Didier Hays, croix de peu, croix de rien à Notre-Dame d'Espérance, Paris
Publié le : 15 Avril 2019
L’art du pain perdu
Didier Hays invente des croix. Inventer, « littéralement et dans tous les sens » : trouver, découvrir et fabriquer, créer. La première croix exposée, la plus ancienne, date d’il y a quatre décennies : un simple tau, trouvé dans les décombres d’une étagère. Une croix ready made, dirait-on dans le langage de l’art contemporain. Un objet transformé par le simple regard, par l’intention de l’artiste ou du regardeur. Une croix donnée à qui veut la prendre, la regarder, et surtout la garder. La garder pour la montrer, pour susciter de nouveaux regards, de nouveaux départs, de nouveaux chemins. Des chemins de croix, sans nul doute.
Ces objets trouvés qu'on dirait aussi bien des objets perdus, pourraient être des déchets - mais assemblés en croix ils rayonnent
Tels que ceux que Didier Hays suit depuis deux ans, en récupérant, en glanant des objets perdus, mis au rebut. Et il assemble la canne et le socle, le soulier et le marteau, la brindille et le presque rien. Et tout ce monde de petits riens, il le transforme en l’assemblant. Faire une croix de rien. Quelle entreprise, aussi modeste que jubilatoire ! Une croix avec deux ou trois fois rien, deux ou trois riens qu’associe, en lien, un presque rien. Ces objets trouvés qu’on dirait aussi bien des objets perdus, pourraient n’être que déchets. Mais assemblés en croix ils rayonnent. De joie, de vie.
Illumination de l’une ou de l’autre croix, qui nous plaît violemment, nous interpelle, par l’insolite des formes et la stridence des couleurs. La croix canne invite au départ, la croix soulier préparent la route, les coquillages préfigurent des horizons nouveaux, les éclats de lumières et de couleurs déchirent la grisaille ordinaire.
Elle est retrouvée
Quoi l’éternité ?
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Avec Rimbaud, nous voici embarqués par ces croix dans une énergie recréatrice. Car cette histoire de croix, vieille d’il y a plus de deux mille ans, remonte à la fin de l’Empire romain, à Constantin qui fit de cet instrument de martyre un signe de force, de victoire. Cette histoire date d’hier mais surtout de demain, on la retrouve à la croisée de nos routes, comme l’assemblage de nos vies qui ne sont jamais des angles droits.
Didier Hays est un homme du dessin, de la peinture, de la sculpture aussi. Mais ses croix ne sont pas principalement des œuvres d’art. Elles sont ce pain perdu qui nous est re-donné. Il les invente à qui perd gagne. Des croix de peu, des croix de rien. Et ce rien devient mien, devient tien, devient lien, entre l’horizontal et le vertical, entre nous et lui, entre nous et nous.
Paul-Louis Rinuy
POURQUOI ?
'Vous ferez cela en mémoire de moi'
Une des premières sculptures (années 80) est un morceau de bois tout simple, en forme de « tau » (T), vite suivi de recherches sur l’architecture cistercienne : simplicité, ordre, formes, nombres, lumière.
Gestes dans l’atelier : peu de moyens pour travailler, toujours, et recherche du simple, de l’élémentaire, pour signifier, dire, lentement, notes, dessins, fil ténu qui mène à la découverte du sens.
Dans un monde occidental déchristianisé et très bruyant, comme l'eau coule du canon d'une fontaine et suffit à animer l'espace alentour, et pour paraphraser le cardinal Sarah, la force du silence m'est apparue, comme sœur de gestes simples dans l'atelier.
Le signe de la CROIX, adopté par Constantin fondant notre Occident chrétien.
Alors s’est imposée à moi la recherche de gestes simples pour mieux comprendre le signe de la Croix.
Didier Hays
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Pour en savoir plus
Didier Hays est né à Toulon le 27 décembre 1957, de parents originaires de Bretagne-Loire Atlantique et d'Italie (Ligurie). Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, il se forme en tant qu'assistant auprès d'artistes contemporains reconnus : Raymond Hains, Olivier Debré... Il réalise des accrochages d’œuvres pour de grandes collections privées. Pratiquant la peinture, la sculpture, la photographie et l’écriture, la poésie, il poursuit des recherches en autodidacte sur l’histoire de l’Eglise et l’histoire contemporaine, et expose en en France et à l’étranger.
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