Rétrospective Zurbarán à Bruxelles : quand la peinture communie avec le sacré
Publié le : 14 Février 2014C’est une des expositions phares de ce début d’année. Que BOZAR réunisse cinquante œuvres d’un artiste totalement absent des collections belges donne déjà à l’évènement une envergure unique. Le musée a en effet réussi à décrocher des prêts d’institutions telles que le musée Thyssens-Bornemisza (Madrid) ou la National Galley de Londres, et dévoile au public pour la première fois quatre œuvres de Zurbarán récemment découvertes, dont L’Apparition de la Vierge à Saint Pierre Nolasque.
Bien qu’il soit affilié à l’esthétique baroque, la peinture de Zurbarán se caractérise par la sobriété et l’immédiateté. Elle ne recèle pas de doubles lectures et ne cherche pas à susciter une lecture allégorique. Il opte pour la simplification.
Ce « sacré devenue réalité » correspond aux écrits des grands mystiques en vogue du XVIe siècle : ceux de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de La Croix qui réprouvaient toute sorte de débordement. A ce titre, les représentations frappantes de la Vierge enfant ou du Christ mi-chérubin montrent comment l’irruption du divin dans le monde quotidien paraît naturelle et convaincante.
Ignacio Cano, commissaire principal de l’exposition, explique : « Les scènes et les objets servent à activer l’imagination pour développer la prière mentale et l’œil de l’imagination ». Il s’appuie sur des modèles traditionnels bien connus du peuple qu’il adapte à son propre langage visuel. Le tour de force de Zurbarán consiste à peindre des objets du quotidien pour leur donner une aura sacrée, une charge méditative. Ici, un simple agneau au pelage subtil devient l’Agnus Dei qui préfigure le Christ et sa Passion.
Ses œuvres de jeunesse sont marquées par l’influence du Caravage, empreintes d’une forte expressivité et enveloppée d’obscurité. En juin 1634, Zurbarán est appelé à la cour pour collaborer à la décoration du Palais du Buen Retiro, outil de propagande du monarque Philippe IV. Ce séjour laissera une profonde empreinte sur son style. Les collections royales permettent de contempler la peinture de la Renaissance et celle du baroque qui l’influenceront, comme l’attestent en particulier l’adoucissement des contrastes lumineux et la complexité accrue des compositions.
Une des sections les plus originales de la visite de l’exposition concerne des œuvres conçues par séries pour les colonies espagnoles du Nouveau Monde. En effet, dans les années 1640, les grandes commandes des ordres religieux diminuent. Il réalise alors pour l’Amérique des séries thématiques, représentant les fondateurs d’ordres, les saints, les figures bibliques, qu’il peint vêtus d’habits traditionnels aux somptueux effets de matières.
« Son art atteste de la sincérité de sa foi. Ses thèmes sont essentiellement religieux et sa sensibilité également. Zurbaran applique exactement les consignes du Concile de Trente, suivant lesquelles l’art doit aider à communier avec Dieu. Et il confère à ces consignes une évidence intérieure, car non seulement il sait ce qu’il doit représenter mais il le vit intérieurement »Ignacio Cano.
Dans la dernière partie de sa vie, alors que Séville décline à cause de la dépression économique et de terribles vagues de peste, il s’installe à Madrid et renouvelle sa clientèle. De fait, les peintures que Zurbarán réalise à partir de 1658 signalent un changement de cap flagrant. Il adapte son style à l’esthétique nouvelle : sa peinture devient plus émotionnelle et plus tendre, une palette plus douce et harmonieuse bannit les forts contrastes de lumière qui lui ont assuré sa célébrité au début de sa carrière. Il s’agit en majorité de peinture dévotionnelles de format plus réduit, dans lesquelles domine une thématique appropriée au genre : aimables Vierges à l’Enfant. Processus que l’on suit jusqu’à la dernière des œuvres signées, « La Vierge, l’Enfant et Saint Jean » peinte en 1662.
Cette rétrospective témoigne du parcours d’un artiste qui n’a cessé de s’adapter aux évolutions de son temps ; exprimant sous forme aussi personnelle que directe l’esprit de la société espagnole de la 1ère moitié du XVIIe siècle. La grande force de Zurbarán est d’insuffler dans ses grandes compositions religieuses, une intimité nouvelle. Une approche inédite de l’expérience humaine, sans rien ôter à la monumentalité. En quelque sorte, une spiritualité concrète qui renouvelle le genre et nous parle toujours aujourd’hui.
Informations pratiques
Zurbarán. Maître de l’Âge d’Or espagnol
Exposition conçue en collaboration avec les Gallerie d’Arte Moderna e Contemporanea di Ferrare, ville où elle fut montrée à l’automne 2013.
Jusqu’au 25 mai 2014
Palais des beaux-Arts (BOZAR)
Rue Ravenstein 23
1000 Bruxelles
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Tarif : 12€ / Tickets en ligne
BOZAR Infos :
+32 2 507 82 00
www.bozar.be
Autour de l'exposition
Catalogue
Francisco de Zurbarán (1598-1664)
248 pages, 49€
BOZAR BOOKS & Fonds Mercator
CD
La Oreja de Zurbarán (Cypres, Huelgas Ensemble & BOZAR)
18€ @BOZAR BOUTIK. En savoir plus: www.bozar.be