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La cathédrale Saint-Lazare d'Autun, chef d'oeuvre de l'art clunisien

Publié le : 4 Janvier 2022
Dans le cadre de notre partenariat avec la revue "Le Monde de la Bible", notre chronique intitulée "la Bible des pierres" vous amène à la découverte de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun en Bourgogne, remarquable édifice d'inspiration clunisienne, ancré dans une cité de haute antiquité, qui abrite les reliques de saint Lazare, le ressuscité de Béthanie. La qualité exceptionnelle de ses éléments sculptés, et de son tympan qui porte la signature de Gislebertus, ont contribué à la renommée de ce monument d'exception qui vient de fêter le jubilé de ses 900 ans.

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La cathédrale d'Autun, dans son enveloppe gothique, vue du sud-ouest, élevant vers le ciel sa flèche flamboyante et ses clochetons néo-romans. © Jean-Pierre Gobillot / Place des Victoires

Le site de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun

Qu’on l’aborde du nord ou de l’ouest, venant du Morvan ou de la vallée de l’Arroux, de l’est depuis la côte chalonnaise ou beaunoise, que l’on dévale les Monts de l’Autunois au sud, Autun rappelle, par un monument gallo-romain, sa haute antiquité et son rôle de capitale intellectuelle des Gaules.

Mais d’où que l’on vienne, s’impose la silhouette de la cathédrale St-Lazare, dominant de sa flèche de 44 mètres un des plus beaux sites urbains de France. Au point culminant de la ville, elle commémore le rang métropolitain d’une cité bourguignonne plus que bimillénaire, sa prime évangélisation, à la suite de Lyon, et le patronage du ressuscité de Béthanie dont le pèlerinage, avec son corollaire de foires et de fêtes, fit sa renommée et sa prospérité.

Un peu d'histoire...

La venue à Autun, à Noël 1119, du pape Calixte II lance la construction de l’église St-Lazare. Onze ans plus tard, sa consécration par Innocent II ne signifie pas la fin du chantier. Le 20 octobre 1146, lors du transfert des reliques de son saint patron, amenées de Marseille le 1er septembre 972, par l’évêque Girard, il est à peine achevé.

Fortement lié à Cluny, l’évêque Etienne de Bâgé y appelle des artistes formés là, dont Gislebertus qui signe le tympan du portail nord. Le prélat fait aussi élever dans le chœur, pour le corps du saint, un mausolée en forme d’église miniature, point de passage obligé des pèlerins. Augmentée au nord d’un porche en 1178, l’église est associée en 1195 à l’antique St-Nazaire dans les fonctions de cathédrale, et la supplantera progressivement jusqu’à sa désaffectation et démolition en 1783.

A partir de 1292, des arcs-boutants sont mis en place pour tenter de remédier à l’instabilité des murs gouttereaux. De 1400 à 1530, on élève entre eux quatorze chapelles latérales flamboyantes. L’incendie des combles en 1468 suscite des transformations : un nouveau toit aigu, la modification des absides et l’érection d’une haute flèche. Au milieu du XVIIIe siècle, les embellissements ont pour conséquence la disparition d’une partie du décor médiéval (tympans, mausolée, jubé, vitraux...).

L’une des deux premières cathédrales de France classées Monument Historique dès 1840, elle est largement restaurée au XIXe siècle par Robelin, Dupasquier et Durand (sous la houlette de Viollet-le-Duc) qui la dotent d’un nouveau toit à faible pente, de deux clochetons néo-romans et de nouvelles piles de transept. Le Martyre de saint Symphorien par Ingres y est livré en 1834.

Le style architectural

Couronnée d’un haut comble timbré d’une vertigineuse flèche, ceinturée de chapelles, affichant tous un répertoire décoratif flamboyant, la cathédrale d’Autun donne extérieurement l’illusion d’un édifice gothique. C’est à l’intérieur qu’on en perçoit la filiation clunisienne. La plus vaste des quatre principales églises bourguignonnes inspirées de la « major ecclesia » d’Hugues de Semur, elle en décline les caractéristiques tant dans son voûtement (berceau brisé et croisées d’arêtes) que dans son élévation à trois niveaux (grandes arcades, faux triforium et fenêtres hautes). L’emploi systématique du pilastre cannelé dit son héritage antique et son originalité. De récents sondages ont révélé une polychromie rouge et ocre jaune qui en couvrait toutes les surfaces. Sa remarquable architecture s’efface toutefois devant la célébrité de son œuvre sculpté (tympans et chapiteaux dont près de 80 historiés).

Jean de La Huerta, Vierge à l'Enfant,  albâtre, XVe siècle © Musée Rolin

La Vierge en albâtre de Jean de la Huerta

Mécène émule de son père le chancelier, Jean Rolin, évêque d’Autun de 1436 à 1483, modifie profondément, dans la seconde moitié du XVe siècle, le visage de la cathédrale St-Lazare dont l’incendie des parties hautes offre une occasion en 1468. A la suite de ce sinistre, il la dote d’un nouveau comble et de la haute flèche octogone de pierre qui la signale au loin.

On lui doit encore l’escalier qui y conduit, la tribune d’orgue, les chapelles St-Vincent et Ste Geneviève ainsi que le « petit revestiaire ». S’y ajoutaient le jubé, l’armoire-reliquaire du chef de St Lazare et la chapelle de la Vierge où il reposera et à laquelle il s’intéresse dès son élévation au cardinalat en 1449.

Deux œuvres majeures, conçues pour celle-ci, subsistent de nos jours : la Nativité du Maître de Moulins, panneau exposé au Musée Rolin, et une délicate Vierge en albâtre, attribuée à Jean de La Huerta, célèbre imagier du duc Philippe le Bon, présent à Autun en 1449, qui semble avoir livré ici la réduction d’un modèle sculpté par lui deux ans plus tôt pour une porte d’Auxonne.

Le Tympan du Jugement Dernier, cathédrale d'Autun © JEAN-PIERRE GOBILLOT / PLACE DES VICTOIRES

Le Tympan du Jugement Dernier

Au terme de son parcours intérieur de l’édifice, le pèlerin médiéval de Saint-Lazare franchissait le portail nord et débouchait sur un espace funéraire dont la destination avait pu déterminer le choix du Jugement dernier pour thème du tympan. La puissance des images tirées de l’Apocalypse soulignent là l’énergie créatrice d’un sculpteur hors pair, chef de file de ce que Neil Stratford appelle « l’équipe d’Autun », selon toute vraisemblance ce Gislebertus qui nous a laissé sa signature sous les pieds du Christ.

Détachant en très fort relief, voire en ronde-bosse, ses figures de la matière, les allongeant verticalement, il divise sa composition en trois zones principales, celle du centre étant réservée à la seule figure du Christ, gigantesque, qui étend les deux bras « pour inviter ou embrasser le monde entier » (selon Pierre-Yves Le Pogam), avec le Soleil et la Lune de part et d’autre de cette représentation cosmique.

A gauche du souverain Juge, la pesée des âmes s’inscrit en contrepoint d’un groupe de saints ou d’apôtres tandis que Paradis et Enfer viennent occuper les secteurs latéraux du registre inférieur. Deux personnages auréolés (Elie et Enoch ?), à sa gauche, comme la Vierge, à sa droite, semblent l’assister, au registre supérieur.

Quatre anges volent autour de la mandorle nimbant le Christ alors que d’autres soufflent dans des buccins pour réveiller les morts qui ressuscitent au linteau. Brandissant un glaive, un ange y repousse les damnés, parmi lesquels les allégories des péchés capitaux, sous l’Enfer. A sa droite les élus comptent, parmi eux rois, évêques et pèlerins.

L’un des plus célèbres chefs-d’œuvre de la sculpture romane, le tympan d’Autun dit la personnalité exceptionnelle de son auteur.

La garniture en bronze doré de l'ancien maître-autel, cathédrale d'Autun © Stéphane Prost - Conservation des Antiquités et objets d'art de Saône-et-Loire

La garniture en bronze doré de l'ancien maître-autel

Dans les années 1760, le chapitre lance un programme d’embellissements de la cathédrale, hélas synonyme de mutilations du décor médiéval. Les travaux portent principalement sur les portails et l’organisation du chœur. Celui-ci reçoit alors une nouvelle parure de marbre et de bois doré due aux marbriers lyonnais Jean-Marc et Henri Doret et au sculpteur dijonnais Jérôme Marlet.

Pour la parachever, les chanoines commandent pour le maître-autel, en 1774, à l’orfèvre parisien Jacques Renard, une somptueuse garniture en bronze doré, composée d’une croix et six candélabres, laquelle a miraculeusement survécu aux fontes révolutionnaires. Chacun des chandeliers comporte sur son pied trois bas-reliefs figurant la résurrection de Lazare, les Saintes Femmes au tombeau et le repas d’Emmaüs.

Plan de la cathédrale d'Autun © 2 BDM Architectes / DAO J.-B. Ritt, Aprime

L'actualité de l'édifice

La célébration de Noël 2019 devait lancer les festivités du neuvième centenaire de la basilique Saint-Lazare durant l’année 2020. Ce jubilé, perturbé par la crise sanitaire, coïncide cependant avec un double événement.

En juillet 2020 se sont en effet achevés les travaux de restauration intérieure du monument, propriété de l’Etat qui, depuis 30 ans, a investi plus de 16 millions d’euros dans sa totale réhabilitation architecturale (dont les toitures restituées dans leur état du XVe siècle) sous la conduite de l’architecte F. Didier. Ce programme a en outre inclus la totalité du mobilier. L’évêché a, pour sa part, financé le nouveau plateau liturgique et son mobilier crée par Goudji en 2010. L’aménagement du trésor conclura en 2021 cette belle œuvre.

Les Editions Place des Victoires ont par ailleurs livré en novembre 2021 le 23e volume de leur collection « La grâce d’une cathédrale », consacré à Saint-Lazare d’Autun. Magnifiquement illustré, cet « état de la question », dirigé par Mgr Rivière, compte quarante auteurs : universitaires, chercheurs, conservateurs et ecclésiastiques sous la coordination de S. Balcon-Berry, C. Sapin, A. Strasberg et J. Madignier.
Les manifestations du neuvième centenaire de l’édifice, suspendues, devraient se dérouler durant le deuxième semestre de l’année 2021.

La Source

Il y avait un malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe. [...] Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » « Je sais, dit Marthe qu’il ressuscitera, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? » Elle lui dit : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » [...] Marie, en le voyant, tomba à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! » Alors Jésus, [...] se rend au tombeau. C’était une grotte, avec une pierre placée par-dessus. Jésus dit : « Enlevez la pierre ! » [...] On enleva donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit : « Père, je te rends grâce de m’avoir écouté. Je savais que tu m’écoutes toujours ; mais c’est à cause de la foule qui m’entoure que j’ai parlé, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » Cela dit, il s’écria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : Déliez-le et laissez-le aller. »

Jean, 11, 1-44

André Strasberg
Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de Saône-et-Loire

Cathédrale Saint-Lazare
Place du Terreau
71400 Autun
Tél. 03 85 52 12 37

Office de Tourisme
13, rue Général Demetz
71400 AUTUN
Tél. 03 85 86 80 38
www.autun-tourisme.com

Pour aller plus loin

À lire :
La grâce d’une cathédrale, Autun, Benoît Rivière, Sylvie Balcon-Berry, Jacques Madignier, Christian Sapin et André Strasberg, Paris, Editions Place des Victoires, 2020

- Gislebertus sculpteur d’Autun, Denis Grivot et Georges Zarnecki, Paris, Editions Trianon, 1965

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établi entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 237 - juin-août 2021. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

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