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La collégiale Saint-Martin de Montmorency, splendeur d’une dynastie

Publié le : 8 Septembre 2022
Dans le cadre de notre partenariat avec la revue "Le Monde de la Bible", notre chronique intitulée "la Bible des pierres" vous propose de découvrir avec l'historien Mathieu Lours la collégiale Saint-Martin de Montmorency, l’un des fleurons du patrimoine du Val-d’Oise. Edifiée en style gothique flamboyant, elle abrite le panthéon dynastique des seigneurs de Montmorency, et un remarquable ensemble de vitraux réalisés par certains des plus grands peintres verriers de la Renaissance.

En partenariat avec

La collégiale Saint-Martin de Montmorency, vue depuis l’avenue du Lac au sud-ouest © Wikimedia commons

Le site de la collégiale de Montmorency

Située sur une colline au nord-ouest de Paris, la ville de Montmorency domine la vallée éponyme, dans le Val-d’Oise. Visible depuis les rives du lac d’Enghien, sa collégiale est le principal monument légué par la famille qui prit le nom de ce fief, l’une des plus puissantes de France au XVIe siècle. Conçue telle un panthéon dynastique, la collégiale contient non seulement les tombeaux de la famille de Montmorency, mais aussi une exceptionnelle galerie de portraits peints sur verre des acteurs du « beau XVIe siècle » et des guerres de Religion. Les vitraux de la collégiale de Montmorency constituent un ensemble remarquable, réalisé par certains des plus grands peintres verriers de la Renaissance.

Un peu d'histoire...

Dans l’enceinte basse de leur château, les seigneurs de Montmorency voulurent une collégiale, sans doute fondée au XIIe siècle, où les chanoines priaient pour le repos de l’âme des défunts de la famille. Cette église castrale abrita aussi un autel paroissial à destination des fidèles du bourg qui naquit à l’ombre du château. Elle fut le témoin des grandes heures de la famille de Montmorency au XIIIe siècle qui connut ensuite un certain effacement, se divisant en plusieurs branches. À la fin du XVe siècle, elle retrouve sa splendeur grâce à Guillaume de Montmorency, devenu connétable. Pour enraciner ce nouveau prestige, il entreprend la reconstruction de la collégiale à partir de 1515, sous la forme d’un vaste édifice gothique flamboyant. Seule la collégiale illustre alors le prestige de la famille, le château ayant été détruit pendant la guerre de Cent Ans, hormis une de ses tours, et les Montmorency résidant désormais à Écouen ou Chantilly. En 1531, le chœur achevé reçoit une remarquable parure de vitraux. À sa mort, Guillaume lègue près de 250 fiefs à son fils Anne (du prénom de sa marraine, Anne de Bretagne) qui décide de poursuivre la construction de l’édifice. De 1557 à 1563, nommé duc et pair en 1551, il entreprend la construction de la nef, toujours dans le style gothique flamboyant, sous la surveillance de Philibert de l’Orme. À la mort du connétable à la bataille de Saint-Denis contre les protestants, en 1567, la construction de la façade Renaissance reste inachevée. Sa veuve fait réaliser un imposant mausolée au milieu de la nef, démembré à la Révolution française: les gisants sont au musée Louvre, les éléments architecturaux à l’École des Beaux-Arts. À la fin du XIXe siècle, la façade inachevée et le modeste clocher sont remplacés par un ensemble néogothique réalisé par Lucien Magne.

La nef de l’église, dans le style gothique flamboyant © Wikimedia commons

Le style architectural

Edifiée en style gothique flamboyant, l’église, à caractère funéraire, est sobre et solennelle, son éclairage provenant uniquement des hautes baies de l’abside. Le décor se concentre sur le voûtement, orné de nervures secondaires au tracé parfois virtuose, et d’éléments polychromes. Les verrières en constituent l’élément le plus remarquable. Celles du chœur et de ses collatéraux, datant de 1525 à 1545, sont pour la plupart l’œuvre de Jean Chastellain – le fameux « maître de Montmorency » – et celle offerte par Charles de Villiers de l’Isle-Adam est d’Engrand Leprince, un des plus célèbres peintres verriers de Beauvais. Chacune d’entre elles – sauf celles de l’abside – figure un donateur en prière, présenté par son saint patron. Tous sont tournés vers l’est, en attente de la venue du Christ. De part et d’autre de l’autel, Guillaume et son épouse sont représentés en prière. Cet ensemble constitue une des plus admirables galeries de portraits sur verre du XVIe siècle conservée in situ. Les verrières du XIXe siècle des premières travées illustrent la descendance de la famille de Montmorency après la fin du XVIe siècle.

Le vitrail d'Anne de Montmorency © Wikimedia commons

Le vitrail d'Anne de Montmorency

Anne de Montmorency apparaît trois fois dans les vitraux de la collégiale. Dans la baie de gauche de l’abside, il est représenté enfant, avec son père, le connétable Guillaume de Montmorency, et ses frères. Dans la baie d’axe du collatéral nord (photo ci-contre), Anne, encore jeune, est représenté à genoux, portant la tunique héraldique de la famille de Montmorency, présenté par sainte Barbe et priant devant une Vierge à l’Enfant. En 1563, il fait réaliser un vitrail le représentant âgé, avec ses cinq fils, dont Gabriel, mort à la bataille de Dreux en 1562, coiffé d’un heaume. En 1567, âgé de 74 ans, Anne de Montmorency meurt à la bataille de Saint-Denis. L’armée adverse, protestante, est dirigée par son propre neveu, Gaspard de Coligny, dont les parents avaient offert le vitrail visible dans la première baie du collatéral sud et dont le frère, Odet de Châtillon, s’est fait représenter sur le vitrail qu’il a offert à la collégiale avant sa conversion au calvinisme.

Le vitrail des Saintes Femmes © Wikimedia commons

Le vitrail des Saintes Femmes

Parmi le riche ensemble que constituent les verrières de Montmorency, une des plus notables est celle consacrée aux Saintes Femmes, chef-d’œuvre de la Renaissance tant par son exécution que son iconographie. Située dans la baie surmontant la porte qui était l’accès qu’empruntaient les Montmorency, la verrière possède un tympan entièrement consacré à l’héraldique familiale qui occupe toute la partie haute de la composition. Au-dessous, chacune des quatre lancettes est occupée par une élégante figure féminine habitant l’espace qui lui est dédié. Au lieu de représenter l’épisode narratif de la Résurrection, l’artiste qui a dessiné le carton du vitrail a choisi d’isoler chacune des figures, emblématiques du nouveau regard porté sur la personne par les humanistes. Adoptant une position différente, elles mettent en valeur la richesse des drapés de leurs vêtements. L’espace dans lequel elles évoluent est lui aussi signifiant. Les ressources de la perspective sont utilisées pour définir un volume parallélépipédique scandé de colonnes qui donnent l’illusion que les meneaux de la baie s’inscrivent dans leur continuité. La pièce où se trouvent les personnages est délimitée par la figuration d’une tenture violette pour laquelle des pochoirs ont été utilisés pour la traiter en damas. À l’arrière-plan apparaît la végétation d’un jardin dont seules sont visibles les branches les plus hautes, comme dans les traditions de la peinture italienne. Ainsi, le maître de Montmorency, Jean Chastellain, a su adapter les ressources de l’art très français qu’est le vitrail, avec les innovations picturales venues de l’autre côté des Alpes.

Le tombeau des princes polonais © Wikimedia commons

Le tombeau des princes polonais

La collégiale de Montmorency est un des hauts lieux de mémoire de la solidarité entre la France et la Pologne, dont le royaume avait été partagé, à la fin du XVIIIe siècle, entre les puissances voisines. En 1830, les Polonais soumis à la Russie entreprennent une insurrection qui échoue. La France accueille les exilés dont plusieurs grandes figures s’établissent à Montmorency. Depuis 1843, la ville est le but d’un pèlerinage mémoriel dont la collégiale est une étape car elle accueille le cénotaphe, sous l’aspect de deux gisants, du général Kniaziewicz et du poète Niemcewicz, morts en 1842 et 1841 et inhumés dans un cimetière de la ville. Il y a aussi le buste du prince Czartoryski et les plaques commémoratives de la princesse Anna Czartoryska et de la comtesse Izabella Działynska, membres éminents de la communauté des Polonais en exil à Montmorency.

Le plan de la collégiale de Montmorency (1880) © Wikimedia commons

L’actualité de l’édifice

La collégiale de Montmorency est l’un des fleurons du patrimoine du Val-d’Oise. Elle est le cadre de visites culturelles et d’initiatives organisées tant par la municipalité, la paroisse, que par les associations qui contribuent à sa mise en valeur. La communauté catholique est partie prenante de ces propositions très diversifiées. De toute évidence, le rayonnement musical de l’édifice doit beaucoup à ses grandes orgues. Réalisées en 1985 par le facteur d’orgue Gonzalez, elles comptent trois claviers et trente-six  jeux. Plusieurs musiciens illustres ont été titulaires de la tribune, dont Jacques Charpentier ainsi que Yannick Daguerre. Aujourd’hui, des concerts permettent de les entendre et elles résonnent à chaque célébration. Lors de la Nuit des églises, des créations particulièrement innovantes ont été proposées, comme des improvisations à l’orgue sur des thèmes liés au cinéma, de Star Wars à Inception. Un programme varié de visites, d’ateliers et de concerts est aussi déployé durant les Journées du patrimoine. Des expositions sont également régulièrement réalisées et une visite en réalité augmentée est désormais proposée par l’office de tourisme. La collégiale demeure ainsi un lieu de rayonnement et de rencontre entre foi et culture.

La Source

Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés.
Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau.
Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant.
Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée :
'Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.' »
Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites.
Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres.
C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres.

Luc 24,1-10 (source AELF)

Mathieu Lours
Historien de l'architecture

Pour aller plus loin

À lire :

René Baillargeat, La collégiale Saint-Martin de Montmorency, éd. Picard, 1959
Jacqueline Rabasse et André Duchesne, Collégiale Saint-Martin,Société d’Histoire de Montmorency, 1982

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 240 - mars-avril-mai 2022. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

Anonymous a écrit :
21/01/2023 14:48

La clarté de vos explications et la netteté des reproductions m'ont particulièrement séduite. J'aimerais savoir si vous vous intéressez aussi aux grands sites, particulièrement quand le patrimoine architectural et le patrimoine naturel sont étroitement liés ?

Valérie de Maulmin
Valérie de Maulmin a écrit :
24/01/2023 18:42

Merci pour votre lecture et votre commentaire, n'hésitez pas à nous faire part de vos suggestions !

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