Aller au contenu. | Aller à la navigation

Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

Bonjour, notre site va bénéficier d’une refonte dans les prochains mois. L’activité de Narthex est actuellement réduite. Nous vous remercions de votre compréhension.

Les Homélies de saint Augustin sur saint Vincent

Publié le : 29 Septembre 2022
Dans ce cycle dédié à l'art de l'homélie de son blog Écrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous propose d'explorer l’histoire de la prédication chrétienne en tant qu’œuvre littéraire, héritière de la Bible, qui évolue au cours des siècles : des Pères de l’Église au Moyen Âge, du XVIIe siècle à nos jours. Voici une nouvelle publication sur l'art de l'homélie chez saint Augustin, en particulier dans le cadre de ses prédications pour la fête de saint Vincent le 22 janvier.

Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone, a souvent prêché pour la fête de saint Vincent du 22 janvier. De cette prédication nous sont parvenus six sermons, prêchés à Hippone entre 410 et 419. Le diacre espagnol Vincent était connu de saint Augustin par le poème Peristephanon V de La couronne des martyrs du poète latin Prudence (348-v.415), retraçant la passio du diacre sous les persécutions de l’empereur Dioclétien.

Saint Vincent, originaire de Saragosse où il était diacre de l’évêque Valère, était le porte-parole de ce dernier qui souffrait d’un défaut d’élocution. Lors de la persécution ordonnée par Dioclétien, ils furent arrêtés et emmenés à Valence (Valencia) par le procurateur Dacianus : Valère fut condamné à l’exil tandis que Vincent, qui avait courageusement et éloquemment défendu la foi chrétienne, fut condamné à plusieurs supplices qu’il endura avec un invincible courage avant de rendre son âme à Dieu le 22 janvier de l’an 304. Dacianus voulut livrer sa dépouille mortelle aux bêtes sauvages, mais un corbeau la défendit.

Guillaume Perrier, Saint-Vincent meurt de ses blessures, ©Musée des Ursulines de Mâcon, tableau restauré en 2014 par Aldo Paucelle

Dans ce tableau, le corps du Saint, qui rappelle le Christ mort, émerge d'un arrière-plan sombre, nuit forestière. Le cadavre du saint étendu sous un arbre est gardé par un corbeau qui plane et le protège des bêtes sauvages. La présence d'un loup à la taille exagérée renforce l'évocation d'un nature hostile. Dans cette composition, la prédominance de la partie gauche, basée sur un jeu de verticales et de diagonales puissantes, renforce la dimension dramatique du sujet. Ceci est accentué par la présence, à droite, au second plan, d'un groupe de personnages à cheval, le proconsul Dacien accompagné de sa troupe.

Le procurateur ordonna alors que la dépouille mortelle de Vincent soit lestée d’une pierre et jetée à la mer, mais Dieu ramena son corps sur le rivage et Saint Vincent apparut à une pieuse veuve pour lui révéler l’endroit où il se trouvait : il fut enseveli à Valence et, après les persécutions, on éleva une église sur son tombeau. A l’occasion de diverses translations de ses reliques, son culte se répandit très largement et de très nombreuses églises se placèrent sous son vocable. Sa torture sur un instrument assimilé à une maie de pressoir serait une des raisons, pour lesquelles les vignerons l’auraient choisi, au Moyen Âge, pour saint patron de corporation, dans certaines régions vinicoles.

Jésus-Christ nous ordonne de célébrer solennellement l’héroïque et glorieux martyre de saint Vincent, et nous ne pouvons le prêcher avec indifférence. Nous avons médité ce qu’il a souffert, ce qui lui a été dit, ce qu’il a répondu, et tout cela a produit sous nos yeux un admirable spectacle : un juge inique, un bourreau cruel, un martyr invincible, la barbarie d’un côté, la piété de l’autre ; d’un côté la folie, de l’autre la victoire. En entendant la lecture des actes du martyr, nous avons senti la charité s’enflammer dans nos cœurs ; s’il eût été possible, nous aurions voulu recueillir et baiser avec respect ces membres en lambeaux, dont les souffrances nous frappaient d’étonnement et produisaient sur nous un attrait inexplicable, puisque nous ne voulions pas être crucifiés. Qui voudrait contempler un bourreau dépouillé de toute humanité, et déchargeant sa fureur sur un corps humain ? Comment arrêter ses regards sur des membres disloqués, sur des ossements nus et brisés ? Qui ne se détournerait de ce spectacle avec horreur ? Et cependant, l’éclatante sainteté de notre martyr donnait à cette scène je ne sais quel reflet de beauté ; la force invincible avec laquelle il combattait pour la foi, pour l’espérance du siècle futur et pour la charité de Jésus-Christ faisait oublier l’horreur des tourments et des blessures et les revêtait d’une auréole de gloire et de triomphe. Augustin, 1er Sermon.

Dans le Second sermon sur Saint Vincent martyr (Sermon 276, Migne, Patristique latine), Augustin joue sur l’étymologie latine de Vincent, invincible et victorieux martyr (vincere, vaincre) : La foi vient de nous faire assister à un spectacle magnifique. Nous avons vu Vincent partout vainqueur. Il a vaincu dans ses paroles ; il a vaincu au milieu des tourments ; il a vaincu en confessant ; il a vaincu en souffrant ; il a vaincu au milieu des flammes ; il a vaincu au milieu des flots ; il a vaincu quand on l'a torturé ; il a vaincu quand il est mort (vicit tortus ; vicit mortuus).

Augustin montre la vanité de la prétention à priver un corps de sépulture et donc de la Résurrection des morts dans le long Sermon 277 qu’il tint devant un auditoire carthaginois dans la basilique Restituta de Carthage. Dieu ne peut abandonner les siens après la mort puisqu’il prend soin d’eux durant leur vie, comme le prophète Élie fut deux fois miraculeusement nourri, d’abord au désert par le corbeau, ensuite chez la veuve de Sarepta qui assure ainsi sa propre nourriture.     

Augustin révèle aussi que le culte de Vincent est déjà répandu dans tout le Bassin méditerranéen : Partout où s’étend l’empire romain et retentit le nom chrétien, quel est le pays, quelle est la province où l’on ne célèbre avec joie l’anniversaire de Vincent ?

Retable de la Vie de saint Augustin et de saint Vincent, XVe siècle, classé MH en 1907, église de Serdinya, Occitanie, Pyrénées-Orientales (66)

Vincent meurt en 304, Augustin naît en 354, ils ne se sont donc jamais rencontrés. Les décors d'intérieurs Renaissance architecturés, ornés d’une série de pinacles en haut du panneau, présentent les portraits des donateurs, et, au milieu, saint Michel, le Christ et la Vierge auréolés. Au centre du panneau, saint Vincent, diacre, porte la palme du martyre et saint Augustin, avec sa crosse et sa mitre épiscopales, présente le Livre de l’Ecriture sainte.

Vincent devient « le vainqueur » en Celui qui triomphe du monde. Ce dernier opprime mais ne peut supprimer. Le monde peut combattre, mais il ne peut jamais abattre (…). Au travers de cette ténacité, on discerne la puissance de Dieu. Saint Augustin

Martine Petrini-Poli

Richard Grahne, Saint Vincent, sculpture en acier, 2017, Sagres, Cap Saint-Vincent, Promontorium Sacrum, Algarve, Portugal, ©creative commons
Ajouter un commentaire

Vous pouvez ajouter un commentaire en complétant le formulaire ci-dessous. Le format doit être plain text. Les commentaires sont modérés.

Question: 10 - 5 ?
Your answer:
Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

Recherchez sur le site
Inscrivez-vous à la newsletter