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Attention, des noms à retenir ! – un regard sur le Salon de Montrouge

Publié le : 12 Mai 2017
Le Salon de Montrouge a ouvert les portes de sa 62° édition. Depuis 1955, ce salon donne la possibilité à quelques jeunes artistes de rencontrer un large public et des professionnels du monde de l’art. Sur un nombre impressionnant de dossiers - 2500 cette année - la sélection retient une cinquantaine de projets. Je m’arrête sur la proposition d’un jeune peintre.

Guillaume Valenti,Vecteurs,  2015, peinture à l'huile, 162x114 © M.B

Vecteurs. C’est le titre de l’œuvre que j’observe depuis une bonne dizaine minutes peut-être. Et pour la seconde fois. Je l’ai déjà vue à Felicità, la dernière expo des diplômés des Beaux-arts de Paris félicités en 2015. Vecteurs est une peinture à l’huile sur toile tendue sur châssis de 162 x 114 cm. Rien de nouveau sous le soleil ? Sempiternel retour à la peinture figurative ? Eh bien si le mouvement de « restauration » - retour à l’ancien régime – est indéniable chez nombre de jeunes pas seulement artistes, je crois pourtant qu’y éclot du nouveau. Pas la nouveauté de la mode ni de l’actu comme ils disent, mais une nouveauté autre, sobre, « mine de rien. » Une nouveauté qui requiert le temps du discernement confiant. Cette nouveauté qui a franchi les mises à mort de la Peinture et fait l’art authentique et authentiquement contemporain. Non à la manière des avant-gardes que tentait la « table rase » pour explorer l’essence de l’art, mais en enfouissant ses racines jusqu’au plus archaïque. Au passage – avec ou sans jeu de mot - les chrétiens reconnaissent la nouveauté caractéristique de la Nouvelle Alliance.

J’avoue d’abord la fascination qu’exerce sur moi le jeu illusoire de la troisième dimension à l’œuvre dans Vecteurs. Intuitivement, les règles de la perspective à point de fuite central paraissent rigoureusement respectées. Le carrelage au sol et le plafond à coffrages indiquent clairement les lignes de fuite que la succession de plans frontaux renforcent. Leurs reflets insistent encore pour construire un espace saturé de cohérence. Que produisent cette exhibition de perspective et cet excès de cohérence ? Le seul tableau visible dans cette galerie, frontalement parallèle au plan de représentation, c’est une étude de perspective. Sa ligne d’horizon rouge souligne, très discrètement, la palette restreinte de tons amortis : du blanc à l’ocre en passant par le gris, unifiés par la lumière froide. Le titre confirmerait alors une mise en abyme de la perspective. Et dans le duel ancestral entre les couleurs et le dessin, la victoire écrasante de ce dernier.

 Guillaume Valenti, Grille, 2015, 130x162

 

Malgré ses dimensions modestes le tableau me captive dans l’espace qu’il invente. La représentation d’un espace déserté appelle l’habitation du regard. Une captation qui devient capture, voire incarcération comme le suggère un autre tableau du même artiste, Grille (2015, huile sur toile, 130x162 cm).  Vecteurs met en scène avec un rien d’ironie peut-être, un lieu de monstration de tableau, à la mode un peu crue des galeries d’art contemporain : éclairage au néon, béton brut, cimaises blanches, tuyauterie apparente. Une ‘’fausse note’’ : le magnifique sol en dallage ciré et luisant assez inhabituel. Le traitement pictural en fait un morceau de bravoure à la manière des virtuosités flamandes de rendu des matières et des textures.

GUILLAUME VALENTI,VECTEURS (détail) 2015, PEINTURE À L'HUILE, 162X114 © M.B

Et puis il y a ce pan de mur, ce bout de parapet en béton ébréché, usé, sali, et central. Obstacle peu vraisemblable dans une galerie. Trop gênant. Il trouve au contraire une grande utilité dans la figuration, au regard – au « clin d’œil » - de l’histoire de la Peinture, de la plus figurative à la plus abstraite. Qu’on pense aux parapets sur lesquels repose Jésus dans nombre de Vierge à l’Enfant de la Renaissance italienne (Bellini, tout particulièrement), à ceux derrière lesquels posent les notables et religieux portraiturés par Philippe de Champaigne) ter et finalement aux différents carrés blancs de Malevitch. Il s’agit bien de l’un des ’’obstacles énigmatiques’’ nécessaires à la puissance des arts visuels. D’autres petites incohérences figuratives alertent discrètement le regard : un rectangle blanc au fond à gauche peine à représenter une probable porte ; deux lignes translucides au plafond esquisseraient un tuyau ; un tube au néon, au premier plan, plus long que les autres, envoie le regard sur la droite... Mise en abyme de la perspective, fausses notes et obstacles visuels complexifient et enrichissent la figuration que l’exécution va encore interroger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(à gauche) Giovanni Bellini, Vierge à l'Enfant, 1487 // (à droite) Ph. de Champaigne, 1651, RP J-Antoine Philippini © MFA Boston

La méticuleuse précision de l’improbable dérange. L’art de Guillaume Valenti ne rassure pas, il en émane cet unheimlich théorisé par Sigmund Freud : une inquiétante étrangeté. Non pas obscurément mais écrasé par le diktat de la transparence dans la clarté des lumières (j’ai failli mettre une majuscule). Atmosphère de monstration démonstrative, les vitrines et les galeries d’art désertes ne sont pas au préalable des sujets mais une mise en abyme de leur cadrage et de leur composition pour faire voir. Leur symétrie presque parfaite ne saurait pourtant se contenter d’une froide image d’écran. La peinture à l’huile, maîtrisée de main de maître par Guillaume Valenti, jusqu’à la négation de sa consistance, agit pourtant. En retrait. Soumise à la représentation, elle ne fait que semblant de disparaître… Trop polie pour être honnête ! Derrière l’exhibitionnisme des lignes et de la construction, onction onctueuse, elle ne transmet pas seulement froide lumière, reflets en transparences et trivialité de l’usure. Mais quoi ? L’inexplicable patience d’une performance cachée, la durée d’un temps donné – sacrifié ? – l’inframince tremblement de la main, la palpitation d’une sensibilité irréductible. Silencieuse.

 

LUDIVINE LARGE-BESSETTE, 2017, DEEP OUT BODIES, VIDÉO COULEUR SONORE, 15' DÉTAIL 2 © M.B

Il n’y a pas que Guillaume Valenti au salon de Montrouge ! Bien d’autres propositions méritent qu’on s’attarde. Et le cru 2017 est fameux. A Montrouge, la présentation des œuvres a connu des hauts et des bas et nous sommes en haut. J’avais prévu une heure de visite, je suis resté trois. Il y a une vraie exposition organisée en quatre chapitres judicieux : élevage de poussière, récits muets, fiction des possibles, laboratoire des formes. C’est clair et peu contraignant. On prend plaisir… à baguenauder au gré de sa sensibilité.

 

Linda Sanchez, 2014, 11 752m et des poussières, film couleur sonore 71' extrait © M.B
Linda Sanchez, 2006, Tissu de sable, sable, colle néoprène, détail © M.B

Le travail de Ludivine Large-Bessette, Deep out Bodies (vidéo couleur sonore, 15') montre comme un petit film de famille, des voisins de tous âges dans un banal décor de banlieue pavillonnaire. Saisis de désarticulation, les corps s’effondrent de manière imprévisible. La vidéo plus expérimentale de Linda Sanchez (2014, 11 752m et des poussières, film couleur sonore 71') poursuit la course infinie d’une goutte d’eau. A côté d’une sculpture issue d’un songe : Tissu de sable de la même artiste dont le méandre des plis et replis fascine.

MISPELAERE MARIANNE, mesurer les actes, action performative n°05, 2015, 416 min, galerie du Théâtre de Privas, © Nicolas Lelièvre - Prix du Salon-Palais de Tokyo

Les trois principaux prix décernés vont à Marianne Mispelaëre, née en 1988 (Grand Prix du Salon-Palais de Tokyo), Alexis Chrun, né en 1991 (Prix des Beaux-Arts de Paris) et Laura Huertas Millán, née en 1983 (Prix du Conseil départemental des Hauts-de-Seine). D’autres prix ont également été remis lors du vernissage à Kokou Ferdinand Makouvia, Romain Gandolphe, Suzanne Husky et Florian Mermin. Seul ce dernier avait retenu mon attention : son prix lui a été attribué par un jury d’enfants… Décidément, je ne suis pas mûr pour participer au jury. Dans cet ensemble de qualité mes préférences vont à des œuvres souvent en marge du courant conceptuel dominant.

Florian Mermin, 2017, Replanter les choses oubliées (42 rue des Sablons), installation © M.B

- Père Michel Brière

Au service du Monde de l'art.
ABA L'Aumônerie des Beaux-Arts et des jeunes artistes

 

INFORMATIONS PRATIQUES

Salon de Montrouge, Le Beffroi, 2 place Emile Cresp 92120 Montrouge

jusqu’ au 24 mai 2017
Ouvert tous les jours de 12h à 19h
Entrée libre et gratuite

www.salondemontrouge.com

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