Ainsi l’art du vitrail : ne faut-il pas que la pâte de verre passe par le feu et soit traversée par la lumière du soleil pour que nos yeux s’ouvrent à la contemplation ? A travers ce vitrail de Bazaine dans l’église Saint-Séverin à Paris, c’est bien cette épreuve de la lumière colorée transfigurée par le soleil du matin qui nous émerveille.
La musique est sans conteste une des formes d’expression artistique la plus appropriée pour exprimer la réalité de l’Esprit comme souffle de lumière : elle vibre, elle s’écoule, elle ne se voit pas, elle ne se retient pas, elle est la vie elle-même. Le compositeur Olivier Messiaen (1908-1992) a cherché dans plusieurs de ses œuvres à traduire musicalement sa méditation sur l’Esprit-Saint. Il lui a même consacré une œuvre entière ; la Messe de la Pentecôte, écrite en 1949-1950. Ces pages sont uniques dans sa production : ce sont les seules qui sont expressément destinées à la liturgie. Messiaen les a créées lui-même en 1951 au cours d’une messe sur son orgue de l’église de la Trinité à Paris. Cette Messe pour orgue est divisée en 5 parties, suivant les 5 moments réservés à l’orgue dans la liturgie telle qu’elle était célébrée avant le Concile Vatican II.
1° ENTREE : Les langues de feu.
2° OFFERTOIRE : Les choses visibles et invisibles.
3° CONSECRATION : Le don de sagesse.
4° COMMUNION : Les oiseaux et les sources.
5° SORTIE : Le vent de l’Esprit.
C’est le troisième mouvement de cette sorte de symphonie à l’Esprit-Saint que je vous propose de découvrir. Le don de Sagesse est un des sept dons du Saint-Esprit avec les dons d’Intelligence, de Conseil, de Force, de Science, de Piété et de Crainte.
Cette pièce s’inspire de l’alléluia grégorien du dimanche de la Pentecôte :
Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium : et tui amoris in eis ignem accende.
Viens Esprit-Saint, remplis le cœur de tes fidèles : embrase-les du feu de ton amour.
Le numéro trois de la Messe de la Pentecôte se présente comme ce que les musiciens appellent un rondo : c’est-à-dire une pièce de forme alternée comportant un refrain et des couplets : le refrain est identique dans ses occurrences successives, les couplets à chaque fois différents. Ce sont les couplets qui nous intéressent ici : on les reconnaît facilement car ils sont écrits à une seule voix, sans accords ni accompagnement d’aucune sorte. Apparemment, ils sont d’inspiration libre. Surprise à l’analyse : ils sont en fait le décalque note pour note de l’alléluia de la Pentecôte que nous venons d’entendre. Simplement les intervalles entre chaque note sont changés, très étirés par rapport à l’original au point de rendre la mélodie non reconnaissable. La démarche du compositeur est un peu celle de Picasso qui détruit la perspective et les proportions pour créer à partir d’objets connus des formes inédites. Belle image sonore du travail de l’Esprit bien présent mais caché, seulement reconnaissable à ceux qui le cherchent en vérité. C’est cela l’Esprit de Pentecôte.
Les mélanges de jeux créent des sonorités proprement inouïes, comme des taches de couleurs sonores ainsi que le voulait Messiaen ; « La musique colorée fait ce que font les vitraux et les rosaces : elle nous apporte l’éblouissement. » Olivier Messiaen.