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De la soumission à l'Église dans les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola

Publié le : 4 Juin 2015
A la suite des quatre semaines d’Exercices spirituels, Ignace de Loyola donne ses conseils sur la distribution des aumônes (§337 à 344), puis sur les scrupules (§345 à 351) avant d’évoquer la soumission à l’Eglise (§352 à 370). Il énonce alors 18 « Règles à suivre pour ne nous écarter jamais des véritables sentiments que nous devons avoir dans l'Église militante » (§352).

Ces règles d’obéissance s’organisent en deux temps, après l’énoncé de ce qui les fonde dans la première règle : «  Renoncer à tout jugement propre et se tenir prêt à obéir promptement à la véritable Épouse de Jésus-Christ, notre Seigneur, c'est-à-dire à la sainte Église hiérarchique, notre Mère ».

Une première série de règlements concerne la vie sacramentelle et monastique (confession, Eucharistie, vœux monastiques, pratiques religieuses, respect envers les supérieurs), mais aussi la vénération des images, qui se déploiera dans l’art baroque de la Contre Réforme :
Il s’agit de « louer le zèle pour la construction et l'ornement des églises; louer de même l'usage des tableaux et des statues et les vénérer en vue des objets qu'ils représentent » (8e règle).

« Au plafond de l’église Saint Ignace, à Rome,, grande fresque en trompe-l’œil qui représente l’apothéose de Saint Ignace, un rayon lumineux venant de Dieu baigne de lumière Saint Ignace, qui la diffuse aux quatre coins du monde, symbolisant ainsi le rôle de missionnaire des Jésuites » Rome passion.

Andrea POZZO, Apothéose de Saint Ignace, 1694, Eglise Saint Ignace, Rome

La seconde série de recommandations est intellectuelle, elle invite, d’abord, au débat d’idées, au combat intellectuel :
« Le but principal de la théologie positive et scolastique, est de définir et d'expliquer, selon le besoin des temps modernes, les choses nécessaires au salut éternel, d'attaquer et de manifester clairement toutes les erreurs et les faux raisonnements des ennemis de l'Église » (11e  règle).

Puis, pour illustrer ce propos, les conseils portent sur le débat théologique entre la grâce divine et la liberté humaine, la foi et les œuvres :

« Quoiqu'il soit très vrai que personne ne puisse se sauver sans être prédestiné et sans avoir la foi et la grâce, il faut s'observer beaucoup dans la manière de parler et de discourir sur ce sujet. Nous ne devons parler ni beaucoup ni souvent de la prédestination; mais si on en dit parfois quelque chose, que l'on évite de donner au peuple l'occasion de tomber dans quelque erreur et de lui faire dire ce que l'on entend quelquefois: Si je dois être damné ou sauvé, c'est une affaire déjà décidée; mes actions bonnes ou mauvaises ne feront pas qu'il en arrive autrement. Et, sur ce raisonnement, on tombe dans l'indolence, et on néglige les oeuvres utiles au profit de l'âme et nécessaires au salut. Il faut également prendre garde qu'à force de parler sans explication et sans distinction de l'excellence et de la vertu de la foi, on ne donne occasion au peuple de devenir négligent et paresseux pour les bonnes oeuvres, soit avant la conversion, lorsque la foi n'est pas encore animée par la charité, soit après. Ne nous arrêtons pas et n'insistons pas tellement sur l'efficacité de la grâce, que nous fassions naître dans les coeurs le poison de l'erreur qui nie la liberté. Il est permis sans doute de parler de la foi et de la grâce, autant qu'il est possible avec le secours divin, pour la plus grande louange de la divine Majesté; mais non de telle manière, surtout en des temps si difficiles, que les oeuvres et le libre arbitre en reçoivent quelque préjudice, ou soient regardés, celui-ci comme un vain mot, et celles-là comme inutiles » (14e à 17e règle).

On voit que ce texte est basé sur une opposition entre, d’un côté, la prédestination, la foi, la grâce, de l’autre, les bonnes actions, les œuvres utiles au salut, la liberté, le libre arbitre. C’est toute l’opposition entre les Jésuites et les protestants, et, par la suite au XVIIe siècle, la querelle entre jésuites et jansénistes. De la même façon, dans la tragédie classique du XVIIe siècle, s’opposeront les héros de Corneille, qui fut formé par les Jésuites, à ceux de Racine, influencé par les Jansénistes. Aussi a-t-on a pu dire que Phèdre de Racine était « une chrétienne à qui la grâce a manqué ».

Rappelons les données du problème. Le jansénisme est convaincu de la déchéance de la nature humaine, marquée par le péché originel. Ainsi, l’homme, livré aux passions et dépourvu de la grâce divine, ne peut échapper à sa misère infinie. Vision profondément moderne d’une humanité qui semble livrée à elle-même, jetée dans le monde sans savoir ni d’où elle vient ni où elle va. Toute la pièce de Phèdre de Racine est une lutte entre le jour et la nuit, entre le salut et la damnation. Le labyrinthe symbolise l’univers du mal, dans toute sa profondeur, sa complexité et sa noirceur. Il figure le propre cœur de Phèdre, les replis de son désir, la part ténébreuse que chacun porte en soi et dont on ne peut se sauver.

Or, dans ce monde sans rémission, à travers l’angoisse de la damnation, éclate ce cri inconnu des Anciens, l’impératif qui clôt l’évocation infernale « Pardonne ! » v.1289. C’est l’appel à la lumière du fond de la nuit de la pécheresse, montrant toute une humanité en quête du salut. A l’opposé, les Jésuites, sans nier le péché originel, pensent que l’homme, par ses œuvres et son libre-arbitre, peut beaucoup pour son salut.

Martine Petrini-Poli

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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