Ermites & ascètes de tous pays
Publié le : 25 Avril 2022Le dessin est d’une grande finesse et les couleurs d’une belle douceur. L’enluminure représente un yogi au pied de son ermitage, à l’ombre d’un arbre. L’ascète est replié sur lui-même dans la « posture de l’embryon ». L’œuvre, une gouache sur papier, date du tout début du XVIIe siècle et illustre un manuscrit sur les ermites yogis, magnifiquement intitulé « L’Océan de vie », dont le mécène fut un prince moghol.
Quelque soixante-dix autres œuvres – enluminures, peintures sur coton ou sculptures - sont déployées dans l’exposition que le Musée national des Arts asiatiques-Guimet, à Paris, consacre aux représentations d’ascètes, de yogis et de soufis dans l’art indien, du Xe au XIXe siècles. « La tradition de l’ascétisme en Inde remonte à Bouddha, au VIe ou au Ve siècle avant notre ère. Bien avant l’érémitisme chrétien », souligne Vincent Lefèvre, directeur de la conservation et des collections du musée, et l’un des deux commissaires de l’exposition. « Bouddha se retira d’abord du monde avant de suivre la « voie du milieu » et de fonder une communauté de moines errants. »
La tradition du yoga, qui a pris son essor dans le brahmanisme - la religion qui a précédé l’hindouisme -, n’est pas moins ancienne. Ascètes, les yogis ont développé des techniques mentales et corporelles, le yoga, qui les mettent en communion avec une « énergie divine ». Leurs postures très codifiées et en petit nombre à l’origine, sont au cœur de cette exposition. « Les représentations d’ascètes dans l’art indien renvoient à des courants et à des écoles, mais jamais à un personnage unique, comme dans le christianisme avec saint Jérôme ou saint Antoine, facilement identifiables grâce à leurs attributs iconographiques », explique Vincent Lefèvre. Exception faite d’un ascète, Gosain Jadrup (à la charnière des XVI et XVIIe siècles), peint aux côtés du prince Salim, le mécène de « L’Océan de vie », admiratif du vieux yogi.
La « visite à l’ascète » est d’ailleurs l’autre grand thème de l’exposition. « Empereurs, princes et notables indiens aimaient à se faire représenter en train de consulter un anachorète, analyse le directeur de la conservation et des collections. Les visiteurs en tiraient bien évidemment de précieux conseils de vie. Mais c’était aussi l’occasion de démontrer leur piété. Les souverains et mécènes chrétiens n’ont-ils pas, eux-aussi, toujours pris soin de figurer d’une façon ou d’une autre dans les peintures et les vitraux ? ». Autant pour le salut de leur âme que pour affirmer leur puissance.
Philippe Royer
Article paru dans Panorama, magazine de spiritualité du groupe Bayard : https://librairie-bayard.com/abonnement-panorama.html
« Yoga. Ascètes, yogis, soufis » au Musée national des Arts asiatiques-Guimet, à Paris (XVIe arrondissement) 01 56 52 53 00 - www.guimet.fr - jusqu’au 2 mai