Henri Guérin, de l’ombre à la lumière
Publié le : 26 Décembre 2018
Au XXe siècle, la lumière est au centre des préoccupations esthétiques des mouvements artistiques (Voir notre article sur l'exposition "Traverser la lumière" au musée Granet). Comme l’espace, elle devient le matériau de prédilection dans la construction théorique et pratique du courant moderne. On ne peut manquer de rappeler à ce titre la célèbre définition de Charles Édouard Jeanneret (dit Le Corbusier) : « L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière » (Vers une architecture, 1923). Henri Guérin, comme Le Corbusier, s’inscrit dans cette (re)découverte. Il est à l’écoute de cette « matière première », instigatrice de la composition et de la construction de l’œuvre plastique comme architecturale. La lumière est source de l’Inspiration, franchissement du seuil où s’articulent tangible et intangible, présence et absence. Une fois captée, elle donne vie à l’espace et elle donne corps à l’œuvre.
La carrière d’Henri Guérin (1929-2009) est extrêmement riche et complexe ; en effet, si le vitrail reste son médium de prédilection, son œuvre peint et dessiné (lavis de gouache, cartons de tapisseries, dessins à l’encre de Chine) et ses nombreux écrits forment un corpus très important. Son travail est marqué par des thèmes récurrents, essentiellement liés à son regard sur la nature et souvent inspirés par sa foi chrétienne.
L’exposition est présentée en deux lieux, à l’église Saint-Pierre de Firminy (réalisée par le Corbusier) et à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez. Dans la première, le propos est tourné vers le travail de l’atelier et la dimension expérimentale de l’œuvre d’Henri Guérin. Un choix d’œuvres de différentes périodes et dans les diverses techniques employées illustre cette « Patience de la main »* et la grande vitalité d’Henri Guérin : des puissants vitraux des années 1960, aux tons contrastés, jusqu’aux vitraux blancs épurés des années 1990 ; des tapisseries de basse lisse aux riches palettes jusqu’aux « dessins tissés » dont la grosse laine restitue les accents de traits noirs ; des dessins de paysages et d’arbres à l’encre de Chine ou au lavis jusqu’aux gouaches abstraites, méditations d’atelier. L’ensemble est ponctué de citations et d’extraits de textes de l’artiste, où expression poétique et profondeur de la réflexion sur l’acte créateur se manifestent.
A la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, l’accent est mis sur le rapport à la nature de l’artiste. Profond admirateur de la nature, Henri Guérin y a trouvé sa source privilégiée d’inspiration et a inlassablement cherché à saisir son essence dans ses carnets de dessins. La Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, au cœur du Parc Naturel Régional du Pilat, est l’écrin parfait pour accueillir une telle réflexion ; y sont présentées deux séries de dessins d’Henri Guérin : « Les Arbres » et « Le Mont Saint-Michel » qui ont fait l’objet de publications d’albums. Le parcours, au fil des œuvres, s’accompagnent d’écrits de l’artiste qui prenait le temps d’expliciter ses recherches et son travail.
« Face à tel paysage, face à tel arbre, je m’interroge : par quel trait, par quel rythme dois-je l’entreprendre pour saisir l’essence même qui le caractérisera. Il faut choisir vite, prendre parti à l’instant et ferme, m’y tenir. Par un regard constant de l’objet au sujet, je m’absente et ne deviens plus que cet arbre, ce paysage. Je perds le sens du temps, l’aisance de la posture, assis, debout, je ne sens plus rien. La clarté m’aveugle presque et le changement constant de champs de vision ajoute à cet accaparement, loin-près, près-loin. (…) Geste obstiné, qui croît, décroît, s’enroule, se noue ou s’étale en petits traits grattés, durs ou en effleurements tendres. Le miracle naît enfin dans l’ébahissement et la crainte que l’élan ne cesse avant la fin (…) » Henri Guérin, extrait du texte Bâtir la lumière (1980).
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* Henri Guérin, Patience de la main, éd. du cerf, 1996.