De fil, d’or et d’argent
Publié le : 17 Janvier 2020
L’Angleterre, l’aire rhéno-mosane, la France, l’Italie et les Flandres occupent, chronologiquement et chacun selon des techniques spécifiques, les commandes des grands princes et prélats. On se trouve immergé dans ce monde luxueux où l’affirmation de soi, souvent exprimée à travers les œuvres monumentales, touche ici aux objets les plus intimes comme les aumônières, ces bourses portées à la ceinture.
Les pièces profanes sont toutefois plus rares que leurs consœurs à usage liturgique, qui nous plongent au cœur de la célébration. Alors que se multiplient les messes privées, le décor des chapelles fait l’objet de toutes les attentions des commanditaires et notamment l’autel, revêtu d’un antependium.
Mais c’est surtout la garde-robe liturgique du prêtre (dont le surnom « d’ornements » prend tout son sens) qui a laissé le plus de vestiges : bourse de corporal, chasuble, chape, aube, manipule, mitre ou encore sandale.
Un véritable inventaire de ce que l’on peut encore trouver dans les chapiers des églises paroissiales. La messe célébrée ad orientem incite les brodeurs à privilégier le dos des vêtements liturgiques, véritable support où se déploient des décors historiés apparentés au reste de la production figurée. L’exposition replace en effet la broderie dans le champ des peintres, qui fournissaient des cartons à l’instar de la tapisserie, du vitrail ou encore de la sculpture, mais qui pouvaient aussi directement peindre sur la toile.
La nature même de ces objets leur confère une grande malléabilité, et le parcours de l’exposition nous montre de manière très didactique comment la broderie d’application gagne du terrain au fil … des siècles. On assiste à de radicales transformations : ainsi l’ancien carapaçon de cheval brodé pour le roi Edouard III d’Angleterre, fut transformé en chasuble, étole, manipule et corporal avant d’être démontée par le musée de Cluny en 1939.
Après Mystérieux coffrets, le musée national du Moyen Âge nous propose encore une fois un sujet original, montrant l’étendue et la diversité de ses collections constamment enrichies. L’art de la broderie, la plupart du temps confiné dans les réserves en raison de sa grande fragilité, reprend sa place au rang des productions médiévales de luxe. On retient son souffle devant le raffinement de ces réalisations tant elles paraissent éphémères.
Caroline Blondeau-Morizot
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