Aller au contenu. | Aller à la navigation

Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

Bonjour, notre site va bénéficier d’une refonte dans les prochains mois. L’activité de Narthex est actuellement réduite. Nous vous remercions de votre compréhension.

« Le Vent souffle où il veut » - Fortuna de Germinal Roaux

Publié le : 13 Février 2019
Fortuna, jeune Ethiopienne de 14 ans, est accueillie avec d’autres réfugiés par une communauté de religieux catholiques dans un monastère des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain dont elle tombe amoureuse. Pierre Vaccaro chronique ce film inspirant de Germinal Roaux, tout juste sorti en DVD.

Fortuna (Kidist Siyum Beza) et Frère Luc (Yoann Blanc) © NOUR FILMS
« L’histoire de Fortuna a résonné en moi »

Alors qu’il aide sa compagne dans des recherches documentaires sur l’accueil de migrants mineurs et non accompagnés, Germinal Roaux découvre que, pour pallier le manque de places dans les centres d’hébergements, certains de ces réfugiés sont accueillis au sein de communautés religieuses. Bouleversé, il décide alors de se lancer dans l’écriture d’un film qui deviendra « Fortuna » l'histoire d'une adolescente éthiopienne de 14 ans qui, après avoir traversé la Méditerranée, est accueillie avec d’autres au Monastère du Simplon pour passer l’hiver. « Cela a résonné en moi », confie-t-il. « Ma rencontre avec les chanoines du Simplon a été déterminante dans l’écriture du projet. Mois après mois mes carnets de notes se sont remplis comme un herbier, une collection d’idées et de mise en relation qui ont fini par aboutir à un projet de long métrage ». Tourné à 2000 m d’altitude dans un froid glacial, le tournage de « Fortuna », à lui seul, relève plus de l’aventure humaine et de la réussite collective que de la création d’une œuvre cinématographique parfaitement aboutie.

Les frères de la communauté (en b. de g. à d. , les acteurs : Pierre Banderet, Bruno Ganz et Simon André)  © NOUR FILMS
Entre documentaire et fiction, retranscrire à l’écran une expérience spirituelle

Car le cinéaste, tout comme Xavier Beauvois ou Cédric Khan avant lui, est surtout intéressé par la mise en image d’une expérience spirituelle... Magicien de la lumière, Roaux vient du monde de la photographie. Il utilise un magnifique noir et blanc, très contrasté, et sait tirer de tous ses plans esthétisme et épure, donnant à son film une austérité et une profondeur spirituelle qui rappellent celles du Grand Silence.

Fortuna, 2018 © Nour Films

Exercice périlleux, le film met en images un vécu intérieur et cherche à retranscrire la foi à l’écran. D’un côté, « Fortuna » est ponctué de magnifiques moments de poésie mystique, proches de la méditation. Montagnes altières, eau mouvante de la mer, vent soufflant au cœur de l’immensité des vallées, le cinéaste utilise les éléments comme symbole de la traversée de la vie où l’homme est conduit sur des chemins mouvants et ardus. De l’autre, la dimension narrative, à mi-chemin entre fiction et documentaire, se heurte à quelques difficultés. Le réalisateur semble hésiter à adopter un point de vue dans le scénario : parler des migrants, de ceux qui les accueillent ou de l'histoire sentimentale des deux jeunes éthiopiens ? La mise en scène est guidée par une volonté stylistique très appuyée, où chaque plan doit être signifiant. Ce formalisme esthétique impose au récit une gravité et une solennité parfois pesantes qui peuvent desservir la force du propos et chasser de la spontanéité voire même une certaine incarnation des personnages qui restent aux yeux du spectateur des figures filmiques.

© NOUR FILMS
L’accueil inconditionnel de l’autre

La force de « Fortuna » se trouve ailleurs, au-delà de certaines maladresses d’un cinéaste qui n’en est qu’à son deuxième film et qui vient d’un autre univers professionnel. Elle réside dans le geste artistique d’un homme, témoin d’une expérience de foi, touché par des rencontres et qui livre un questionnement intime. Jusqu’où puis-je aller dans l’ouverture à l’autre ? Le film interroge les frontières de l’accueil, tout en dépassant le discours de la loi et de la morale. Roaux fait dire à frère Jean, joué par le grand Bruno Ganz, que « le mal est parfois le bien imposé au nom de nos propres convictions (…) le vrai accueil est celui de l’autre tel qu’il est et non pas tel que nous voulons qu’il soit ». Il a ainsi entendu et été touché par une dimension centrale de la foi : accueillir l’autre de manière inconditionnelle, être prêt à offrir le cœur de sa vie pour autrui dans le don de soi. L’homme serait-il capable d’un amour aussi profond et radical ? Telle est, en somme, l’ultime question, éminemment spirituelle, qu’ose poser « Fortuna ».

 

Pierre Vaccaro (contacter l'auteur)

 

--

Fortuna, un film de Germinal Roaux. Disponible en DVD depuis le 5 février 2019.

Mots-clés associés :
Ajouter un commentaire

Vous pouvez ajouter un commentaire en complétant le formulaire ci-dessous. Le format doit être plain text. Les commentaires sont modérés.

Question: 10 + 4 ?
Your answer:
Pierre Vaccaro

Titulaire d’une maîtrise d’Histoire du cinéma à l’Université de Tours et d’un master en Communication au Celsa, Pierre Vaccaro a aussi étudié la théologie à l’Institut Catholique de Paris. Le cinéma représente pour lui une passion depuis de nombreuses années. Plusieurs travaux de recherches et de rédactions, notamment pour la revue 1895 de l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, pour des sites de cinéma, ou encore pour Le Courrier Français via le groupe Bayard lui ont valu de collaborer pendant quelques années au Jury œcuménique au Festival de Cannes.

Recherchez sur le site
Inscrivez-vous à la newsletter