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Une visite au Palais de Tokyo : « L’esprit commence et finit au bout des doigts »

Publié le : 8 Novembre 2019
Durant un mois, dans le cadre de la saison dédiée à la scène artistique française, le Palais de Tokyo a abrité toute la diversité des métiers d’art récompensés et soutenus par la Fondation Bettencourt Schueller depuis 20 ans, sans chercher à hiérarchiser les œuvres ou les activités présentées. Sylvie Bethmont livre ici le récit sur le vif de sa visite de cette exposition hors du commun...

- Dialogue -

(Sylvie Bethmont) - Je voudrais signaler une erreur ! …Il y a une erreur de numérotation des œuvres, là !  Il faut inverser les numéros 59 et 60 ! … A peine arrivée, je récrimine déjà !

(un gardien) - Dites-le à la médiatrice, elle est dans les salles …


Ainsi a commencé ma visite de l’exposition « L’esprit commence et finit au bout des doigts », au Palais de Tokyo (jusqu’au 10 novembre 2019). Après m’avoir rassurée - oui l’erreur a bien été signalée - deux aimables médiatrices m’ont conduite, pour une visite privée mais offerte à tous, à travers les quatre espaces de cette exposition précieuse à plus d’un titre.

Entrée de l’exposition « L’esprit commence et finit au bout des doigts » au Palais de Tokyo © SB

- (Une médiatrice) Avez-vous-vu comment est inscrit le titre de l’exposition à l’entrée ? (Photo) Elle est tirée de l’une des quatre phrases de Paul Valéry inscrites sur le Palais de Chaillot voisin : « Tiens, - et l’esprit ? - Commence et finit… au bout des doigts. » (Paul Valéry, Idée fixe ou deux Hommes à la mer, 1932).
Les lettres du titre sont dorées à l’or fin et la gradation de la brillance de l’or est obtenue en augmentant le nombre de carats des lettres, et non l’intensité de la lumière.

- (SB) L’or, l’un des fils conducteurs des œuvres présentées ici, est un matériau si vivant et chaud… On se déplace face à ces lettres et l’or vibre. Sans doute retrouve-t-on ici les sensations perdues, qui étaient celles de nos pères, des siècles passés, face à l’or. Jusqu’au XXe siècle, ce métal précieux, qu’il soit celui des trésors d’églises, ou des riches demeures, était éclairé à la lueur vibrante des cierges et bougies, ce qui n’a rien à voir avec l’éclairage électrique, artificiel et de luminosité constante, dont nous « bénéficions » à présent. Cette préciosité, d’emblée, nous installe dans l’esprit même de l’exposition.

- (M) Oui la Fondation Bettencourt Schueller célèbre ici avec une certaine somptuosité les vingt ans de la Fondation en faveur des métiers d’art, grâce aux talents de Laurent le Bon, commissaire de l’exposition, et d’Isabelle Cornaro, scénographe, qui ont divisé en quatre espaces le plateau de l’Orbe du Palais de Tokyo. Si nous entrions ?
 
- (SB) La première salle, en un prélude, réunit des collections de mains, sculptées, peintes, dessinées, moulées, photographiées, et je suis frappée d’être comme accueillie par deux reproductions peintes au XIXe siècle de la création d’Adam par Michel Ange. Une œuvre-phare qui, décontextualisée, parle toujours à notre époque, sous forme de logo pour nombre de publicités (Cf. l'article publié sur Narthex au sujet de la main de Dieu).

- (M) Isabelle Cornaro s’est inspirée des travaux de l’architecte Carlo Scarpa pour la mise en espace de la première salle, comme un cabinet de curiosités rassemblées à partir des collections des Beaux-Arts de Paris. Elles ont été créées pour l’enseignement des artistes du futur qui se forment toujours dans cette école, grâce à leur contact et à leur étude. Cette première salle est consacrée à l’intelligence de la main.

- Main et cerveau sont reliés : les déformations de l’une révèlent les désordres de l’autre, comme en témoignent les travaux de Charcot, ou de Paul Richer, présentés ici.

Anonyme, main droite de danseuse balinaise, (XIXe sc.) © Palais de Tokyo

- (SB) La plupart du temps, on ne perçoit pas consciemment le travail des scénographes d’expositions. Pourtant il est essentiel. Les différents plans, les décrochements, les cimaises décalées, conduisent le regard et la lumière est tamisée.

Tiens ! .. Une petite main médiévale est dessinée en marge d’un manuscrit pour en souligner un passage important, les créateurs de signes typographiques actuels ne l’on pas oubliée ! 
La promenade se poursuit par la deuxième salle qui présente, sous forme d’installations mises en scène de façon très esthétique, les outils de ces métiers d’art que nous voyons à l’œuvre : voici un métier de dentelliers, un métier à tisser, des moules de verriers et des outils de sculpteurs.

La lumière se fait plus vive dans la troisième salle où nous passons du geste aux œuvres. Elles dialoguent entre elles grâce à une savante scénographie établissant des correspondances de sens et de formes.  (photo)

Vue générale du troisième espace. © Palais de Tokyo

- (M) La dernière partie- nommée 'Constellation' - présente les organismes soutenus par la Fondation. La lumière est de nouveau ténue, des diaporamas citent les travaux des pionniers du cinéma ; et la musique, composée pour l’exposition, enveloppe doucement le spectateur.

- (SB) Cette exposition montre et démontre la porosité entre les métiers d’art et ce que l’on pourrait nommer le grand art. Il n’est pas possible de les citer tous dans la grande diversité de leurs créations (photo). Des verriers (Vermeulen), plumassiers (Nelly Saunier, Maxwell Wintrebert), doreurs (Frédéric Richard), créateurs de papiers peints (François-Xavier Richard), cirier (Mona Oren), céramistes (Wayne Fischer, Claude Aïello) … se font passeurs de savoirs et de formes. Ils mettent des savoir-faire ancestraux au service d’une création contemporaine fruit, le plus souvent, de collaborations, ainsi le fondeur David de Gourcuff s’est-il associé aux designers Aki et Arnaud Cooren. Ces collaborateurs n’ont rien à envier aux artistes de la Renaissance qui travaillaient en ateliers aux multiples compétences. Les mains jouent avec les matières et créent des formes, toutes belles, certaines, utiles, qui sont des emprunts, des traces mémorielles, ou encore des « carnets de voyage » selon l’expression de François-Xavier Richard.
Les frontières entre les arts s’estompent et le processus créatif conduit à faire mémoire -et il est passionnant d’en retrouver les fils -mais aussi à une floraison de sensations pour ceux qui sont en contact avec ces œuvres plurielles.

De g. à dr. Julien Vermeulen plumassier, Black Eole, 2019, et Illusion, sœur d’Icare (en collaboration avec Jean-Marc Ferrari, plasticien), Toguma, s. d. © Palais de Tokyo

S’il reste peu de jours pour voir cette exposition temporaire, il est possible de retrouver les œuvres de quelques-uns des artistes-artisans d’art dans l’espace du Toguna, ouvert sur demande, lors des « visites-éclair », par les médiateurs attachés au Palais de Tokyo. Jean de Loisy, lorsqu’il était président du Centre d’art du Parlais de Tokyo, désignait ainsi la vocation de ce lieu : « Le Palais de Tokyo montre des œuvres, mais c’est aussi un lieu où l’on vit des aventures. Un lieu de production d’art et de transmission des savoirs ». Merci à Elisabeth Orengo et à Anne Bergeret, nos délicieuses et patientes médiatrices d’un jour.

Sylvie Bethmont
Enseignante à l’Ecole cathédrale, Collège des Bernardins, Paris

Mes remerciements vont également à Amandine Legrand, de « L’art en plus », pour son aide à la visite.

Exposition « L’esprit commence et finit au bout des doigts » au Palais de Tokyo, 13 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris, jusqu'au 10 novembre 2019.

Ouvert de midi à minuit, tous les jours sauf le mardi.
Pour plus d'infos, voir le site du Palais de Tokyo

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