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La prédication au XVIIe siècle (2/4)

Publié le : 30 Janvier 2024
Dans la XXIIe session du Concile de Trente en 1562, le décret sur la messe indique au chapitre 8 :
« Le saint concile ordonne aux pasteurs et à tous ceux qui ont charge d’âme de donner quelques explications fréquemment, pendant la célébration des messes, par eux-mêmes ou par d’autres, à partir des textes lus à la messe (…) et d’éclairer le mystère de ce sacrifice, surtout les dimanches et les jours de fête. » La création des séminaires va permettre d’enseigner une prédication savante, teintée à la fois de scolastique et de rhétorique antique. Ainsi à l’âge classique, la prédication retrouve son faste : c’est alors une floraison de grands prédicateurs, comme Bossuet, Massillon, Vincent de Paul...

Les sermons de Bossuet (1627-1704)

Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) est issu d’une famille de magistrats bourguignons, élève du Collège des Jésuites de Dijon. Ordonné prêtre en 1652 et reçu docteur en théologie, il exerce d’abord son ministère à Metz, où ses sermons obtiennent la conversion de protestants et où il organise des œuvres charitables. Dès 1659, son éloquence sacrée le fait connaître à Paris, où il fait la connaissance de Vincent de Paul. Il se rend célèbre par ses Sermons de Carême prononcés en 1662 devant le roi et la Cour à la Chapelle du Louvre : ce sont les Sermons sur le Mauvais Riche, sur la Providence, sur l’Ambition, sur la Mort. Il ne nous est parvenu que 200 des 500 ou 600 sermons prononcés, en particulier les Oraisons funèbres des grands, rédigées avec soin : celle d’Anne d’Autriche (1667), d’Henriette de France, reine d’Angleterre (1669), de sa fille, Henriette d’Angleterre (1670).

Prédicateur, théologien et écrivain, il entre à l’Académie française en 1671. Conseiller du roi Louis XIV, il devint précepteur du Grand Dauphin de 1670 à 1680. Devenu évêque de Meaux en 1681, l’Aigle de Meaux partage son temps entre son diocèse et la cour. Le roi le charge de négocier la politique gallicane de l’Eglise de France. Dans son Sermon sur l’unité de l’Eglise (1681), il parvient à concilier libertés gallicanes et autorité romaine. Il lutte jusqu’à sa mort en 1704 pour préserver le dogme catholique de toute déviance.

Portrait de Jacques-Bénigne Bossuet, Hyacinthe Rigaud, 1698,
huile sur toile, Galerie des Offices (Florence)

Grâce aux conseils de saint Vincent de Paul, qui recommandait la simplicité, Bossuet sut joindre éloquence sacrée et dépouillement évangélique. Le texte du Sermon sur la Parole de Dieu de Bossuet du Carême des Carmélites de 1661 pose la question du lien entre rhétorique profane et inspiration biblique : « Quelle part peut donc avoir l'éloquence dans les discours chrétiens ? L'éloquence, pour être digne d'avoir quelque place dans les discours chrétiens, ne doit pas être recherchée avec trop d'étude. Il faut qu'elle semble venir comme d'elle-même, attirée par la grandeur des choses et pour servir d'interprète à la sagesse qui parle. Mais quelle est cette sagesse, Messieurs, qui doit parler dans les chaires, sinon Notre Seigneur Jésus-Christ qui est la Sagesse du Père, qu'il nous ordonne aujourd'hui d'entendre ? Ainsi le prédicateur évangélique, c'est celui qui fait parler Jésus-Christ. Mais il ne lui fait pas tenir un langage d'homme, il craint de donner un corps étranger à la vérité éternelle : c'est pourquoi il puise tout dans les Écritures, il en emprunte même les termes sacrés, non seulement pour fortifier, mais pour embellir son discours. »

Le sermon tiré de l'Évangile du jour du 2e dimanche de Carême fait le récit de la Transfiguration (Matthieu, 17, 5). Suivant l'ordre habituel du sermon, Bossuet retient du texte et de l'épisode sacrés la brève citation et les éléments narratifs qui conviennent à son propos : la parole du Père adressée aux disciples à propos de Jésus, lors de la Transfiguration entre les deux figures de Moïse et d'Élie : « Hic est filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui : ipsum audite (Celui-ci est mon fils bien-aimé dans lequel je me suis plu : écoutez-le.) » Bossuet en fait ainsi le récit et l'exégèse, en suivant saint Paul :

J'ai remarqué, Chrétiens, qu'en même temps que fut entendue cette voix du Père céleste qui nous commande d'écouter son Fils, Moïse et Élie disparurent, et que Jésus se trouva tout seul. D'où vient que Moïse et Élie se retirent à cette parole ? Chrétiens, voici le secret développé par l'Apôtre : « Autrefois, dit-il, Dieu ayant parlé en différentes manières par la bouche de ses prophètes ; maintenant, en ces derniers temps, il nous a parlé par son propre Fils. » C'est pourquoi dans le même temps que Jésus-Christ paraît comme maître, Moïse et Élie se retirent. Chrétiens, c'est cette parole du Fils qui résonne de tous côtés dans les chaires évangéliques ; ce n'est plus sur la chaire de Moïse que nous sommes assis, mais sur la chaire de Jésus-Christ, d'où nous faisons retentir sa voix et son Évangile. Venez apprendre dans quel esprit on doit écouter notre parole, ou plutôt la parole du Fils de Dieu même.

Dans le Sermon sur la Parole de Dieu, Bossuet montre que la parole du prédicateur chrétien est celle de Jésus-Christ en personne (ipse) et que le sacrement eucharistique et la prédication sont ainsi étroitement liés :

Le temple de Dieu, mes Sœurs, a deux places augustes et vénérables, je veux dire l’autel et la chaire. Là se présentent les requêtes ; ici se publient les ordonnances ; là les ministres des choses sacrées parlent à Dieu de la part du peuple ; ici ils parlent au peuple de la part de Dieu ; là, Jésus-Christ se fait adorer dans la vérité de son corps ; il se fait reconnaître ici dans la vérité de sa doctrine. Il y a une étroite alliance entre ces deux places sacrées, et les œuvres qui s’y accomplissent ont un rapport admirable. Le mystère de l'autel ouvre le cœur pour la chaire, le ministère de la chaire apprend à s'approcher de l'autel. De l'un et de l'autre de ces deux endroits est distribuée aux enfants de Dieu une nourriture céleste ; Jésus-Christ prêche dans l'un et dans l'autre ; là il nous prêche d'une manière muette ; ici, il nous donne des instructions animées par la vive voix ; et si vous voulez encore un plus grand rapport, là, par l'efficace du Saint-Esprit et par des paroles mystiques, auxquelles on ne doit point penser sans tremblement, se transforment les dons proposés au corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ici, par le même Esprit et encore par la puissance de la parole divine, doivent être secrètement transformés les fidèles de Jésus-Christ pour être faits son corps et ses membres.

 

— Martine Petrini-Poli
(professeur de lettres en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme de Saône-et-Loire)

 

 

 

Bibliographie

Le temps des beaux sermons, Textes réunis par Jean-Pierre Landry, 2006

Campion Pierre, L’éloquence sacrée dans les sermons de Bossuet, Article publié dans la revue Littératures, Université du Mirail à Toulouse, n° 36, 1997

Régent-Susini Anne, L'Éloquence de la chaire. Les sermons de saint Augustin à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 2009

Truchet Jacques, La prédication de Bossuet, Etude de thèmes, éd. Cerf, 1960

BOILOT
BOILOT a écrit :
08/02/2024 18:03

rand merci pour la mémoire de ce grand prédicateur, heureux temps où l'homélie apportait un brai chemin de foi pendant la messe.

Anne Germain
Anne Germain a écrit :
08/02/2024 18:28

Précis, dans un cadre précis, avec textes d'auteur. Merci.

Anne Germain
Anne Germain a écrit :
08/02/2024 18:30

Précis. Ouvert. Références. Merci

Anne Germain
Anne Germain a écrit :
08/02/2024 18:31

Histoire et précision

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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