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Plein Sud : Joan Miró, « Au-delà de la peinture » à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence (06)

Publié le : 2 Août 2019
Joan Miró est un peu chez lui à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, aussi à l’aise dans les jardins que sur les cimaises. Pour son exposition estivale, celle-ci lui rend un vibrant hommage à la suite de la rétrospective présentée l’hiver dernier, au Grand Palais à Paris. De son œuvre graphique sont ici présentés quelque deux cents exemplaires - gouaches et encres inédites, plaques de cuivre, maquettes, affiches, gravures, lithographies originales, etc. - preuve de son intense activité artistique et de son exceptionnelle inventivité. A découvrir jusqu'au 17 novembre 2019.

Célébrés comme temple de l’art et de l’esprit par Malraux en son temps, les bâtiments  de la Fondation Maeght demeurent les gardiens de l’une des plus belles collections françaises privées de l’art du XXe siècle.

C’est toujours le même plaisir que de visiter la Fondation Maeght, à St Paul de Vence; sous les pins centenaires d’une colline verdoyante, les bâtiments érigés en 1964 par Josep Lluis Sert à la demande d’Aimé Maeght n’ont pas pris une ride : célébrés comme temple de l’art et de l’esprit par Malraux en son temps, ils demeurent les gardiens de l’une des plus belles collections françaises privées de l’art du XXe siècle. Si l’actuelle exposition séduit par la qualité des œuvres présentées, pour certaines inédites, elle captive surtout par la fraîcheur d’invention de Miró que l’on y redécouvre. Travailleur inlassable, l’artiste nous y associe au plaisir de son jeu, manifesté à travers les multiples déclinaisons de son oeuvre graphique. Ce faisant, elle procure au visiteur le sentiment d’être dans l’intimité de l’atelier, spectateur privilégié de l’œuvre en cours d’élaboration : « Il me faut un point de départ, ne serait-ce qu’un grain de poussière ou un éclat de lumière (...), une chose faisant naître une autre chose. Ainsi un bout de fil peut-il déclencher un monde » affirme-t-il, curieux de tout.

Miró RÉALISANT UNE EAU-FORTE, SAINT-PAUL de vence, 1973 © SCHEIDEGGER © Successió Miró, Adagp Paris 2019

Au spectateur, dès lors, d’accepter l’invitation de l’artiste à suivre ce fil pour découvrir son monde. Suivre le fil, ou plus exactement cette ligne noire qui, des débuts détaillistes de l’artiste jusqu'à ses immenses Bleus abstraits, n’en finit pas d’explorer l’espace, équilibrant le fond et le motif, opérant le lien entre couleur et graphisme. Fluide, la ligne se fait ténue lorsqu’elle serpente et ondule, tantôt constellation, oeil ou visage (Portrait de Miró, 1938), tantôt fleur, femme ou oiseau (Enfances, 1933).

Miró, Le Grand triptyque noir, cuivre © Successió Miró, Adagp Paris 2019

Plus dense, elle se stabilise parfois en points compacts et masses obscures, devient lourde ossature à laquelle s’ancrent les couleurs en d’infinies combinaisons (Le Grand Triptyque noir ou Le Matador, cuivre, gravure et maquette originales, 1969). Ainsi suit-on les expérimentations ludiques de l’artiste au gré des divagations du trait et des jubilations de la couleur. La jouissance de son œil et de sa main sont quasiment palpables - Miró ne peint-il d’ailleurs pas souvent au doigt ? Contaminé, le regard du spectateur n’a plus dès lors qu’à se laisser emporter : il parcourt l’espace au rythme de la ligne qui s'enroule et se déroule, relie les divers éléments de la toile avec elle, s’éveille aux couleurs vives rencontrées, cernées ou traversées, s’apaise aux tons plus subtils, s’arrête aux formes sombres pour chercher avec Miró un « au-delà de la peinture ».

Ce qui prime pour Miró, n’est-ce pas justement le fil conducteur qui relie l’ensemble de son oeuvre, en assure la cohérence, l’inventivité et la vitalité ?

Il faut bien sûr évoquer ici l’amitié avec les poètes, la passion de Miró pour l’imprimerie, la grande découverte du collage par l’art du XXe siècle, son souci constant de maîtriser et dépasser les techniques en jeux combinatoires, autant de sections délimitant les espaces de l’exposition. Mais plus que ces découpes artificielles, ce qui prime pour Miró, n’est-ce pas justement le fil conducteur qui relie l’ensemble de son oeuvre, en assure la cohérence, l’inventivité et la vitalité ?

Miró, Automobiliste à moustaches - maquette, 1973 © Successió Miró, Adagp Paris 2019

Mêlant sans cesse liberté et humour (Automobiliste à moustaches - maquette originale, 1973), il élabore son univers onirique, proche d’un surréalisme interprété de façon très personnelle, au moyen d’un vocabulaire singulier et poétique de formes inédites. Expérimentations de langage, de matières et de techniques combinent images, mots et idées au gré des rencontres et des découvertes ; ainsi ses essais graphiques commencent-ils en 1927, avec les huit pochoirs illustrant le recueil Il était une petite pie de Lise Hirtz, qui paraît l’année suivante.

Miró, Il était une petite pie, texte de Lise Hirtz, 1928 © Successió Miró, Adagp Paris 2019

Dès les années 30, l’artiste catalan apprend à maîtriser les outils et techniques de la gravure à l’eau-forte et à la pointe sèche, puis la lithographie en couleurs en 1947 pour le frontispice du catalogue de Maeght Éditeur, à l’occasion de l’Exposition internationale du Surréalisme. Porté par la politique novatrice d’édition d’Aimé Maeght, soucieux de toucher le plus grand nombre en « vulgarisant » l’art, il collabore également à sa revue Derrière le miroir, créée en 1946. Les années 1950 voient se développer le goût de l’estampe et donnent à Miró l’occasion de travailler avec l’imprimerie ARTE, créée par Adrien Maeght en 1964. Parallèlement les éditions de bibliophilie prennent de l’ampleur dans les années 1940, et Miró y contribue activement avec Tristan Tzara (Parler seul, 1948-50), Paul Eluard (A toute épreuve, 1958) ou Michel Leiris (Album 19, 1961; Fissures, 1969). Son unique souci : ne jamais brider son désir de créer.

Miró, Affiche de l'Exposition surréaliste à la galerie Maeght, 1947 © Successió Miró, Adagp Paris 2019
MIRÓ, illustration de Tristan Tzara, Parler seul, 1948-1950 © Successió Miró, Adagp Paris 2019

« M’exprimer sans entrave, d’un seul élan de l’esprit, sans être paralysé ni ralenti par une technique dépassée qui risquerait de déformer la libre expression et la pureté et la fraîcheur du résultat final », déclare à ce propos l’artiste. En cela, la manifestation estivale de la fondation Maeght atteint son but : le jaillissement créatif de Miró y surgit intact, comme nouvellement éclos, témoin d’un art qui n’a rien perdu de sa jeunesse ni de sa merveilleuse vivacité.

Odile de Loisy

Toutes les informations pratiques pour visiter l'exposition en cliquant ici.

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