La musique, divine harmonie: Hildegard Von Bingen 3/3
Publié le : 30 Août 2016
Le portail ouest d’Aulnay en Charente-Maritime est un superbe exemple de psychomachie que le contexte iconographique explique en son sens profond. L’Agneau Mystique présenté par des anges dans la première voussure, celle du bas, est à la source de notre histoire : offert en sacrifice pour sauver le monde. La deuxième voussure invite au combat spirituel : les vertus triomphent des vices contorsionnés à leurs pieds. La troisième voussure donne le sens de ce combat : il nous faut être prêt pour l’accueil de l’Epoux dont nul ne sait quand il va venir. Les vierges folles imprévoyantes se désolent à droite tandis que les vierges sages l’accueillent avec assurance à gauche.
Ce combat du Bien et du Mal a inspiré sculpteurs et musiciens tout au long du Moyen-Âge.
Les portails de nombreuses églises portent la trace des Mystères qui étaient représentés à leurs pieds : la musique rejoint ici la sculpture. Il ne s’agit plus de musique liturgique mais d’un art « éducatif » pourrait-on dire. Les sujets représentés étaient tirés soit des évangiles – la Nativité, la Résurrection – ou de la vie des saints. C’est dans cette tradition qu’Hildegarde se situe dans son Ordo Virtutum.
Il s’agit d’une œuvre à la fois poétique et musicale : une création totale comme on dirait aujourd’hui, la plus étrange d’Hildegarde selon Régine Pernoud. Dans ce qu’on ne peut encore appeler un oratorio mais qui l’annonce de loin – le premier oratorio de l’histoire est italien et s’intitule la Rappresentatione di Anima et di Corpo (Cavalieri, 2ème moitié du 16ème siècle), encore une forme de dialogue mystique – Hildegarde met en scène les Vertus, le diable, l’âme fidèle. On retrouve dans cette œuvre tout ce qui caractérise la musique de notre religieuse : grande liberté mélodique et rythmique par rapport aux accents des mots, grande amplitude vocale, richesse modale. Voici quelques passages du texte : Hildegarde exprime très simplement cette réalité qu’elle éprouve dans sa chair de la tension entre le bien à quoi elle aspire en Dieu et la réalité du monde.
L’âme fidèle : Ô peine très dure et poids grave que je soutiens dans le vêtement de cette vie – car il m’est très difficile de combattre contre la chair.
Les Vertus : Ô âme ! constituée selon la volonté de Dieu, ô instrument heureux, pourquoi es-tu si faible contre ce que Dieu a vaincu dans la nature virginale ? Tu dois en nous dominer le diable.
L’âme fidèle : Secourez-moi, en m’aidant pour que je puisse tenir bon….
Le diable : Folle, folle ! A quoi te sert-il de souffrir ? Regarde le monde et il t’embrassera avec beaucoup d’honneur.
Les vertus : Hélas ! Hélas ! Nous, vertus, pleurons et nous lamentons, car la brebis de Dieu est en train de fuir la vie…
Voir Régine Pernoud : Hildegarde de Bingen. Livre de poche 1994.