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Game Of Thrones, entre bénédiction et malédiction

Publié le : 15 Mai 2019
La dernière saison de la série au succès planétaire semble marquée par l’évolution de certains personnages vers la recherche d’un salut. Au sein d’un univers de désespoir, de sauvagerie et de soif de pouvoir absolu, « Game Of Thrones » serait-il en quête d’apaisement ?

Game of Thrones, Saison 8 © EW

La soif de pouvoir au mépris de toute morale

Une série qui tue ses personnages dès la première saison, fait de la soif du pouvoir le grand ressort de l’action au mépris de toute morale, met en avant des personnages féminins dans un monde patriarcal, montre le sexe parfois de manière frontale, déploie un casting de 150 à 200  personnages dont 14 principaux… On pourrait encore allonger la liste des éléments totalement novateurs, tant sur le fond que sur la forme, de cette série qui a fait voler en éclat la traditionnelle opposition entre le cinéma comme grande fresque épique et la télévision avec ses histoires plus intimistes. Les stratégies de conquête du pouvoir constituent le ressort essentiel du scénario : il n’est plus question de voir comment la moralité d’un personnage peut ou doit se maintenir, mais comment gagner le trône en échafaudant la meilleure tactique. Parfois la cruauté en soi est même l’unique raison d’être des personnages. La moralité n’est donc pas/plus la question dans « Game Of Thrones », par opposition aux films américains qui cherchaient le happy end avec un retournement final du héros qui revient dans le droit chemin. Plus encore, en jouant sur le sentiment ambigu que nous éprouvons pour des personnages terribles et monstrueux, la série achève de brouiller les pistes en se démarquant d’un cinéma hollywoodien encore marqué par l’apologie des vertus des pères fondateurs américains. En ce sens, on pourrait se dire que poser la question du salut dans cette série est ici absurde ou hors-sujet.

Dans Game of Thrones, la force des liens de famille, avec les retrouvailles de Stark Bran, Sansa et Arya ©  GAME OF THRONES / HBO

Liens du sang et liens sociaux comme remparts contre l’adversité et le mal

Il reste pourtant un lieu où les héros poursuivent une quête de pacification : celui des liens familiaux, qu’ils soient du sang ou adoptifs. Sans cesse les personnages essaient de déchiffrer de qui ils sont héritiers, à qui ils appartiennent. Le sens de l’action trouve donc aussi sa source dans la structuration des liens familiaux et sociaux, terrain propice à une évolution des personnages vers ce que l’on pourrait appeler le « bien ». C’est pourquoi on voit chez certains des sentiments bons et généreux. Dans les saisons précédentes, on peut se rappeler Daenerys, quand elle veut libérer les esclaves de la Baie des Cerfs. On pense aussi à ces liens de famille si forts aux yeux des enfants Stark qui rêvent de pouvoir se retrouver tous ensemble. Dans la saison 7 on assiste d’ailleurs aux retrouvailles de Bran, Sansa et Arya à Winterfell. On a même le sentiment qu’il s’agit de leur principale motivation face à l’adversité. Ces différents exemples montrent que, si une certaine négativité semble devoir l’emporter, celle-ci n’est pas absolue dans la série. Les grands criminels (à l’exception de Cersei pour le moment) finissent par être punis. Joffrey et Ramsay, considérés comme des monstres meurent tous les deux dans d’atroces souffrances. Le premier empoisonné au cours de ses noces et le deuxième dévoré par ses chiens.

Tyrion Lannister ©  GAME OF THRONES / HBO

Dans la saison 8, des personnages plus que jamais tiraillés entre rédemption et damnation

Dans la saison 8, actuellement diffusée sur les écrans, la quête d’un salut se précise nettement avec le risque que les ultimes épisodes aillent justement à l’encontre de cette prise de position originelle qui faisait l’aspect novateur de la série, à savoir dépasser les repères du bien et du mal.* Au moment des grandes guerres (contre les hommes blancs dans le Nord et contre Cersei au Sud) le temps est venu de se rallier et de se positionner pour faire bloc contre l’ennemi commun. Les personnages eux-mêmes, dans leur for intérieur, se trouvent écartelés entre un désir de rachat et un attachement viscéral à leurs vieux démons. Des personnages d’abord mauvais deviennent même des personnes majeurs en cherchant à devenir bons. Le meilleur exemple est Jaime Lannister, qui devient un personnage de première importance au moment où l’on assiste à sa progressive transformation morale. Qui aurait pu imaginer en effet que l’homme ayant précipité Bran Stark dans le vide deviendrait un personnage fascinant pour les spectateurs ? Jaime Lanister a rallié le royaume du Nord et connaît enfin une vraie histoire d’amour avec Brienne De Thort. Et c’est au moment précis où il pourrait vivre une pacification intérieure, où il en goûte même les effets, qu’il choisit de retourner vers Cersei, la sœur diabolique et incestueuse. « Elle est détestable et moi aussi », finit-il par déclarer. Bel exemple de personnage déchiré et déchirant, Jaime Lannister semble ne pas trouver la force intérieure suffisante pour achever son désir de purification et retombe dans une malédiction à laquelle il est persuadé d’être voué. Dans la même famille, Tyrion lui aussi affronte ses démons et semble vouloir se racheter une conduite. Lui le nain dépravé, habitué des maisons de passe, buveur invétéré, est devenu méconnaissable dans la saison 8. Il semble devenu allergique au mal, la nausée le saisit devant le vertige de la mort et du pouvoir sans limite. C’est même devenu le fond de sa querelle avec sa sœur Cersei.

Tout n’est donc pas absolument sombre dans l’univers de « Game Of Thrones ». La saga dépeint les failles de l’humanité et montre que chaque individu a la possibilité de choisir sa rédemption. Œuvrer en ce sens peut devenir une fin en soi dans un monde qui a dépassé la morale. La force de la série est bien de montrer l’être humain sans concession mais sans pour autant grossir systématiquement le trait, comme dans un clair-obscur où peut s’apercevoir une lueur d’espérance.

Pierre Vaccaro (contacter l'auteur)

*A l’heure où sont écrites ces lignes, la diffusion de la dernière saison est toujours en cours.
La série s'achèvera lundi 20 mai avec l'ultime épisode qui révèlera le vainqueur du trône.

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Pierre Vaccaro

Titulaire d’une maîtrise d’Histoire du cinéma à l’Université de Tours et d’un master en Communication au Celsa, Pierre Vaccaro a aussi étudié la théologie à l’Institut Catholique de Paris. Le cinéma représente pour lui une passion depuis de nombreuses années. Plusieurs travaux de recherches et de rédactions, notamment pour la revue 1895 de l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, pour des sites de cinéma, ou encore pour Le Courrier Français via le groupe Bayard lui ont valu de collaborer pendant quelques années au Jury œcuménique au Festival de Cannes.

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