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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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La musique au temps de l'Art Déco

Publié le : 6 Février 2023
La Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose jusqu’en mars prochain une exposition intitulée « Art déco : France / Amérique du Nord ». Les années qui ont suivi la première guerre mondiale ont été particulièrement fécondes surtout dans les arts plastiques. Les rapports de plus en plus étroits entre notre pays et les États-Unis n’ont pas peu contribué à cette effervescence créatrice. Qu’en est-il de la musique ?

Les deux musiciens que voici ont au moins un point commun : le premier, né américain, est venu se former en France et le second, né français, s’est installé aux États-Unis dont il a pris la nationalité.

Aaron Copland (1900-1990), après sa formation initiale dans son pays, est venu parfaire son métier de compositeur en France dans le cadre du Conservatoire américain de Fontainebleau qu’avait fondé le chef d’orchestre Walter Damrosch (1862-1950) pour nourrir la vie musicale chez les soldats américains. C’est dans ce cadre que Copland suivit les cours d’analyse, d’harmonie et de composition de la grande Nadia Boulanger (1887-1979) qui a formé tous les grands noms de la vie musicale en France et ailleurs entre les deux guerres mondiales et au-delà. Au cours des trois années qu’il a passées en France, Copland a noué des relations amicales avec les musiciens parmi lesquels ceux du fameux groupe des Six : Milhaud, Poulenc, Honegger

Dès les premières manifestations de sa vie créatrice, Copland a cherché concilier la technique européenne de la composition musicale avec la culture américaine : le folk dans un premier temps puis le jazz, non pas pour les intégrer tels quels, mais pour se forger un langage personnel vraiment américain. Copland écrivit :

Il y a une musique à consonance française, une sonorité allemande, pourquoi pas américaine ? On l’avait fait dans le ragtime et le jazz, mais pas dans le genre de musique de concert qui m’intéressait.

La Symphonie pour orgue et orchestre d’Aaron Copland date de 1924. Sans chercher des équivalences vaines, on décèle dans cette musique une volonté de clarté, de fluidité, de lignes souplement dessinées un peu comme ce que recherche le style art déco.

Mais déjà dans cette œuvre, la première grande composition de Copland, l’empreinte américaine se devine dans certains rythmes, certaines tournures mélodiques, certaines sonorités. L’orgue n’est pas traité comme un instrument soliste en opposition à l’orchestre même si on l’entend parfois dans toute sa puissance, il fait partie de l’orchestre. Ecoutons, par exemple, dans le scherzo (2ème mouvement de la symphonie) comment l’instrument à tuyaux devient presque une percussion dans le mélange sonore de ses sons les plus graves avec ceux des peaux, grosse caisse… Effet étonnant.

Cette symphonie pour orgue et orchestre d’Aaron Copland se divise en trois mouvements :
          Prélude andante : comme une longue marche au rythme presque envoûtant.
          Scherzo, allegro molto : bâti sur un ostinato mélodico-rythmique
          avec l’effet percussif de l’orgue.
          Final : lento, allegro moderato. On retrouve la technique de l’ostinato. La longue
          mélodie initiale est typique de Copland : grands intervalles, chromatisme.
          La symphonie se conclut sur une écriture bien occidentale : la fugue mais                    l’univers sonore nous transporte au-delà de l’océan.

Les années vingt du XXème siècle ont été foisonnantes, en voici un exemple percutant avec Edgar Varèse (1883-1965)bourguignon dont il garda toute sa vie l’accent de terroir, naturalisé américain. L’œuvre que nous écoutons a été composée un an avant celle de Copland mais quel contraste !

Octandre pour sept instruments à vent et une contrebasse, date de 1923. Varèse s’intéresse à la nature première de la musique et à sa source la plus profonde : le son lui-même. Tout bruit peut devenir un son et intéresser le musicien. La musique est d’abord vie de sons qui se rencontrent, s’opposent, se complètent, s’enrichissent les uns des autres. Un peu comme le style art déco nous invitait à regarder autrement le jeu des formes, Varèse nous invite à écouter autrement la musique, non pas comme des thèmes pris dans un jeu de dialogues (le « papotage musical » comme disait Varèse) mais comme un processus en perpétuelle évolution de sons qui se rencontrent ou se heurtent.

Deux œuvres sans aucun rapport sauf celui de leur date de naissance. Nous sommes pour une part aujourd’hui les héritiers de ces pionniers qui ont jeté les bases de tous les sons dans lesquels nous sommes immergés.

Emmanuel Bellanger

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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