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De l'hymne au choral : méditation pour le Carême

Publié le : 4 Mars 2010
Au début de ce Carême, je vous propose une réflexion sur l'hymne et le choral, genres de base du répertoire musical du catholicisme et du luthéranisme.

Vous écouterez le verset I de la Cantate BWV4, de Bach, support de la méditation d'aujourd'hui.
Je vous propose l'interprétation des Petits Chanteurs de Versailles, choeur dirigé par J.F. Frémont (http://www.notredame-versailles.org/services/services4.htm).


Le Carême, dans le christianisme, est la période de quarante jours qui précède la fête de Pâques, dont la date, mobile, fut fixée par le Concile de Nicée, en 325, au dimanche qui suit la première pleine lune à l’équinoxe de printemps. Le Carême débute par le mercredi des Cendres, avec une cérémonie au cours de laquelle les fidèles reçoivent un peu de cendres sur le front, en signe de pénitence, pour marquer le commencement de la période qui les prépare à Pâques. Jeûne, partage, prière sont les trois piliers du Carême, ils permettent au chrétien un ressourcement bénéfique qui le conduit à la joie pascale : après le dernier repas avec ses disciples, au cours de la Cène, Jésus se rend au Mont des Oliviers avec ses apôtres, et se fait arrêter par Judas à Gethsemani. On le fait comparaître devant le sanhédrin, puis condamner à mort par Ponce Pilate. Crucifié, mort sur la croix, puis enseveli au tombeau, il ressuscite le matin du troisième jour. Ce passage de Jésus, de la mort à la vie, est fêté le jour de Pâques, quarante jours après le mercredi des Cendres. Le mot "Pâques" vient de l'hébreu Pesach, qui signifie "passage" : chaque année, au cours de la Pâque, les Juifs commémorent le passage de la Mer Rouge, lors de la délivrance des Hébreux par Moïse de leur esclavage en Egypte (relaté dans le livre L'Exode,  la Bible, Ancien Testament).  

La Crucifixion, gravure, Albrecht Dürer, 1516 (c) D.R

 

La Résurrection du Christ est une "épiphanie", une manifestation du triomphe de la vie sur la mort : pour cette raison, Pâques est la plus grande fête chrétienne.

 

1. Sources de l’église primitive

La musique juive, notamment les psaumes chantés, et la musique des civilisations hellénistiques du monde méditerranéen, constituent les sources musicales de la première Eglise chrétienne. Saint Paul évoque les psaumes, hymnes et cantiques (Ephésiens, 5, 19 ; Colossiens, 3, 16), en les associant à la vie quotidienne des chrétiens et non pas seulement au culte.
La psalmodie et l’hymne, sur des textes nouveaux, deviennent plus tard la base du chant chrétien.
Le rituel de la messe se fixa au IVe siècle et en 313, l’Edit de Milan reconnut le christianisme comme religion : l’Empereur Constantin transforma alors l’église pour en faire une institution.

 

2. L’hymne

L’hymne est une pièce liturgique catholique, fondée sur un poème strophique de langue latine, en vers le plus souvent, qui s’achève par une formule doxologique de louange à la Trinité. Des exemples célèbres comme le Gloria in excelcis Deo, le Pange lingua, le Te Deum, le Vexilla Regis en témoignent et chantent la gloire de Dieu.
Il existe aussi des hymnes à Marie : le Regina caeli, le Stabat Mater.
L’hymne existe en Europe depuis le Moyen Âge et prend sa source dans le chant romain. Les premiers exemples sont de Saint Ambroise, évêque de Milan (374-397) et de l'église Saint-Hilaire de Poitiers. Ils sont de forme strophique, avec un refrain chanté par le chœur : chaque hymne est constituée de huit strophes de quatre octosyllabes ïambiques.

Saint Ambroise,émail sur cuivre par Jacques I Laudin (1627-1695),Limoges.Collection du musée municipal de Châlons en Champagne (c) Musée municipal de Châlons en Champagne


Au IVe siècle, Milan et Rome étaient des centres actifs de renouveau et de diffusion de la musique. Saint Ambroise réforma la liturgie dans sa ville grâce à ses hymnes latines introduites dans les offices. Il voulait promulguer le dogme récent de la Sainte-Trinité par le beau chant et les magnifiques mélodies de ses hymnes. Sur les quatorze hymnes qui lui sont attribuées, trois furent intégrées au bréviaire romain : Aeterne rerum conditor, Splendor paternae gloriae et Aeterne Christi munera.
Connaissant un immense succès, ces hymnes furent le modèle à imiter pour les générations chrétiennes futures.

 

3. Le choral

Le choral est la base de la religion protestante : au début du XVIe siècle, Luther eut le souci de remplacer le plain-chant par une musique simple, accessible à tous, facile à chanter par l’ensemble des fidèles. Le chant romain, non mesuré, très mélismatique, avec de nombreuses notes tenues, ne se prêtait pas à une interprétation de masse, il était donc jugé trop difficile pour le plus grand nombre. Pour l’office protestant en langue allemande, Luther voulait une participation active de tous les fidèles, sur des mélodies et des textes aussi simples que possible : c’est de là que part l’essor du choral.


Cantique destiné à l’assemblée, chanté à l’unisson ou harmonisé à quatre voix, le choral est constitué de sept périodes brèves, syllabiques, de rythmes simples (noires, blanches, quelques croches), achevées par des points d’orgue. Les modes sont diatoniques, les mélodies sont claires, aisées à mémoriser, sur des poèmes courts, avec une syllabe par note.


Son répertoire est celui des messes luthériennes, des fêtes et du catéchisme et trouve son point d’ancrage dans les psaumes de la Bible et les hymnes latines : on peut observer une filiation musicale entre les deux genres, hymne et choral, qui illustre aussi la continuité entre le catholicisme et le protestantisme, avec une source commune : la Bible. Le principal souci de Luther était la transmission du message de la Bible aux fidèles de toutes catégories sociales. Il a en quelque sorte démocratisé l’accès à l’Ecriture, par une traduction de la Parole en langue vernaculaire, compréhensible à tous. Luther écrivit lui-même les poèmes et/ou les mélodies de plusieurs chorals destinés au culte protestant : trente-six en tout, dont le fameux choral Ein feste Burg ist unser Gott (Une citadelle est notre Dieu), repris par Bach dans sa cantate BWV 80, pour la fête de la Réformation.
Luther adapta un bon nombre de psaumes et d’hymnes catholiques romaines à la langue allemande : ainsi, le Victimae paschali laudes devient le choral Christ lag in Todesbanden (Christ gisait dans les liens de la mort). De nombreux emprunts thématiques furent également faits à la chanson profane et au patrimoine populaire.

 

Portrait de Martin Luther par Lucas Cranach der Ältere, 1529 (c) D.R



Les principaux compositeurs de chorals au XVIe siècle furent Martin Agricola (v.1486-1556), Johann Walter (1496-1570), Spengler, Heyden, Herman, Gramann, Decius, et bien sûr Luther lui-même. En 1524 parurent les premières éditions à Nuremberg, Erfurt, Wittenberg. Le premier recueil de cantiques luthériens fut le Geistliches Gesangbüchlein (Petit livre de chants spirituels) publié par Johann Walther en 1524, avec une préface de Luther. Il contenait d’ailleurs des textes et des chorals de celui-ci. Entre 1528 et 1545, Luther préfaça plusieurs autres recueils de chorals. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, maints compositeurs inventèrent des chorals, parmi lesquels on peut citer Hermann Finck (1527-1558), Philipp Nicolaï (1556-1608), Hans Leo Hassler (1564-1612), Michaël Praetorius (1571-1621).


Une fois le répertoire achevé, celui-ci servit de base à toute la musique allemande postérieure : Johann Hermann Schein (1586-1630), Samuel Scheidt (1587-1654), Dietrich Buxtehude (1637-1707), Johann Pachelbel (1653-1716), Georg Boehm, Walther, Johann-Sebastian Bach eurent recours au choral tel quel, ou orné, varié, paraphrasé au sein de la cantate, de l’oratorio, de la Passion, de la musique d’orgue. Le choral, genre populaire à sa naissance, devint ainsi la matrice des formes savantes, le cantus firmus d’une polyphonie élaborée, sans rien perdre de sa saveur et de son style d’origine. Que sa mélodie soit ornée, qu’il soit présenté sous la forme d’un Choralvorspiel (prélude de choral, joué à l’orgue, avant le cantique chanté par l’assemblée), qu’il devienne une fantaisie de choral, ou donne lieu à des variations, le choral conserve toujours sa substance originelle qui permet de le reconnaître et de l’identifier parmi d’autres.

 

En guise de point d’orgue, je vous invite à méditer sur les versets 1, 2, 3 et 6 du choral Christ lag in Todesbanden (Christ gisait dans les liens de la mort). Ce choral fut repris par Johann-Sebastian Bach dans sa cantate BWV 4, composée en 1707 ou 1708, lorsque il était organiste à Mühlhausen.


Le texte de Luther exprime le combat qui se livre entre la vie et la mort, illustré par Bach au moyen de symboles appropriés : les tempi lents et rapides s'opposent, de même que le caractère des versets, grave ou jubilatoire selon les moments. Le thème initial du choral, une reprise et adaptation par Luther de la séquence grégorienne de Pâques, le Victimae paschali laudes, parcourt les sept versets, comme un cantus firmus en valeurs longues, à la manière des chorals pour orgue. Sa présentation aux voix graves et aiguës, également à l'orchestre, sert de fil conducteur à toute la cantate. Grâce à la relation privilégiée du texte et de la musique, l'oeuvre est une prière individuelle et collective : le chant conduit l'âme à Dieu, il réalise la "Pâque" de la mort à la vie.

 

Résurrection du Christ,atelier de Franz Mayer Borgia (1848-1926), mausolée de la cathédrale catholique Notre Dame des Anges,Los Angeles,Californie.
Photo (c) Andreas Praefcke

 

 

Verset 1
Christ gisait dans les liens de la mort
Livré pour nos péchés,
Il est ressuscité à nouveau
Et nous a apporté la vie ;
C’est ce dont il nous faut nous réjouir,
Louer Dieu et lui être reconnaissants
Et chanter Alleluia, Alleluia !

Verset 2
Personne ne pouvait dompter la mort
Auprès de tous les enfants des hommes
C’est notre péché qui fait tout cela
Nulle innocence ne pouvait être trouvée.
C’est de là qu’est venue très rapidement la mort
Et a pris puissance sur nous
Nous a retenus prisonniers en son empire.
Alleluia !

Verset 3
Jésus-Christ, fils de Dieu, est venu à notre place,
Et a écarté le péché, et ravi par-là la mort,
Tout son droit et toute sa puissance ;
Il ne reste plus que la figure de la mort,
Elle a perdu son aiguillon,
Alleluia !

Verset 6
Ainsi, nous célébrons dans la joie et le plaisir du cœur la grande fête que le Seigneur fait briller pour nous.
Il est lui-même ce soleil,
Qui par le resplendissement de sa grâce, illumine entièrement nos cœurs.
La nuit des péchés a disparu. Alleluia !

 

Les références de la traduction du choral :
 

Traduction française de Philippe PICONE, livret du CD Cantate BWV 4, Cantate BWV 106, Motet Der Gerechte kommt um, J.S. Bach, Maîtrise des petits chanteurs de Versailles, Académie Sainte-Cécile, Concert Saint-Julien, direction Jean-François Frémont. Memory song, PS 9403, 1994.

Illustration de l'article : Portrait de Martin Luther par Lucas Cranach der Ältere, 1529 (c) D.R

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