph Wresinski, entretien avec Gilles Anouil, Les Pauvres sont l’Eglise, 1983, 2e éd. Le Cerf, 2011.

Thierry Monfils, Le Père Joseph Wresinski, Sacerdoce et amour des pauvres, 2017, édition Lessius.

Informations pratiques

La chapelle est labellisée « Patrimoine XXe» depuis 2011 et classée « Monument historique » depuis 2016. En 2018, elle est inscrite aussi sur la liste du patrimoine en péril établie par la « mission Bern ».

La chapelle est située 40 rue Jules-Ferry à Noisy-le-Grand (93160).

Informations : Association ATD Quart Monde
Tél. : 01 48 15 53 70
www.atd-quartmonde.fr

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