Saint Louis à la Conciergerie, un règne où foi et pouvoir s’entremêlent
Publié le : 30 Octobre 2014
L’ambition de cette exposition n’est pas de tout montrer de la personnalité riche de Louis IX et de l’histoire de son règne qui fut l’un des plus longs et des plus marquants de la France médiévale.
Conçue à partir de la question un peu provocante du grand médiéviste Jacques Le Goff « Saint Louis a-t-il vraiment existé ? », l’exposition veut aborder ce roi au destin exceptionnel sous un angle nouveau. Elle souhaite dépasser les 2 filtres de l’histoire - celui de la canonisation et celui du mythe -, pour revenir vers l’homme dans la réalité du XIIIe siècle.
Le parcours s’ouvre sur la statue de Saint Louis retrouvée au château de Mainneville en Normandie, propriété du principal ministre de Philippe IV le bel, petit-fils de saint Louis. Cette effigie aux traits individualisés, prémices d’un art du portrait, porte les vêtements royaux et tient soit des reliques de la Passion, soit des emblèmes du pouvoir. Cette statue datée des environs de 1305 résume à elle-seule la construction du mythe autour de la figure de ce roi canonisé depuis 1297. En effet, sa canonisation renforce son aura, favorisée par la production d’images de dévotion qui contribue à en faire un modèle pour ses successeurs.
Les descendants capétiens prennent ainsi en exemple ce roi devenu saint, célébré pour sa spiritualité à travers le culte des reliques ; mais aussi pour sa culture puisqu’il est le premier roi de France à laisser un texte personnel en langue française, son « Enseignements de Saint Louis ».
Entre le moment de sa mort en 1270 et sa canonisation, des écrits et une iconographie vantant les qualités du souverain juste, vertueux et défenseur de la chrétienté se développent. Cette image d’un roi exemplaire en vertu et en piété revient au cours du XIXe, surtout lors du retour des Bourbons sur le trône. En témoignent les tableaux du XIXe siècle exposés dans cette première partie, où l’homme et le saint apparaissent tour à tour dans des visions bourgeoise, intime, romantique, conquérante…
Dans l’axe central de la scénographie, répondant à la statue de Mainneville, les scènes du Portement de Croix et du tombeau du Christ gardés par les gardiens endormis, sculptées sur le Jubé de la cathédrale de Bourges (1240), annonce la conquête de Jérusalem et le thème de cette deuxième partie : les rapports étroits entre foi et pouvoir royal.
Toute l’ambigüité de la monarchie de Saint Louis tient en effet dans le fait qu’il s’identifie à la fois aux rois mérovingiens et aux rois de Judas. Les préoccupations politiques et religieuses s’entremêlent.
Il construit un Etat de plus en plus centralisé où l’affirmation d’un pouvoir royal efficace passe par des actes – le sacre ou encore la fondation de la nécropole royale de Saint-Denis -, ou par des images symboliques telles la construction de monumentales cathédrales ou de la Sainte-Chapelle.
Destinée à préserver les reliques de la Passion du Christ acquise par le roi en 1239-1241, cette chapelle royale est conçue pour être le reflet de Jérusalem. Présente dans l’exposition, la charte de sa fondation datant de 1246, qui assure à Louis IX la pérennité du culte rendu aux reliques et lui garantit l’organisation du service, montre une fois encore combien exercice du pouvoir et volonté de se mettre au service du Christ se confondent. Autour d’elle, manuscrits, objets précieux, reliquaires, vitraux, provenant tous de la Sainte-Chapelle, illustrent l’esprit de collectionneur du roi Louis IX pour le culte divin.
Plat inférieur du premier évangéliaire de la Sainte Chapelle. Paris, vers 1240-1248. Bibliothèque nationale de France. © BnF
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Bible de Saint-Jean d'Acre. 3e quart du XIIIe siècle. Bibliothèque de l'Arsenal. © BnF
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Malgré les difficultés rencontrées en Terre Sainte, Saint Louis favorise l’essor d’une riche culture chrétienne au Proche-Orient comme en témoignent les traits issus de la tradition occidentale des enluminures de la Bible de Saint Jean d’Acre. Si sa croisade pour tenter de délivrer le tombeau du Christ va le mener à la mort en 1270, elle lui permet surtout de se rapprocher davantage de son modèle, le Christ lui-même.
La dernière partie de la visite rend compte de l’épanouissement artistique au temps de Saint Louis, lié aux grands courants intellectuels, politiques et religieux. La pensée de Saint Thomas d’Aquin, illustrée dans l’exposition par la Somme contre les Gentils (1258-1265), véritable synthèse de la pensée chrétienne, reste indéchiffrable pour la plupart des contemporains. Ainsi, c’est l’enseignement de Vincent de Beauvais qui exprime l’ambition encyclopédique du siècle.
Dans la dernière salle, la Vierge à l’Enfant de Wargnies datant du dernier tiers du XIIIe siècle interroge sur les éventuelles influences qu’ont pu exercer le passionné saint Louis et sa cour sur le style même des œuvres du XVIIIe siècle, commandes officielles ou publiques mais aussi plus intimes ou privées. Le canon allongé et au buste cour de la sculpture en bois surmontée d’une petite tête, les plis profonds de ses vêtements volumineux qui mettent en valeur son déhanché accentué, traduisent un pathos nouveau, un souci d’expressivité, de sentiments intérieur, qui diffèrent de l’art équilibré et serein de la 1ère moitié du siècle.
Les 130 objets d’art et d’histoire de l’exposition « Saint Louis », tâchent de répondre aux questions « Ce roi de France aussi puissant, que savons-nous de lui ? » « Pourquoi a-t-il tant marqué l’histoire ? »
Ils permettent ainsi de mieux comprendre la réalité de son voyage inachevé pour la quête de Jérusalem, dans lequel foi et pouvoir sont indissociablement liés ; et de mesurer l’influence qu’a eu Saint Louis dans la floraison artistique qui marque son règne. Une visite de la Sainte-Chapelle, témoignage le plus précieux du mécénat de Louis IX, complètera idéalement celle de l’exposition.
Reconstitutions 3D. Borne tactile interactive.
© Institut Passion for Innovation – Dassault Systèmes. 2014
Informations pratiques
Exposition « Saint Louis », Ouverture au public du 8 octobre 2014 au 11 janvier 2015
La Conciergerie
2 Boulevard du Palais
75001 Paris, France
www.conciergerie.monuments-nationaux.fr
Ouvert tous les jours de 9h30 à 18h - Sauf les 25 décembre et 1er janvier De 9h30 à 18h - dernier accès à 17h
Nocturnes tous les mercredis jusqu'à 20h - dernier accès à 19h (sauf le 24/12 et le 31/12)
Plein tarif : 8,50 € / Tarif réduit : 5,50 €
Billet jumelé Sainte-Chapelle (donnant accès coupe file)
Plein tarif : 12,50 € / Tarif réduit : 8,50 €
Autour de l'exposition
Visite en famille (7,50 euros par enfant)
14h et 15h30, mercredi sauf le 12 novembre Tous les jours du 18 octobre au 1er novembre et du 20 décembre au 3 janvier sauf 22, 23, 29 et 30 décembre
Visites conférences (15 euros, exposition incluse)
10h30, mardi, samedi sauf le 3 janvier
14h30, lundi, mercredi, jeudi et vendredi
Contes et Histoires, 22, 23, 29 et 30 décembre
À cette occasion, le catalogue de l'exposition organisée à la Conciergerie évoque la singularité de ce roi qui a offert à la France médiévale un véritable renouveau économique, intellectuel et artistique.
Préfacé par Jacques Le Goff, cet ouvrage analyse la personnalité de l'homme et l'exercice du pouvoir royal. Il révèle également les richesses de l'art du XIIIe siècle, où culmine le monument phare du règne de saint Louis : la Sainte-Chapelle, reflet de la Jérusalem céleste et écrin des reliques de la Passion du Christ.
Saint Louis
Collection « Catalogues d'exposition. » Parution : 2 octobre 2014 - Prix : 45 euros - 24 x 29 cm - 310 pages - 250 illustrations