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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Des Livres & nous : des églises en ruine, abandonnées, à leur renaissance

Publié le : 18 Octobre 2021
Sous la rubrique Des Livres et nous, voici trois ouvrages consacrés à la question de l'église abandonnée, en ruines, désertée - ou ressuscitée par une juste restauration. Avec [monumental] - revue scientifique des monuments historiques - on explore ces renaissances fascinantes. Le livre « Eglises en ruine » de Mathieu Lours ouvre un passionnant panorama historique sur ce sujet sensible. Enfin, l'ouvrage « Le Royaume du silence » de Philippe Abjean dresse un constat plein de gravité, tempéré par une aspiration à un nouveau modus vivendi pour ces lieux.



[monumental] - Chantiers/Actualités - Trois icônes de l’art roman : Vézelay, Saint-Gilles-du-Gard, Angers

La dernière livraison de cette riche publication des Editions du patrimoine est particulièrement intéressante pour les lecteurs de Narthex. Entreprendre une restauration engendre nécessairement analyses, réflexions et prévisions qui unissent l’histoire et la création, le passé et le présent, la reconstitution et l’imagination, l’architecture et l’urbanisme.

[monumental] se présente comme une revue « scientifique et technique des monuments historiques ». Elle est, en réalité, plus que cela : par exemple, les deux premiers articles sur la restauration du tympan de Vézelay renouvellent la question de ce qu’est un narthex et de ce qui le différencie d’une avant-nef. La restauration de la façade de Saint-Gilles-du-Gard n’est pas séparée de son insertion dans la ville : cette restauration a entraîné celle de tout ce qui l’environne. Un monument ne se pense jamais sans les constructions qui l’entourent.

L’incendie qui a ravagé la cathédrale de Paris est lié dans ce numéro à celui dont fut victime la cathédrale de Nantes : certes les dégâts ne sont pas de même échelle ni toujours de même nature mais l’un ne doit pas faire oublier l’autre.

Le projet de protection de la façade de la cathédrale d’Angers est passionnant : c’est un concours qui a permis de désigner l’architecture qui sera édifiée. Voilà un trop rare exemple d’une construction résolument contemporaine qui va compléter harmonieusement ce qui manquait à cette façade : le patrimoine ancien et le patrimoine d’aujourd’hui entrent dans un dialogue fructueux.

Les débats et décisions qui ont abouti à la restauration de la cathédrale de Metz après l’incendie de 1877 sont riches d’enseignement alors qu’on doit répondre à des questions du même ordre sur la cathédrale Notre-Dame de Paris.

[monumental] ne s’intéresse pas qu’aux grands édifices : la redécouverte de décors peints de modestes églises dans l’Ain ou dans la Nièvre en sont l’illustration.

De nombreuses autres communications sur l’hôtel de la Marine, la Bourse de Commerce, les peintures de Saint-Germain-des-Prés à Paris témoignent du minutieux travail des restaurateurs et de la vie nouvelle qu’ils donnent aux monuments qu’ils traitent.

Emmanuel Bellanger

[monumental] 2021
Chantiers/Actualités
Trois icônes de l’art roman : Vézelay, Saint-Gilles-du-Gard, Angers

Revue scientifique et technique des monuments historiques. Semestriel 1
30€

EGLISES EN RUINE

L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a marqué notre imaginaire d’une empreinte émotionnelle très forte. Ce monument que l’on pensait intemporel est menacé de disparition comme toute construction humaine. Voilà que nous est proposé un livre important et bienvenu pour nous aider à penser sans passion le sujet sensible des ruines ou abandons d’églises.

Une constatation s’impose à la lecture de ce livre : les ruines d’églises existent depuis les origines, c’est-à-dire depuis l’Edit de Milan en 313, moment où les chrétiens ont pu édifier librement leurs lieux de culte. Les raisons qui conduisent à laisser à l’abandon des édifices religieux sont multiples : évènements naturels ou évolutions démographiques comme des incendies ou la désertification des campagnes, mais aussi évènements dus à la violence des hommes comme les guerres de Religion, les Révolutions ou les faits de guerre.

Ce livre ne s’intéresse pas qu’à la France, il envisage l’ensemble de l’Occident chrétien.

Sans une simplification de traitement qui évacuerait la complexité du sujet, quelques clés d’analyse nous sont proposées pour ne pas tomber dans une vision trop unilatérale ou même idéologique de la question. En ce sens, cet ouvrage vient à point nommé.

Articulé sur quatre moments charnières de l’Histoire, le livre de Mathieu Lours nous explique comment les images d’églises en ruine se sont imposées dans l’iconographie, dans la littérature, dans notre imaginaire. Nous découvrons au fil des chapitres comment ont évolué les visions des églises en ruine : l’église image de l’Eglise dans une approche théologique (destruction du Temple de Jérusalem comme châtiment divin) ou christologique Détruisez ce Temple, je le rebâtirai »), vision romantique des ruines, voire sacralisation (images de la solitude de l’âme, beauté fascinante), patrimonalisation des ruines comme lieux de mémoire

L’ouvrage, riche de très nombreux exemples analysés avec précision, s’articule autour des quatre étapes historiques suivantes :

1° De l’Empire à la fin du Moyen-Âge,
2° Les guerres de Religion,
3° La Révolution et le Romantisme.
4° Les deux Guerres Mondiales.

D’une lecture aisée, illustré d’un cahier de photographies qui ajoute la chair des images aux mots, voilà un livre dont l’utilité s’impose à notre époque où l’on s’interroge sur le sort de certaines de nos églises. Une lecture diachronique comme celle-ci permet de nourrir la réflexion de la longue expérience des siècles.

Emmanuel Bellanger

Mathieu Lours
Eglises en ruine, des invasions barbares à l’incendie de Notre-Dame

Editions du Cerf 2020. 316 pages, 22€

Mon royaume pour une église !

Il est connu comme celui qui a relancé il y a près de 30 ans maintenant le Tro Breiz, ce pèlerinage de 800 km qui relie les sept cathédrales bretonnes dédiées aux évangélisateurs de ce bout de France. Il est tout aussi célèbre pour avoir initié la Vallée des Saints en Côte d’Armor, foyer vivant de géants granitiques honorant la mémoire des saints locaux. On l’aura compris : Philippe Abjean, s’il est philosophe de formation et de profession, est aussi un ardent militant de sa Bretagne et de son patrimoine spirituel.

Il le prouve de nouveau, si besoin était, avec la signature de « Le royaume du silence », sous-titré « Redonner vie à nos églises abandonnées » paru récemment chez Salvator.

Le constat, quelque peu catastrophiste reconnaissons-le, se veut clair : faute de célébrations et de vocations (sacerdotales), les églises de France sont de plus en plus fermées. Et les portes closes conduiraient inexorablement à la cession de ces édifices, à savoir leur vente ou leur destruction. Sa solution : la constitution d’un ordre laïc du Silence qui réinvestirait ces « sanctuaires délaissés », en y assurant un « accueil fraternel » et en « transmettant la culture chrétienne », oubliée du monde contemporain.

Se poser la question du « comment faire re-vivre nos églises » est à mon sens difficilement audible. « Re-vivre » signifierait que la plupart de nos édifices ne vivraient plus, aujourd’hui. Or, la vie d’une église ne se limite pas à la quantité de célébrations eucharistiques proposées dans l’année, ni même à la qualité de ces célébrations. Au-delà de la vie liturgique, les visiteurs et touristes ne font-ils pas « vivre » nos édifices, en poussant leurs portes pour y découvrir leurs richesses artistiques ? Osera-t-on proclamer qu’un concert - organisé avec l’autorisation de l’affectataire - ne participe pas à la vie de l’église ? Enfin, le simple fait qu’elle soit « posée là », au milieu du village, n’est-ce pas déjà un signe de vie ?

Comme le souligne Benoît de Sagazan, de l’Institut Pèlerin du Patrimoine, la question à se poser serait plutôt : « savons-nous faire vivre nos églises ? ». Et c’est alors que la création de cet « ordre » laïc, inspiré des tiers-ordres de jadis, constituerait une partie de la réponse à la nécessaire revitalisation du patrimoine religieux français, aux côtés de tous ceux, discrets anonymes et paroissiens zélés, qui s’engagent déjà avec conviction et originalité.

Gautier Mornas

Philippe Abjean
Le royaume du silence. Redonner vie à nos églises abandonnées
Editions Salvator, 140 p., 14,80 €

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