Des Livres & nous : Le souffle de Dieu, Femmes dans la Bible, Prêtres et artistes !

LE SOUFFLE DE DIEU

Les éditions du Cerf viennent de publier le dernier ouvrage de l’historien de l’art Eric Palazzo intitulé : « Le souffle de Dieu » dont le sous-titre précise le sujet : « L’énergie de la liturgie et l’art au Moyen Âge ». Une invitation à renouveler et approfondir notre regard.

L’ouvrage s’organise en quatre grandes parties :
La première est une présentation de la théologie médiévale de l’énergie divine, qui sera déclinée par la suite sous différentes formes de manifestations, en commençant par la liturgie dans la deuxième partie, puis, dans la troisième, quelques figures du « Christ énergétique » à partir de certaines représentations – le Christ lisant à la synagogue, le Christ dans la tempête, le Christ et la femme hémorroïsse ou le Christ en majesté. Enfin, la quatrième partie présente des regards visionnaires qui cherchent à rendre sensible la nature du destin de l’humanité habitée par l’énergie divine qui la conduit à son terme, la vision eschatologique : les exemples d’Hildegarde de Bingen sont lumineux.

Il s’agit dans cette recherche de discerner comment la nature divine comme énergie est présente dans les actions rituelles et les différentes formes d’expression artistique comme l’enluminure ou l’architecture, magnifique expression énergétique dans le jeu de ses équilibres, la poutre en étant une manifestation particulièrement parlante.

La notion d’énergie est analysée à partir de l’acte divin de Création ; c’est cette même énergie qui habite et anime les artistes dans leurs œuvres de création. 

Le texte est nourri de nombreuses citations des grands théologiens médiévaux, quelques enluminures sont précisément analysées dans la perspective de l’énergie divine.

Un approfondissement de notre approche des œuvres, que nous sommes invités à regarder et contempler autrement.

Emmanuel Bellanger

Eric Palazzo, LE SOUFFLE DE DIEU, L’énergie de la liturgie et l’art au Moyen Âge, Editions du Cerf, 2020, 360 pages, 26€

FEMMES DE LA BIBLE

Il existe un nombre infini d’entrées pour goûter les richesses de la Bible dont on n’arrivera jamais à faire le tour. En voici une d’autant plus intéressante qu’elle rejoint une préoccupation très présente dans notre société contemporaine : quelle est la place des femmes dans la vie du monde ?

Voici un beau livre richement illustré : nous est proposé un passionnant parcours de l’ensemble de la Bible envisagé du point de vue des femmes qui jalonnent le récit depuis la Genèse jusqu’àl’Apocalypse.

Ce livre est une invitation à redécouvrir (ou à découvrir tout simplement dans certains cas) que la Bible est constituée de récits parfois étonnants aux rebondissements incroyables. Nous y faisons connaissance avec des figures féminines oubliées ou peu connues comme par exemple, Abigaïl image de bonté ou, a contrario, la reine Jézabel personnification du mal.

Chaque chapitre consacré à une figure particulière est construit de la même façon : un rappel des faits, un approfondissement exégétique clair, un texte tiré des enseignements des derniers papes qui met en écho la figure biblique évoquée et la vie contemporaine : il est alors possible de lire le texte biblique lui-même donné en fin de chapitre et d’en pénétrer plus intimement le sens.

Nathalie Nabert nous offre avec cet ouvrage une approche originale d’où se dégage la profonde humanité, avec ses beautés et ses faiblesses, qui tisse toute l’histoire du Salut. 
La reproduction d’une peinture illustre chacune des figures évoquées. Quelques dessins ou études enrichissent certains chapitres où l’on devine peut-être plus intimement dans le mouvement créatif la force de vie qui émane de ces récits.

Emmanuel Bellanger

Nathalie Nabert, FEMMES DE LA BIBLE, 30 figures d’humanité, Editions Magnificat, octobre 2020, 216 pages, 24,90 €

Prêtres & artistes

« Prosopographie : description et étude biographique de personnalités composant un milieu social ». Même si le mot peut paraître barbare, il décrit pleinement la réalité de cet ouvrage que nous propose la Commission d’Art sacré du diocèse de Lyon. Christiane Servan – historienne d’art – et Clément Perrier – musicologue, organiste et carillonneur – sous la direction de Violaine Savereux-Courtin, ont sélectionné trente prêtres du diocèse de Lyon qui, par leur talent artistique, ont su développer leur art dans leur sacerdoce. La moitié d’entre eux sont des plasticiens et les quinze autres se sont illustrés comme compositeurs ou maîtres de chapelle.

D’un abord très pratique, ce 'catalogue' classé par ordre alphabétique n’est pas un dictionnaire mais bien un ensemble éclectique de notices qui nous propulse dans une voie très peu étudiée, celle du prêtre-artiste. L’enjeu qui a présidé à ce choix est dû aux personnalités comme à l’abondance de sources pour certains. De fait, certains artistes émergent sans avoir été connus. C’est le cas de l’abbé Gérente, originaire de la Vallée du Gier et qui fut photographe de très bon niveau. S’il est représenté dans cet ouvrage, c’est bel et bien parce que le service diocésain des archives a conservé un ensemble de soixante-dix plaques photographiques retraçant son parcours artistique. D’autres prêtres sont des artistes encore actifs et vivants et ce choix est d’autant plus intéressant qu’il reflète donc une réalité contemporaine.

Au détour des pages, le lecteur saura retrouver quelques grands noms de la musique liturgique issue du Concile Vatican II (Joseph Gelineau, Guy de Fatto ou encore Marcel Godard) mais aussi des personnalités artistiques comme le P. Marie-Alain Couturier op ou encore l’abbé Louis Ribes, peintre et illustrateur proche du groupe Témoignage fondé par le galeriste Marcel Michaud et dans lequel évoluait Albert Gleizes comme Alfred Manessier. Lire ces pages permet de dessiner la figure d’un diocèse qui était engagé dans la ligne du catholicisme social mais aussi engagé dans la voix du renouveau issu de Vatican II. Ainsi se dessine une histoire non pas institutionnelle du diocèse mais une histoire à visage humain ; celle des hommes qui créent le Beau.

Avec ce catalogue, certains aimeront parler de prêtres ayant une double vocation, ce à quoi nous préfèrerions simplement dire qu’ils ont eu une vocation et que cette vocation devant être partagée et mise au service du prochain par toutes les voies/voix : la musique comme l’art plastique n’en sont que les moyens. En somme une autre manière d’exprimer Dieu par la création plastique ou musicale. Car si l’art demande une certaine sensibilité, il n’en est pas moins un langage et c’est d’ailleurs ainsi que l’exprime l’abbé Mikaël Frontini dans cet ouvrage : « Je peins parce qu’il y a des choses qui me dépassent, qui sont plus faciles à exprimer pour moi avec des couleurs et des formes qu’avec des mots ».

La lecture de cet opuscule enchante en permettant de retrouver certains compositeurs entendus le dimanche et quelques-uns des artistes croisés, çà et là, dans le diocèse de Lyon. On ne peut qu'inciter les autres commissions d’Art sacré à travers la France à mener ce type d’étude. Un travail de mémoire et d’éducation qui permettrait à tous de voir différemment certaines œuvres accrochées dans nos églises et de découvrir des personnalités méconnues.

Jérôme Bouchet

Christiane Servan, Clément Perrier, Violaine Savereux-Courtin, Prêtres & artistes du diocèse de Lyon, XXe-XXIe siècles, éditions Lieux-Dits, Lyon, 2020, 120 pages, 180 ill., 15 €.

Avertissement !
Cet ouvrage a paru en juin 2020 et cette recension le 20 novembre suivant.
Depuis, des accusations sérieuses de pédocriminalité ont été portées à l’encontre du Père Louis Ribes, qui ont conduit les auteurs du diocèse de Lyon et l’éditeur de l’ouvrage à le retirer de la vente en 2021. Informé de ces faits en novembre 2022 et après mûre réflexion, le Comité de rédaction de Narthex a pris la décision de maintenir en ligne la recension de ce livre mais de publier cet avertissement. En effet, cet ouvrage, même indisponible aujourd’hui, a existé et peut demeurer consultable dans des bibliothèques publiques et privées. Il est donc logique qu’il fasse l’objet d’une critique, ne serait-ce que pour honorer aussi les 28 autres artistes dont ce livre dresse le portrait. La publication de cet avertissement entend aussi redire notre condamnation ferme des agissements évoqués.