Chronique de Noël (5/7) : « Aujourd’hui un Sauveur nous est né »

Alors que le XVIIème siècle préfère glorifier l’événement en représentant la Vierge découvrant ostensiblement le nouveau-né à la contemplation des bergers, Philippe de Champaigne adopte, dans cette œuvre, l’humilité et le silence de l’iconographie médiévale.
Publié le 24 décembre 2013

Philippe de CHAMPAIGNE, La Nativité – vers 1643 – Huile sur toile, 208 x 115 cm – Palais des Beaux-Arts, LILLE – © Cliché Palais des Beaux-Arts de Lille

La Vierge, les mains jointes, adore l’Enfant. Cette représentation appartient bien à cet héritage encore présent chez certains peintres flamands ou français.

La modestie du XVème siècle serait entière si la nuée d’anges et le rayonnement de l’Enfant – « reflet resplendissant de la gloire du Père » comme le dit la lettre aux Hébreux – ne venaient illustrer un nouveau discours pictural.

L’Enfant de Bethléem, adoré ici par la terre et les cieux, est à la fois et pas encore le Christ ressuscité qui, au soir de Pâques, cheminera avec ses disciples et se fera reconnaître à la fraction du pain. Dans l’entre-deux, un grand signe est donné : l’humanité de Dieu en Jésus.

Les amples drapés, le traitement des carnations et des matières, les riches couleurs témoignent de l’attachement de peintre à la tradition flamande. La sobriété de la composition et l’intériorité des expressions visent l’essentiel. La lumière qui irradie de chaque être donne à la scène tout son caractère sacré, renforcé par le halo surnaturel de l’ange annonciateur qui s’adresse aux bergers à l’arrière-plan gauche.

On en arriverait, contemplant cette Nativité, à fredonner « douce nuit, sainte nuit… » La lumière de Noël est une lumière pascale. Lorsque nous confessons que l’enfant de la crèche est le Fils de Dieu, nous affirmons que le Dieu qui naît de notre chair nous fait naître à sa vie divine.

Philippe de CHAMPAIGNE, La Nativité (détail) – vers 1643 – Huile sur toile, 208 x 115 cm – Palais des Beaux-Arts, LILLE – © Cliché Palais des Beaux-Arts de Lille

La tendance atticiste (l’atticisme étant un courant de la peinture classique française entre les années 1647 et 1660) de la peinture parisienne sous la régence d’Anne d’Autriche et la fréquentation du milieu janséniste à partir de 1646 feront évoluer Champaigne vers un style encore plus sobre, plus grave, toujours intérieur.

Philippe de CHAMPAIGNE, La Nativité (détail : les anges) – vers 1643 – Huile sur toile, 208 x 115 cm – Palais des Beaux-Arts, LILLE – © Cliché Palais des Beaux-Arts de Lille

La Nativité de Philippe de Champaigne nous aide à nous attacher au sens profond de la célébration de Noël, au-delà des aspects populaires de cette fête.

La Nativité du Christ est mystère plus vaste que la naissance de l’enfant Jésus. C’est la venue au monde de celui qui vient tout transfigurer, comme la lumière de ce tableau caresse, révèle et transfigure les couleurs et les visages des protagonistes.

Notre monde dans les douleurs de l’enfantement voit naître aujourd’hui un enfant qui entraine l’humanité, à sa suite, vers l’éternelle jeunesse du Royaume. Il nous est difficile, à nous qui ne voyons les anges qu’à travers les œuvres d’art comme celle-ci, d’accepter une telle merveille.

Que la grâce de Noël provoque en nous la mise au monde de l’homme nouveau ! Mettons nous, comme Marie et Joseph, à genoux, pour nous mettre à la hauteur de Dieu.

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