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Il y a 100 ans : la paix retrouvée

Publié le : 5 Novembre 2018
Dans les jours qui arrivent seront célébrés partout dans notre pays les souvenirs de ce qu’on a appelé la « Grande Guerre ». Nous savons bien que la guerre n’est jamais grande : seules les souffrances qu’elle engendre le sont, de quelque côté de la frontière que l’on se trouve. Poésie et musique françaises et allemandes nous le montrent bien.

Caroline Brisset, Absence

En 1918, Albert Roussel (1869-1937) écrit cette belle mélodie sur un poème de G. Jean-Aubry (1882-1950) qui fut critique musical et ami de nombreux musiciens dont notre compositeur. La guerre, c’est d’abord l’expérience de la séparation, de l’absence, de la solitude, du regret de tout ce qui n’a pas été dit, mais il n’est plus temps… Voici le texte de ce poème intitulé « Light » :

Des larmes ont coulé
d’un cœur secret et tendre
qui se crut exilé.
Que n’ai-je pu comprendre
quand je m’en suis allé
ce cœur secret et tendre.

Une bouche a parlé
triste douceur d’entendre
aujourd’hui révélé
ce cœur secret et tendre.

Des larmes ont coulé…
Que n’ai-je su comprendre… à ce ciel étoilé ?

Nous sommes devant une musique dépouillée de tout artifice expressif : le piano ponctue le discours d’harmonies riches, aux modulations souvent admirablement inattendues. La mélodie s’éteint doucement jusqu’au silence de la douleur muette.

 

De l’autre côté de la frontière, c’est bien la même douleur humaine qu’éprouvent poètes et musiciens : que la guerre est absurde !

Nourri de la musique de Schumann et de Wagner, le compositeur peu connu de ce côté-ci du Rhin, Hans Pfitzner (1869-1949) – il est né la même année que Roussel – est un des tout derniers représentants du romantisme allemand. Sur un poème de Friedrich Hebbel (1813-1863) dont l’œuvre est nourrie de l’incompréhension des êtres entre eux, Pfitzner nous donne une musique plus expressionniste, plus extériorisée que celle de Roussel : c’est ici le rêve hélas inaccessible qui s’exprime. Ce Lied date de 1916, année terrible autant en Allemagne qu’en France ; la guerre semble ne devoir jamais finir… C’est bien la même nature humaine qui chante ici, de quelque côté que le destin l’ait placée. Voici le poème intitulé « Gebet – Prière » :

Die du über die Sterne weg
mit der geleerten Schale
aufschwebst, um sie am ew’gen Born
Eilig wieder zu füllen :
Einmal schwenke sie noch, o Glück,
Einmal, lächelnde Göttin !
Sieh, ein einziger Tropfen hängt
Noch verloren, am Rande,
Und der einzige Tropfen genügt,
Eine himmlische Seele,
Die hier unten in Schmerz erstarrt,
Wieder im Wonne zu lösen.
Ach ! Sie weint die süsseren Dank,
Als die anderen alle
Die du glücklig und reich gemacht ;
Lass ihn fallen, den Tropfen !

Toi qui, au-dessus du chemin des étoiles
Tenant une coupe vide
T’élèves vers le puits éternel
Pour t’empresser de la remplir :
Elève-la encore une fois, ô bonheur,
Une fois, souriante déesse !
Vois une seule goutte reste
Encore perdue sur son bord,
Et cette seule goutte suffit
A une âme céleste
Ici-bas pétrifiée par la douleur,
Pour lui ouvrir les portes du bonheur,
Ah ! Elle te verserait des larmes de remerciement
Comme toutes les autres,
Que tu as faites heureuses et fortunées :
Fais-la tomber, cette goutte !

(Traduction : Pierre Mathé)

 

Emmanuel Bellanger

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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