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Aimer Jésus - une méditation de Karl Rahner

Publié le : 9 Janvier 2020
Pour cette huitième parution d'Art & Théologie, dédiée aux Ecrits mystiques du jésuite allemand Karl Rahner (1904-1984), Martine Petrini-Poli nous propose d'explorer un court opus qui analyse avec finesse et sensibilité ce que signifie « Aimer Jésus ».

Aimer Jésus est un court ouvrage de Karl Rahner, publié en allemand en 1982 et traduit en 1985, pour l’anniversaire de sa mort survenue en 1984. Le titre allemand est interrogatif et plus spéculatif : Was heisst Jesus lieben ? (Que signifie aimer Jésus ?). Il est composé de trois parties qui correspondent à trois articles antérieurs parus dans des revues allemandes :

1ère partie : Sur l’amour de Jésus (Article de 1981 Über die Liebe zu Jesus)
2e partie : Jésus-Christ sens de la vie (Etude de 1980 Jesus Christus Sinn des Lebens)
3e partie : Pourquoi précisément Lui ? (Interview de 1979 Warum gerade ER ?)

Le théologien explique qu’il existe deux manières de lire, l’une superficielle, l’autre existentielle. On entre alors dans une attitude de recueillement comparable à celle qu’il convient d’adopter pour recueillir en un bassin vers lequel elle vient lentement converger de tous côtés une eau claire venue des profondeurs.

Simple homme-Idée abstraite

Karl Rahner met en garde contre un double malentendu. Faire de Jésus un simple homme dans une lecture purement humaine de l’identité, de la figure et du destin de Jésus-Christ. A l’inverse, on peut aussi faire de Jésus une Idée abstraite, la Raison du monde, salvatrice, où le Christ se résorbe en quelque sorte dans l’Absolu de Dieu. Il devient la Parole éternelle de Dieu descendue du Ciel. Pour Rahner, Jésus n’est ni un simple homme ni une Idée abstraite.

Oser la relation

En effet, Rahner constate que c’est une nécessité pour l’homme de se fier à d’autres (…). Cette ouverture de sa propre personne en direction d’un autre, ce mouvement de se confier soi-même à un autre, peut prendre les formes les plus diverses. L’une de ces formes, et peut-être la plus significative, peut être représentée par l’amour conjugal (…). Tout rapport de confiance et d’amour à un autre être humain comprend un inéluctable plus de décision et d’audace, qui outrepasse la réflexion opérée au préalable sur ce qui peut justifier une telle audace et lui donner sens…

Au-delà de ce que livrent les sciences historiques, exégétiques et critiques, il demeure toujours un plus dans l’ordre de la liberté, dans l’audace de la décision, et, plus précisément, dans l’ordre de l’amour, dès lors qu’il s’agit d’un rapport effectivement chrétien à Jésus, le rapport qui consiste à se livrer absolument à Lui.

Jeter un pont vers un être lointain

Le rapport spécifique unique et radical, vécu sur le mode d’une confiance absolue et d’un amour inconditionnel est celui que nous entretenons précisément avec ce Jésus de Nazareth. Or il existe une distance de 2.000 ans et une grande différence d’histoire et de culture. Il semble, comme les saints du ciel, disparu dans l’insaisissable profondeur de Dieu. Certains entretiennent un culte d’un héros de l’histoire passée comme Napoléon, jetant ainsi un pont par-dessus la distance historique. Pourtant, pour Jésus, quelque chose d’autre s’ajoute : Jésus vit près de Dieu, il existe encore, Eternel Seigneur de toutes choses, comme dit Ignace de Loyola. Le culte s’adresse-t-il à une Idée abstraite de Christ ?

La différence comme tâche

Il se pose, pour le Christ, le même problème que pour le culte des saints. La proximité à l’autre ne se réduit pas à un contact mais s’exprime dans un échange réellement total et personnel d’amour, dans lequel, de part et d’autre, chacun est reconnu pour lui-même. C’est le mystère insondable de l’amour humain, où coexistent différence et unité. L’amour transcende espace et temps. Ceci est valable pour Jésus-Christ qui prend lui-même l’initiative de son amour pour nous, et, par grâce, il rend possible notre amour pour Lui. Il est réellement possible d’aimer Jésus, par- delà tous les espaces et tous les temps. On lit les Saintes Ecritures, exactement comme deux êtres qui s’aiment, se regardent l’un l’autre et vivent ensemble leur vie de tous les jours. On ressent très profondément, dans la profondeur de son existence, ce que Jésus a concrètement à dire à chacun. On se laisse effectivement dire par lui, pour sa propre vie, quelque chose d’important que l’on ne saurait pas sans lui.

L’audace de sauter au cou de Jésus

Nous disposons, en fait, d’un double témoignage : celui de Jésus sur lui-même, la manière dont il a compris sa tâche, sa mission, sa croix, comment il s’est compris lui-même, son auto-compréhension. Le Nouveau Testament montre ce qui est fiable historiquement. Mais nous disposons aussi du témoignage des chrétiens qui nous ont précédés, de l’histoire de leur foi, de l’audace dans leur foi. C’est la conscience croyante de l’Eglise, le fait de la foi ecclésiale sur deux millénaires. Jésus peut s’approcher de nous à la condition bien sûr, que nous voulions nous-mêmes l’aimer, à la condition que nous ayons l’audace de lui sauter au cou !

Icône copte, Le Christ et l’abbé Ména, VIIIe siècle, panneau de bois, 57cm x 57cm, découvert au monastère de Baouît, Moyenne Egypte, Musée du Louvre

(Le Christ, reconnaissable au nimbe crucifère et à l’inscription « Sauveur », pose sa main droite, en signe d’accompagnement et de présentation, sur l’épaule gauche de l’abbé Ména, « Apa Ména supérieur »).

Messie/ Dieu incarné

Les divers accès au Jésus « historique » reposent toujours sur la crédibilité de sa Résurrection. Jésus se comprend lui-même comme Messie. Il a conscience qu’avec Lui le Royaume de Dieu est là, et le Pardon accordé au monde pécheur. En fait le Royaume de Dieu est Dieu lui-même. Le Messie est la définitive et irréversible auto-communication (Selbstmitteilung) de Dieu aux hommes. Ce mouvement, qui est le fait de Dieu et de sa grâce, suppose disponibilité, accueil et réception du côté humain.

Dieu qui se donne lui-même

Le Christ est la Parole insurpassable et définitive dans l’histoire entre Dieu et le monde. Dans l’auto-communication, Dieu ne communique pas quelque chose qui est sa création, mais Il se donne effectivement lui-même. La Rédemption, c’est Dieu lui-même qui se donne lui-même. Tel est le contenu de l’annonce messianique : la communication que Dieu fait de lui-même est irréversiblement accomplie en Jésus, vrai homme et vrai Dieu.

Martine Petrini-Poli

Icône du Christ Pantocrator, VIe siècle, H 84 cm L 45,5 cm, Monastère Sainte-Catherine, Sinaï, Egypte.

Le Christ esquisse un geste de bénédiction, ses deux doigts tendus symbolisant sa double nature, humaine et divine, et les trois autres joints figurant la Trinité.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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