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La Mystique de l’obéissance dans le Livre des Fondations, chapitre V, de Thérèse d’Avila.

Publié le : 28 Août 2014
La linguistique structurale permet de retrouver la structure formelle du Livre des Fondations. La structure profonde, quant à elle, est perceptible à la récurrence du mot « obéissance », en particulier au chapitre V. En effet, l’obéissance, vœu monastique par excellence, joue un rôle majeur dans la vie spirituelle et apostolique de Thérèse d’Avila. Mais comment définir l’obéissance, ce terme bien galvaudé, qui semble réservé au domaine de l’enfance ?

Il s’agit d’abord, dans le Prologue au Livre des Fondations, de l’obéissance à l’ordre d’écrire du Père Ripalda, auquel elle se soumet dans la prière :
« Aujourd’hui, à Salamanque, en 1573, j’ai pour confesseur le recteur des jésuites de Salamanque, maître Ripalda. Celui-ci, après avoir lu ce qui concerne la première fondation, a estimé que ce serait servir Notre-Seigneur que de parler des sept autres monastères (…) ; il m’en a donné l’ordre. Cela me semblait impossible à cause de tout ce que j’avais à faire : lettres à écrire et tâches diverses dont je ne pouvais me dispenser, car elles m’étaient ordonnées par mes supérieurs. Je me tournai alors vers Dieu (…). Le Seigneur me dit alors : « Ma fille, l’obéissance donne des forces. »

L’obéissance est ainsi animée par la force intérieure de la foi :

« Ces projets (de fonder de nouveaux monastères), je ne cherchais pas à les réaliser ; je trouvais que c’était de la folie (…) La volonté de contenter Dieu et la foi rendent possible ce qui raisonnablement ne le serait pas.» (II, 4).

Cependant  la soumission à la volonté divine s’accompagne d’épreuves de toutes sortes, jusqu’à celle de douter du bien-fondé de l’entreprise :

« Quand le Seigneur décide que je dois fonder un de ces couvents, aucune difficulté ne me paraît capable de me faire renoncer ; c’est après coup que je vois les problèmes.» (III, 4).

Au chapitre V, intitulé « Conseils sur l’oraison, très utiles pour ceux qui vivent dans l’action », nous pénétrons à la source de l’obéissance, qui est la configuration au Christ : « Pour ce qui est de l’obéissance, la volonté du Seigneur est que celui qui l’aime ne s’écarte pas du chemin qu’il a lui-même suivi, obediens usque ad mortem. » La citation latine est celle de Saint Paul, dans l’Epître aux Philippiens 2, 8 : « Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix », chant du répertoire grégorien :

                         
Ainsi l’oraison ne doit pas consister à « laisser le corps en repos, sans rien faire, et l’âme dans les délices (…) Peut-on être en repos, si l’on sait pouvoir agir quelque peu pour qu’une seule âme progresse et aime davantage Dieu. » (V, 5). La Madre insiste sur l’action apostolique et la prière d’intercession à défaut d’action : « L’âme ne pensera plus à se faire plaisir, mais à faire la volonté du Seigneur, comme c’est le cas pour l’obéissance. » (V, 5). L’obéissance est ainsi un libre abandon de sa volonté entre les mains du Seigneur : « Oh, Seigneur ! Comme d’une âme bien décidée à vous aimer et à se mettre entre vos mains vous n’attendez qu’une chose : qu’elle obéisse et qu’elle s’informe de la façon de mieux vous servir et qu’elle n’ait pas d’autre désir (…) car elle n’a plus qu’une volonté, la vôtre. C’est vous, mon Seigneur, qui prenez soin de la guider sur la voie où elle avancera le plus. »

Les multiples tâches utiles à la communauté, si elles sont faites « par obéissance et par charité », ne sont pas un frein à la vie spirituelle, car le fruit de l’abandon en Dieu est la liberté d’esprit : « Cette âme des plus portées à l’obéissance que j’ai vues (…) a acquis cette liberté d’esprit si estimée, si recherchée qui caractérise les parfaits ; c’est dans cette liberté qu’on trouve tout le bonheur qu’on peut désirer en ce monde. » (V, 7).
Puis, s’adressant à ses moniales, la Madre les exhorte avec humour: « Allez ! Mes filles ! Courage ! Quand l’obéissance vous obligera à vous occuper de questions matérielles, par exemple à faire la cuisine, songez que le Seigneur est aussi au milieu des marmites et qu’il vous aide intérieurement et extérieurement. » (V, 8).  Et elle conclut : « La voie la plus rapide pour atteindre la plus haute perfection est l’obéissance. » (V, 10). Aussi est-ce une voie semée d’embûches, à commencer par les « bonnes raisons »  que trouvent notre nature et notre amour-propre. C’est pourquoi l’obéissance a besoin de médiateurs que sont « le supérieur ou le confesseur. » (V, 12). D’un autre côté, Thérèse d’Avila conseille les prieures afin qu’elles n’abusent pas de leur autorité, surtout en matière de mortifications (XVIII, 11). « Rendre ma volonté conforme à celle de Dieu. Voilà l’union que je désire et ce que je voudrais voir partout, et non pas ces transports délicieux qu’on appelle « union » (V, 13). En effet, quand on n’a affaire à personne, on risque moins d’offenser le Seigneur, cependant « l’amour doit se manifester non pas dans les recoins, mais au milieu du danger (…). Quand on aime vraiment, on aime partout où l’on est et on pense toujours à celui qu’on aime (V, 16). »


Thérèse d’Avila conclut alors le chapitre V sur un équilibre à trouver entre la contemplation et l’action : « Croyez-moi, ce n’est pas en y passant beaucoup de temps que l’âme progressera dans l’oraison ; en passer à de si bonnes œuvres l’aide beaucoup à se disposer à brûler d’amour, bien mieux qu’après des heures de méditation. Tout doit venir de sa main. » Tandis que le Livre de la vie est rempli du récit des grâces reçues de Dieu dans la prière, le Livre des Fondations s’est enrichi d’une expérience de prieure et d’une vie d’action apostolique intense. L’obéissance fonde la communauté et dispose à la configuration au Christ : « Par cela même que nous assujettissons notre volonté et notre raison par amour de lui, il nous en rend parfaitement maîtres. Alors, maîtres de nous-mêmes, nous pouvons d’une manière parfaite nous employer à servir Dieu en lui offrant une volonté purifiée pour qu’il la rende conforme à la sienne. » (V, 12).

Dans les chapitres 29 à 31 qui racontent les dernières fondations de Palencia et Burgos, l’obéissance est mise à l’épreuve, car Thérèse, fatiguée, n’est plus décidée à faire d’autres fondations : « Un jour où je venais de communier (…) Notre-Seigneur me dit en manière de reproche : « Que crains-tu ? T’ai-je jamais abandonnée ? Je n’ai pas changé ; ne manque pas de faire ces deux fondations. » (…) Je fus dès lors déterminée et pleine d’ardeur. » (XXIX, 6). L’obéissance est l’expérience d’une présence eucharistique, Proche et Tout Autre.
 

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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