Voir toutes les photos

Une époustouflante vanité en trois dimensions

Dans les deux espaces de la galerie Templon, une foule se presse ces dernières semaines comme jamais. Aussi bien rue Beaubourg que rue du Grenier Saint-Lazare. Car l’installation mise en scène par Hans Op de Beeck est réellement impressionnante. Un cartel nous prévient, dès l’entrée : « Les œuvres sont fragiles, merci de ne pas les toucher ». C’est, en réalité, chacun de nous qui se trouve touché, au cœur, dans son essentielle, inexorable, fragilité, par ces époustouflantes installations immersives.
Publié le 29 octobre 2025
Écrit par Paul-Louis Rinuy

Ce nocher conduisant sa barque (fig. 1), ce cavalier sur un cheval grandeur nature, ce chien endormi, et ce crâne monumental nous dévisagent silencieusement.

(Fig. 1) Vue d’exposition avec The Ssteamboat, 2025 copyright Laurent Edeline

L’illusionnisme mimétique des sculptures, leur rappel de la statuaire classique et leurs grandes dimensions nous font entrer, de plain-pied, dans un univers énigmatique et onirique peuplé d’arbres, de bambous, de fleurs qui coexistent étrangement avec une petite fille assise aux ailes d’ange perdu ou un singe portant un parasol (fig.2). Dans quel cauchemar sommes-nous soudain embarqués ? Qu’est ce   monde décoloré où chaque élément, végétal, animal ou objet, est recouvert d’un même enduit gris ? La pénombre, la saturation de l’espace, les jeux d’échelle composent un ensemble fantastique, effrayant, contaminé par la mort. 

(Fig. 2) The Horseman, 2020, dans l’exposition, 2025, copyright Laurent Edeline

Nulle légende ici, nulle mythologie païenne ou histoire précisément narrée ; le temps comme l’espace se trouvent    suspendus en une silencieuse mélancolie. Nous sommes avant ou après une catastrophe, comme si la fin du monde était en cours, sans accident, sans cataclysme.  On vanishing – Sur la soudaine disparition- tel est le titre de cette installation immense qui n’en finit jamais. Dans cette réinvention de la sculpture traditionnelle, les grands héros ou les figures tragiques ont disparu. Sous une peinture uniforme qui égalise les modelés et adoucit les ombres, les formes réalistes et hyperréalistes, révèlent  des êtres ordinaires dans des attitudes souvent énigmatiques. 

Que voyons-nous donc en train de disparaître ? En quoi ce monde ayant perdu sa couleur, sa vitalité, jusqu’à son sens des relations entre les personnages, est-il en ce moment même en voie d’évanouissement ?

Exposant de monumentales installations comme son Camping dévasté – We were the last to stay-  à la Biennale de Lyon en 2022 ou, récemment, le Voyage nocturne au Musée royal des beaux-arts d’Anvers, Hans Op de Beeck   introduit le spectateur dans un monde privé de saveur, d’odeur et d’histoire, un monde désenchanté, saturé d’objets et pourtant vide !  Expérience ô combien prenante, et décapante, d’un   désert étrangement peuplé (fig.3).

(Fig. 3) Vanitas XL, 2021, dans l’exposition 225, copyright Laurent Edeline

Sans doute suffit-il de ressortir de cette plongée en apnée dans le vide, pour (re)trouver, dans les multiples attraits des visages, des corps, des réalités du quotidien qui nous environne  ici et maintenant, la foi en ce monde. Deleuze disait que « le fait moderne, c’est que nous ne croyons plus en ce monde ». De ces installations décapantes et morbides  d’Hans Op de Beeck, nous sortons curieusement revivifiés, animés d’une foi nouvelle en ce monde, tel qu’il est, tel qu’il pourrait être, tel qu’il dépasse aussi ce que nous en voyons simplement.  

Paul-Louis Rinuy

Notes

  • Hans Op de Beeck, On vanishing, Galerie Templon, 30 rue Beaubourg et 28 rue du Grenier Saint-Lazare, 75003 Paris,  jusqu’au 31 octobre 2025 (l’exposition sera sûrement prolongée en raison de son exceptionnel succès).
Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

INSCRIPTION NEWSLETTERRecevez quotidiennement nos actualités, les informations des derniers articles mis en ligne et notre sélection des expositions à ne pas rater.