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Geneviève Gallois : sous le voile, un regard mordant à l'affût du monde

Publié le : 10 Mai 2022
Une rétrospective de l’œuvre de Geneviève Gallois (1888-1962) est présentée du 10 mai au 3 juillet 2022 au château du Val Fleury, à Gif-sur-Yvette (Essonne). C’est l’occasion de découvrir le talent singulier de cette artiste, Marcelle Gallois, qui devient religieuse en 1917, sous le nom de Mère Geneviève.

Marcelle Gallois : le dessin humoriste

De g. à dr. : quatre oeuvres de Geneviève Gallois : La foule au cycliste, vers 1910, huile sur carton, collection particulière © T. Jacob ; Les étudiantes, entre 1907 et 1917, crayon et aquarelle sur papier, abbaye Notre-Dame de Fidélité de Jouques © A. Palayret ; La perche du trolley-bus, entre 1909 et 1917, encre et aquarelle sur papier, abbaye Notre Dame de Fidélité de Jouques © S. de Boisfleury ; Le bal populaire, 1914, pastel sur papier, collection particulière © T. Jacob

Mais où vont-ils tous, que regardent-ils ces personnages vus de dos ?

La carrière de Marcelle Gallois démarre en 1909. Elle a 21 ans et son père l’installe à Paris, après un passage éclair aux Beaux-Arts à Montpellier deux ans plus tôt. Il la confie à un ami de jeunesse, Léon Adolphe Willette, qui va l’aider à percer dans le dessin humoriste, un genre particulièrement développé au début du vingtième siècle. Très vite, elle expose dans les Salons et publie dans des revues satiriques.

Comme ces passants qui nous tournent le dos, Marcelle invite à observer le grouillement de la vie urbaine. Elle légende ses dessins des « bons mots » qu’elle a attrapés au vol dans la rue.

Geneviève Gallois, La bouche de chaleur, entre 1909 et 1917, encre et aquarelle sur papier, œuvre inscrite au titre des monuments historiques, abbaye Saint Louis du Temple de Limon, Vauhallan © A. Palayret

Est-elle, alors, anticléricale ? En tout cas, elle regarde avec curiosité et sans concession les travers de l’Église, elle se moque des bigotes, silhouettes revêches, qui hantent les environs des églises. Elle n’épargne pas non plus ces commères grasses, mains sur les hanches, lippe épaisse, spécialistes en jugements diffamants ou qui déclarent avec aplomb : « J'ai ce qu'y me faut, que ceux qui n'en ont pas en cherchent. »

Geneviève Gallois, J’ai ce qu’y m’faut, entre 1913 et 1914, encre et aquarelle sur papier avec rehauts de gouache, abbaye Notre Dame de Fidélité de Jouques ©PHILIPPE MARTIN 

Léon Adolphe Willette admire chez elle ses « excellents et terribles dessins » et ajoute qu’elle possède comme « son précurseur, Toulouse Lautrec » le don « de révéler combien le démon rend grotesques ceux qu’il tient en sa possession ».

(Lettre d’A. Willette à Marcelle Gallois, 27 nov. 1917, archives de l’abbaye de Limon)

Geneviève Gallois : la vie monastique

En 1917, coup de théâtre ! Avec la grande guerre, elle n’a plus cœur à se moquer ; elle écrit :
« Le dégoût de tout, le vide de tout, m’éclaboussait l’âme à chaque pas ». Marcelle franchit alors la porte des Bénédictines de la rue Monsieur à Paris. « Les yeux pleins de l’habit monastique, de ses plis magnifiques, de la Robe d’intégrité dont il revêt l’homme déchu, je ne pouvais plus voir sans rire, les colifichets, les plumets et les requimpettes des dames. » La beauté de la liturgie la bouleverse : « Ce n’était pas un pieux gazouillis de demoiselle. Ah non ! C’était une tornade qui balayait tout, on avait idée de se raccrocher à quelque pilier pour n’être pas emporté. » Elle devient sœur Geneviève et se plie à la règle de saint Benoît.

A la recherche de la ligne essentielle

Toute sa vie elle fuira les concessions, la médiocrité, les semblants, la langue de bois suave et vide.

Entière et intransigeante dans sa vie, elle l’est aussi en art.

Il ne s’agit pas, pour elle, de réaliser un « joli dessin » comme elle l’écrit, en 1942, à Paul Alexandre, son mécène depuis 1931 :
« Je crois bien qu’il y a la fainéantise devant l’énergique effort que demande un vrai dessin : le plongeon au fond de mon âme et la recherche de la ligne essentielle qui l’exprime. Quant à faire du dessin quelconque à l’eau de vaisselle, j’en ai horreur. »

Geneviève Gallois, Prêtre et diacres aux ornements verts, entre 1950 et 1962, gouache et encre sur papier préparé, œuvre inscrite au titre des monuments historiques, Vauhallan (91), abbaye Saint Louis du Temple de Limon ©Philippe Martin

Voyez comme elle ne cherche pas à plaire lorsqu’elle traite les visages de façon sculpturale, sans désir de flatter le réel. Peu de religieuses de sa communauté la comprennent !

Geneviève Gallois, La petite Espérance, entre 1917 et 1962, marron sculpté, abbaye Saint Louis du Temple de Limon, Vauhallan © F. Levrat 

« En regardant un de ses dessins, une de nos mères laissa retomber le papier en soupirant : et dire qu’elle nous voit comme ça ! »

Geneviève Gallois, Les sept péchés capitaux et un huitième, entre 1939 et 1962, encre sur papier, Vauhallan (91), abbaye Saint Louis du Temple de Limon © Philippe Martin

Après ses débuts dans l’atelier de paramentique de l’Abbaye bénédictine, elle va déployer son talent, au milieu du siècle, dans la gravure, l’imagerie, mais aussi les livres. Elle produit plusieurs séries de dessins remarquables sur la vie monastique et la messe, puis deux chefs-d’œuvres : le Via Crucis en 1950 et La Vie du petit saint Placide, publié en 1953.

Geneviève Gallois, Eau forte pour le Via Crucis : descente de croix, entre 1949 et 1950, abbaye Notre Dame de Fidélité de Jouques © S. de Boisfleury

Avec les vitraux de l’église du Petit Appeville puis de son abbaye à Limon, son dernier « travail », elle atteint un sommet de synthétisation et frôle la non-figuration :

« Je veux non pas une peinture immobile, mais un frétillement, un pépiement continuel. Le vitrail parle plus par la lumière qu’il capte que par le sujet même qu’il représente. Dans cette architecture aux lignes nues, il est un trou immatériel comme l’œil dans le visage, aussi mobile, changeant que l’œil est immobile. Voilà ce que je voudrais. »

Geneviève Gallois, Vitrail de l’ange du silence, 1957, abbaye Saint Louis du Temple de Limon, Vauhallan © François Levrat

Car il est comme le plain-chant que chantent les moniales sept fois le jour « d’autant plus beau qu’il se réduit à quelques notes. C’est dans cet esprit que je veux faire mes vitraux : mais quel travail de dépouillement de la pensée, de la forme qui ne garde plus du concret que l’indispensable pour se faire entendre. » explique-t-elle à son amie Emma Vollant en 1953.

Geneviève Gallois, La leçon de chant, entre 1942 et 1949, encre et gouache sur papier, œuvre inscrite au titre des monuments historiques, abbaye Saint Louis du Temple de Limon, Vauhallan © A. Palayret

Paul Alexandre, son mécène et ami, aurait voulu qu’elle soit la tête de file d’un mouvement
artistique et religieux dans les années 1950. Elle n’en aura ni le temps, ni le désir...

C’est le moment de découvrir, sans attendre, ce talent si original, au langage très actuel !

Anne Palayret

L’association des Amis de Geneviève Gallois, qui a effectué la muséographie de cette exposition, met un site à la disposition des visiteurs : LesAmisdeGenevieveGallois ; elle est également présente sur les réseaux sociaux (FB et Instagram).

Toutes les informations pratiques sur l'exposition Geneviève Gallois en cliquant ici

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