Une réflexion ….
Nous connaissons la sculpture à travers les oeuvres dites monumentales ; elle est massivement présente au sein des musées, des ouvrages spécialisés ou de vulgarisation. Cependant, un pan de ce domaine artistique demeure dans l’ombre : « la statuaire en miniature ».
Cette sculpture en miniature est représentée essentiellement dans le domaine des arts précieux tel que l’orfèvrerie.
Par conséquent, tout au long de cet article, j’emploierai le terme de sculpture.
Je tiens également à préciser la définition de ce terme : expression artistique en volume ou en ronde-bosse.
Un constat
Au XIIème – XIIIème siècle, l’orfèvrerie se trouve au carrefour de deux domaines artistiques : l’architecture et la sculpture. (Voir l’article du 28 septembre 2011). Tout comme les objets qui l’abritent, cette statuaire subit des transformations liées aux exigences des commanditaires, au contexte politique mais aussi grâce aux divers progrès techniques qui s’opèrent au sein de l’orfèvrerie.
Ce mois-ci, je vous propose d’observer l’évolution de cette statuaire au sein des reliquaires.
Châsse de Saint Romain, détails, Paris ou Rouen, vers 1270-1290, Conservée à la Cathédrale de Rouen © C.D
Une particularité
Du fait de la production, l’iconographie concerne les personnages sacrés ainsi que leur histoire. Un reliquaire est dédié à un saint, sa mise en valeur diffère selon les époques. Cependant, sur l’ensemble de ces objets, les techniques employées demeurent identiques tout au long des XIIème et XIIIème siècles.
Ainsi, la technique principalement utilisée est le repoussé. Pour les détails, il s’agit davantage du repoussé et de la gravure. C’est essentiellement grâce à ces techniques qu’évolue la statuaire.
Ces progrès s’expliquent par un traitement différent du métal : à la fin du siècle, le travail des métaux précieux devient plus raffiné sous l’impulsion d’un nouveau type de commanditaires. Une réelle réflexion sur cette matière première a lieu tout au long du XIIIème siècle, ce qui en fait un siècle important.
Châsse de Nivelles, oeuvre parisienne (?), 1272 © C.D
Une évolution
Durant le XIIIème siècle, quatre grandes périodes se distinguent : de 1180 à 1200, de 1200 à 1255, 1255 à 1280 puis de 1280 au début du XIVème siècle. Celles-ci coïncident avec les période d’évolution de l’art « orfèvrerie ».
Pour quelle raison ? Tout simplement parce que les statues font parties intégrantes des objets. L’oférvreie suit l’histoire de l’art.
Durant la première partie du XIIIème siècle (de 1180 à 1255), la statuaire fait partie intégrante du reliquaire: son relief est discret et ne peut être considérer comme une statuette.
Base d’un antependium, détail, art mosan, conservé au Musée du Louvre, avant 1024 © Pierre-Emmanuel Malissin et Frédéric Valdes, http://www.galerie.roi-president.com
A ce stade, on ne peut parler de statuette pour deux raisons : la première est d’ordre technique. En effet, l’iconographie, faite au repoussé, est conçue à partir d’une plaque de métal fixée directement à lâme de bois.
La deuxième raison est purement basée sur la définition de la sculpture. Cette représentation n’est pas en volume mais en relief. De ce fait, elle ne peut être assimilée à une statuette.
A partir de la deuxième moitié du XIIIème siècle, les représentations s’émancipent du fond.
Châsse de Saint Taurin, détails, Atelier parisien, 1240 – 1255, Conservée à l’ église de Saint Taurin, Evreux © C.D
Châsse de Saint Romain, détails, Paris ou Rouen, vers 1270-1290, conservée à la Cathédrale de Rouen © C.D
Dans les deux exemples, la statuaire se détache nettement du fond, elle devient complètement indépendante. De plus, dans l’exemple de la Châsse de Saint Romain, l’iconographie du personnage est clairement hissée au rang de statuette dans la mesure où elle se présente comme telle.
En effet, en plus de son indépendance physique au reliquaire, le personnage est mis en valeur par la présence d’un socle.
Châsse de Saint Romain, détails, Paris ou Rouen, vers 1270-1290, Conservée à la Cathédrale de Rouen © C.D
L’orfèvrerie met-elle en scène des éléments sculpturaux ?
Au vue des divers constats, l’orfèvrerie est étroitement liée à la sculpture dans la mesure où l’iconographie présente au sein des objets se présentent comme les statues « monumentales » : personnages en volume prenant place sur un socle.
Toutefois, cela n’a pas toujours été le cas dans la mesure où la représentation faisait partie intégrante de l’oeuvre. Le tournant s’effectue essentiellement avec les commandes royales.
Cette importante transition sera l’objet du prochain article…
Cécile Dufour
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Le 10 avril 2013