Le vestiaire liturgique de la cathédrale de Bourges

Publié le : 25 Mars 2014

Fin 2012, est sorti un ouvrage attendu à plusieurs titres. Pour la première fois, le vestiaire liturgique d'une cathédrale, et l'une des plus prestigieuses, fait l'objet d'une étude complète et d'une publication moderne très illustrée. L'ouvrage est l'aboutissement d'un travail de plusieurs années de conservation préventive et de rangement dans des conditions pérennes des ornements de la cathédrale de Bourges. De plus, même si la recherche est étayée par de solides études en archives, l'écriture, simple et précise, est accessible à tout curieux.

Philippe Bardelot, Conservateur des antiquités et objets d'art du Cher a mené à bien l'inventaire et l'étude de l'ensemble ; il retrace l'histoire du vestiaire liturgique de la cathédrale depuis le Moyen Age, rappelant l'existence de pièces exceptionnelles, telles ces chasuble et dalmatiques des années 1400, « en velours cramoisi parsemé de sauterelles et fleurs en or, garnies en perles et plumes de paon ».

Sacristie capitulaire : vue d’ensemble et détail du chapier ouvert. © Philippe Bardelot.

Un atelier de brodeurs a travaillé dans la cathédrale, du XVIe siècle à la Révolution. Il faut attendre 1750 pour y voir apparaître le nom d'une femme, fille de brodeur, profession masculine à l'époque. Suite à la destruction organisée d'un ensemble qui comptait 350 pièces en 1757, les achats reprennent dans les premières années du XIXe siècle. C'est une autre qualité de cette étude que de révéler des noms de fabricants, essentiellement lyonnais et parisiens, et de dater précisément des ornements .

Détail d'un pékin broché, vers 1770-1780. © Philippe Bardelot

Jean-Baptiste Lebigue, ingénieur de recherche au C.N.R.S., propose une introduction à l'histoire des textiles liturgiques à travers leur usage et leur symbolique. Après un rappel des différentes pièces constituant la paramentique (ornements qui servent à parer les personnes et le mobilier impliqués dans le culte), l'auteur expose la problématique essentielle des couleurs dans les ornements liturgiques ; son éclairage sur le travail des liturgistes médiévaux, et particulièrement sur les jeux entre blanc, rouge et noir, comble une lacune dans les publications patrimoniales.

Ornement rouge, 1873, Biais Aîné Fils et Rondelet, Paris.

Irène Jourd'heuil, conservateur des monuments historiques de la Région Centre, détaille l'opération de conservation qui a été effectuée sur les 1075 pièces actuellement conservées ; voilà une facette peu visible de l'action de l'État réalisée en d'autres lieux (Coutances, Saint-Denis, Beauvais,...), et absolument essentielle à la pérennité des étoffes. Une Circulaire du 1er octobre 2007 incite d'ailleurs à intensifier les inventaires des biens de l'État. L'auteur, ayant interrogé les régions, tente ensuite un premier état des lieux national des inventaires de cathédrale. Les lacunes dans ce bilan, qui ne manquent pas, sont plus de la responsabilité des enquêtés que de l'enquêteur. Néanmoins, les choses avancent.

A gauche, détail du tissu de décor d'une chasuble commandée à Germain Frères en 1814. A droite, chasuble, XIXe siècle.© Philippe Bardelot.

Un glossaire technique illustré complète l'ouvrage ; il aurait été parfait en y associant des macro-photographies, nécessaires pour le non-initié.

ornement de coupe ample du XXe siècle avec une étoffe plus ancienne. © Philippe Bardelot.

On ne peut qu'appeler de ses vœux de nouvelles publications d'inventaires de cathédrales. Elles sont un des conservatoires des plus riches soieries françaises.

Josiane Pagnon

Références de l'ouvrage : BARDELOT, Philippe ; JOURD'HEUIL, Irène ; LEBIGUE, Jean-Baptiste. Le vestiaire liturgique de la cathédrale de Bourges ; Textiles religieux des XIXe et XXe siècles. Lyon : éditions Lieux Dits, 2012, Cahiers du patrimoine, n° 98, 158 p.

Mots-clés associés :

ornement liturgique, sacristie, cathédrale, Bourges

Alain TARDIEU a écrit :

27/03/2014 17:38

Il est triste que le clergé actuel ne se serve pas plus de ces ornements.
Vatican II a fait des ravages non seulement dans la liturgie.

Claude de Martel a écrit :

03/04/2014 18:01

Bonjour,
Ayant le plaisir d'être votre voisin de blogs (celui sur l'église St Louis de Vincennes), je voudrais signaler à Mme Ferrero que notre église possède une décoration et une ornementation d'époque Art Déco. Des artistes liés à cette période sont intervenus dans cette église (Maurice Denis, Henri Marret, Subes, Dhomme) et les architectes eux-mêmes ont réalisé des ornements muraux. Nous ne possédons aucun ornement liturgique, mais peut-être y a-t-il des rapprochements possibles en ce qui concerne les motifs employés ? Si cette hypothèse vous intéresse, nous vous accueillerons volontiers à Vincennes, en espérant que cette destination ne vous paraîtra pas trop lointaine.
Claude de Martel

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Josiane Pagnon et Marine Ferrero

Josiane Pagnon a été Conservatrice des antiquités et objets d'art de la Manche de 1994 à 2010 en tant qu'agent du Conseil général de la Manche. Dans ce cadre, elle a publié de nombreux ouvrages sur les objets mobiliers et les ornements liturgiques. Elle est maintenant chercheur à l'Inventaire général au Conseil régional de Languedoc-Roussillon. Originaire d’Aix-en-Provence, Marine Ferrero effectue actuellement un Doctorat d’Histoire de l’Art à l’Université Libre de Bruxelles. Elle consacre ses recherches à la modernisation de l'ornement liturgique au XXe siècle. Son mémoire de Master s’intéressait au renouveau de la paramentique des années 1900 au concile Vatican II ; sa thèse se concentre aujourd’hui sur l’influence plus spécifique de l’Art déco et de l’avant-garde artistique de l’entre-deux-guerres.