La Cène de Francisco Salzillo : La monumentalité au service de la Semaine Sainte

La Cène de Francisco Salzillo, conservée dans l’église de la Jesús, rattachée au musée Salzillo de Murcie (Sud-Est de l’Espagne), est l’un des Pasos les plus majestueux de la Semaine Sainte espagnole. Francisco Salzillo est un artiste du XVIIIe siècle, considéré comme l’un des plus importants imagineros (sculpteur) de la fin du baroque espagnol.

Il est notamment célèbre pour avoir créé sept Pasos appartenant à la Real y Muy Ilustre Cofradía de Nuestro Padre Jesús Nazareno, fondée en 1600. Cette dernière est l’une des nombreuses confréries dédiées à Jesús Nazareno, que l’on trouve dans le pays. Comme beaucoup de ses semblables, elle détient sa propre église, dans laquelle sont toujours exposés les Pasos créés par Salzillo. Le musée consacré au sculpteur s’est alors construit autour du lieu de culte de la confrérie, afin de permettre au visiteur de contempler les Pasos.

La Cène a été créée par le sculpteur en 1761. Celui-ci a relevé le défi presque impossible de créer un Paso rassemblant le Christ et les douze apôtres autour d’une table. Comme beaucoup de ces scènes sculptées, il se caractérise par une certaine monumentalité, dont la seule limite est le poids, le Paso étant chargé sur les épaules des cofrades et promené en procession plusieurs heures durant. Entouré des douze apôtres, le Christ préside à la table. Lors de la procession du vendredi Saint, durant laquelle sont promenées les Pasos de la confrérie, cette dernière est copieusement garnie. Fruits, pain et coupes y sont abondamment présentés. Mettre la table est d’ailleurs considéré comme un privilège pour les membres de la confrérie.

Le Paso représente le moment, tiré de l’évangile de Saint Jean, où Jésus annonce qu’il va être trahi. La posture du Christ contraste avec celles des apôtres. Alors même qu’il se tient droit, que ses traits sont déterminés et ses bras ouverts, les autres personnages paraissent agités. Il faut dire que l’une des particularités des figures sculptées des Pasos de la Semaine Sainte est l’exagération des postures. Les bustes se tordent, les épaules se haussent et s’abaissent. Les traits du visage sont accentués. Tout est fait pour donner un effet dramatique à la scène. Le sculpteur imagine et crée ses images pour qu’elles soient vues de tous les points de vue, mais aussi pour que la scène soit admirée de loin et d’en bas.

Dans ce cas précis, les mouvements du corps des apôtres révèlent leur stupeur et leur incrédulité. Tandis que certains se lèvent, d’autres agitent leurs bras. Les regards se croisent, se font interrogateurs et cherchent qui pourrait être le traitre. Mais alors que Saint Jean dort paisiblement sur les genoux du Christ, un seul regard se dérobe à la mêlée. Celui de Judas au bout de la table est quant à lui baissé, et regarde vers le bas. Il regarde vers la foule. Ses cheveux d’un roux presque blond contraste avec les chevelures des autres personnages. L’œil du fidèle, une fois l’ensemble de la scène saisi, ne peut alors que s’attarder sur le personnage et deviner qui aura trahi le Christ.

Nathalie Cerezales

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