Les épreuves du Christ dans "La Chute" de Francisco de Salzillo
Publié le : 28 Mars 2018
L’un des sculptures les plus expressives de l’artiste Francisco Salzillo est sans conteste celle du Christ appartenant au Paso de la Chute (La Caída). C’est l’un des premiers paso à avoir été créé par Francisco Salzillo pour la Real e Ilustre Cofradia de Nuestro Padre Jesus Nazareno. Livré en 1752, il expose la chute du Christ sous le poids de la croix sur le chemin du mont du Calvaire. Quatre personnages l’entourent. Deux personnages secondaires appelés sayones, sur les deux côtés de la croix tentent de le frapper. Celui à la droite de la composition lève une masse cloutée, prête à la faire tomber sur la chair de Jésus. Leurs traits sont déformés par la haine. Tandis que derrière le Christ, Simon le Cyrénéen essaie, quant à lui d’alléger, le fardeau de Jésus en soulevant la croix, afin de l’aider à se relever. Le dernier personnage, un soldat, habillé de manière plus contemporaine, contemple la scène.
Les bras levés des personnages et les regards du soldat et de Simon Cyrénéen orientent celui du spectateur sur l’image du Christ, personnage central de la composition. Celui-ci est prostré au sol, le regard plein de désarroi. Il est ici question de faire ressentir aux fidèles, qui contemplent la scène de plus bas, l’extrême souffrance du Christ, comme si ces derniers, transportés dans l’Histoire, assistaient à la scène.
Francisco Salzillo tente de s'approcher au maximum d'un rendu réaliste des expressions et des attitudes. L’image du Christ est ce que l’on appelle une imagen de vestir, ce qui signifie « image à habiller ». La sculpture en bois polychrome porte un vêtement. Sa couleur pourpre, couleur de la mortification, est semblable à celui de l’habit des membres de la confrérie auquel il appartient. Afin de rapprocher de la réalité les personnages des Pasos de la Semaine Sainte, les sculpteurs font appel à divers moyens. Les yeux sont en verre peint. Les dents sont en ivoire. Les ongles peuvent être faites de cornes. Et dans le cas du Cristo de la Caída de Salzillo, sa longue chevelure rajoute à cet effet de réalité voulu par l’artiste. La couronne d’épines posée sur sa tête et les plaies qu’elle a créées sur son front, sont figurées par des coulures rouges, symbolisant le sang perdu par Jésus Christ. Une épine lui traverse le sourcil droit, tandis qu’une larme de sang coule de son œil gauche. Chaque détail est soigné pour que de quelque point de vue que soit contemplée la scène, la souffrance du Christ frappe le fidèle.
Tel un arrêt sur image, il semble que ce Paso inscrive un lien indélébile avec le théâtre religieux, dont les figurations de la Semaine Sainte sont issues. Le propos est clair : les images présentées doivent susciter chez les fidèles la compassion et le repentir. Si les images peuvent sembler abruptes pour l’œil non aguerri à ce genre d’iconographie, elles sont parties intégrantes du mode de vivre la foi des confréries pénitentielles espagnoles. Le sentiment et l’émotion sont au cœur de la Semaine Sainte ibérique. Ce sont eux qui exacerbent le lien étroit des images à la communauté et qui fondent toute l’originalité de ces manifestations religieuses.
Nathalie Cerezales