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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Pascal Haudressy : une intuition artistique de la transcendance - In memoriam

Publié le : 23 Juillet 2021
Disparu prématurément, Pascal Haudressy, artiste numérique innovant né en 1968 d'origine ouzbèque laisse une oeuvre singulière et marquante. Son oeuvre « Heart », exposée au Centre Pompidou, et ensuite sur une longue durée à l'église Saint-Eustache, a été présentée lors du colloque des dix ans de Narthex, le 20 novembre 2019. Pour rendre hommage à Pascal Haudressy, Narthex publie ici le texte de son intervention lors du colloque, où il exprime le sens de cette oeuvre, et sa démarche artistique, son sens du visible et de l'invisible. Découvrez aussi le beau texte de Françoise Paviot dédié à Pascal Haudressy.

Pascal Haudressy (1968-2021)

Intervention de Pascal Haudressy lors du colloque des dix ans de Narthex

Je participe à ce colloque à la demande de Françoise Paviot avec qui j’ai fait différents évènements notamment la Nuit Blanche. Je suis français d’origine tatare, d’Ouzbékistan, Samarkand. Je suis un nouvel artiste car j’ai passé tout une partie de ma vie non loin d’ici, à l’Unesco, où j’ai développé des projets artistiques. Vous allez voir une pièce tout à l’heure qui s’appelle Heart, qui s’appelait avant Somewhere we will meet again. Mais je n’avais pas envie finalement d’avoir des pièces avec des titres trop explicatifs. Au final j’ai opté pour des titres plus neutres.

La pièce que vous allez voir, il s’agit d’un Cœur, animé, à la fois figuratif et abstrait, puisque c’est une série de géométries qui vient donner cette forme figurative. Ce Cœur a été exposé pendant trois ans à la demande de l’ancien abbé de St Eustache, le Père Nicholson, dans l’église. Je n’avais pas l’intention de laisser la pièce aussi longtemps, elle avait été installée pour une semaine dans le cadre d’un évènement, et le public l’a appréciée. J’ai reçu beaucoup de photos de gens en prière devant cette pièce. Elle y est restée au final durant trois ans et a été enlevée récemment. Le point de départ de cette pièce, c’était peut-être un frère jumeau qui est parti trop tôt, et que je n’ai pas eu vraiment le temps de connaître ; il y a aussi une histoire d’amour derrière cela. Et donc c’était l’idée d’un espace de rencontre, une forme de transcendance de la matérialité.

Pascal Haudressy. Le cœur qui nous anime from Voir & Dire on Vimeo.

Je vais aussi vous dire quelques mots sur mon travail, et ma vision du monde. Ce qui m’intéresse dans l’époque dans laquelle on vit, c’est le dépassement antithétique des opposés, ce qui peut paraître un peu étrange. Mon travail parle de ces espaces de réconciliation entre ces forces motrices qui ont été opposées. Et sur le plan formel, d’intégrer cela en faisant la jonction entre peinture, sculpture et vidéo. Dans le Cœur que vous allez voir, ce qu’il faut retenir, c’est qu’il s’agit véritablement d’une sculpture, animée par un procédé aléatoire. Pour terminer et dire quelques mots au sujet de ce procédé aléatoire, je cherchais une façon de dessiner en rapport avec notre époque. Pour cela, je détraque des ordinateurs, je les pousse dans leurs limites, dans leurs derniers retranchements. J’aime bien cette matière qui est très proche du chaos mais aussi d’une forme de figuration : on est sur un fil assez ténu. J’utilise le stress de la machine ou son incapacité à calculer, pour dessiner – c’est ce que vous allez voir dans quelques instants.

Cliquez ici ou sur l'image pour voir la vidéo Ligth Painting Red 2021

 

Découvrez ici le texte de l'hommage de Françoise Paviot à Pascal Haudressy lors de la cérémonie religieuse du 27 juillet 2021 à la cathédrale russe de la rue Daru, où était présenté son oeuvre Heart :

Le titre premier du cœur qui est ici exposé était « Somewhere we will meet again » [Un jour nous nous retrouverons à nouveau]. Chacun selon ses convictions pourra donner le sens qu’il souhaite à cette phrase. « Il n’y a pas de réponse définitive » avait-il dit un jour.

C’est avec cette œuvre, et grâce à l’intermédiaire de Miguel Chevalier que j’ai fait la connaissance de Pascal. A la suite de cette rencontre, le cœur a été exposé dans une des chapelles de Saint Eustache pendant un long moment. L’art contemporain attire souvent des critiques, surtout dans une église, mais là même les plus réfractaires se sont apaisés et ont été captés par sa présence.  Ce cœur a eu aussi plusieurs vies, au Centre Pompidou où il a été projeté à l’occasion d’une journée sur les pouvoirs de l’Emotion, puis à l’occasion du colloque du  dixième anniversaire du site  Narthex au cours duquel Pascal est intervenu. Il  aurait pu être aussi présent au Grand Palais dans le cadre de l’exposition Artistes et Robots mais c’est un autre « organe » le cerveau, toujours la présence du  vivant,  qui a été choisi par Jérôme Neutres.  Il y a eu aussi l’Espace topographie de l’art avec l’exposition de Domitille d’Orgeval et à nouveau le Centre Pompidou avec Neurone, une exposition que la pandémie a interrompue, comme  la vie de Pascal a elle aussi été interrompue.

Avec l’élégance d’une apparente facilité,  ses œuvres ont toujours masqué et fait oublier  leur univers technologique complexe, si bien décrit par David Rosenberg et Philippe Sterckx,  pour ne laisser devant nos yeux qu’une présence plastique dont il voulait qu’elle se réconcilie avec l’histoire,  tout en se tournant vers l’avenirIf,  la tapisserie de 3.20 sur 4.70 mètres réalisée à Aubusson est une création qui intègre à la fois les principes du tissage, qui lui était si essentiel, de la sculpture et de la projection numérique. Entre tradition et innovation, cette œuvre prend racine dans le renouvellement d’un savoir-faire séculaire et  interroge la matière textile et la matière lumière, tout en plaçant le spectateur dans une posture poétique, hors du temps.

« Je suis fasciné par l’époque que nous vivons, déclarait-il dans une interview à Jérôme Sans. C’est la raison pour laquelle je cherche à créer de nouvelles matières, postures picturales et sculpturales en lien avec notre temps. Lorsque j’utilise des nouvelles technologies, c’est pour les pousser à leur point de rupture, de faille, les dépecer, les remodeler mais pour finalement pouvoir les travailler selon une approche classique. »

Tous les outils de création électronique qu’il a utilisés lui ont permis d’atteindre ce qu’il recherchait : une fusion du matériel et de l’immatériel pour réaliser un équilibre rare et périlleux entre figuration et abstraction. Face au flux et au reflux des images, on peut repenser aux trois ensembles : Combustion study, Smoke study ou Water study, au-delà des calculs mathématiques complexes qui les produisent, c’est tout un univers spirituel qu’il a développé, une géométrie animée, fascinante et méditative destinée à  happer le regard.

« Enfant, j’étais déjà très troublé par la fuite du temps, la disparition, l’absence. Je détestais le noir, et pour calmer mes angoisses, je m’immergeais dans la contemplation d’un tapis ouzbek accroché au mur de ma chambre. La plongée dans ces motifs avait sur moi un effet hypnotique, apaisant. Je me sentais entre deux mondes, visible et invisible, avec cette sensation de sortir de mon corps, et donc d’échapper au temps et à l’espace définis L’influence des choses qui appartiennent à l’immatérialité s’impose. »

Je suis né avec un frère jumeau que la vie m’a retiré. De ce vide est née l’espérance d’un espace de rencontre possible. Au delà de la matière, du visible.  Un lieu où ce qui  est perdu est retrouvé, un temps de réconciliation entre l’éphémère et l’intemporel, la présence et l’absence.

Son corps va bientôt reposer dans le cimetière des Batignolles, Pascal aurait eu encore beaucoup à nous montrer. Je vous  confie néanmoins cette dernière citation à laquelle nous pouvons repenser en regardant son travail :

« Je suis né avec un frère jumeau que la vie m’a retiré. De ce vide est née l’espérance d’un espace de rencontre possible. Au delà de la matière, du visible.  Un lieu où ce qui  est perdu est retrouvé, un temps de réconciliation entre l’éphémère et l’intemporel, la présence et l’absence. »

Françoise Paviot

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Bref rappel biographique

Après dix années à l’Unesco en tant que responsable de projets culturels - où il a notamment lancé les « Drapeaux de la Tolérance »-un projet avec des artistes tels que Robert Rauschenberg, Gordon-Matta Clarke ou Friedensreich Hundertwasser - Pascal Haudressy décide de se consacrer à son travail artistique en 2005. Développant une approche esthétique singulière, l’artiste parisien d’origine tatare a été le pionnier d’un nouveau format centré sur le mouvement, la matérialité et l’immatérialité. Il explore les profondes mutations de notre monde où les entités biologiques n’ont jamais autant coexisté avec les formes de vies digitales. Chacune de ses œuvres forme un lien ou une réconciliation entre le passé et le futur, la nature et l’activité humaine, la science et le mythe ou l’Orient et l’Occident.

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