Symboles, attributs, guides, intercesseurs, êtres ambivalents ou maléfiques, cette faune issue des textes chrétiens et transcrite en œuvres n’a pas dit son dernier mot !
Le parcours de visite ainsi que le catalogue de l’exposition proposent aux visiteurs de replonger dans les collections du musée et de découvrir les prêts de ses partenaires, tout en s’amusant à identifier le rôle de chaque animal, réel ou légendaire.
La thématique du bestiaire est si riche qu’elle nous interroge sur les rapports entre animal et humain, réel et merveilleux, normé et monstrueux ainsi que sur l’évolution de cette perception dans l’art chrétien. Modestement, le Musée a souhaité apporter sa contribution à cette vaste réflexion et invite les visiteurs à repenser la place et le rôle des figures animales dans l’art sacré.
Une riche programmation autour de l’évènement est par ailleurs proposée durant toute la durée de l’exposition : conférences, visites guidées, visites au fil des contes pour les plus jeunes, ateliers créatifs… Retrouvez l’ensemble de ces animations sur le site www.musee-archerie-valois.fr
Informations pratiques
Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 14h à 18h
Tarifs : 5 €, réduit 2,5€. Gratuit jusqu’à 26 ans.
Visite guidée sur réservation
Visites guidées
29 juin, 13 juillet, 3 août, 21 septembre
Conférence
17 octobre : « Saint Hubert : une révélation » par Alicia Basso Boccabella, responsable du service des publics des musées de Senlis
Pourquoi s’intéresser au bestiaire de l’art sacré au Musée de l’archerie et du Valois ?
La raison est à puiser au sein des collections du Musée qui viennent illustrer de façon remarquable la statuaire du XIIIe siècle au XXe siècles dans les cantons de Crépy-en-Valois, Betz et Nanteuil-le-Haudouin. Un ensemble de près de 130 statues, pour la moitié inscrites ou classées au titre des Monuments historiques est ainsi présenté au public, réuni en un seul et même lieu et offrant des possibilités d’études, de comparaisons et d’interprétations quasi infinies. Des ornements et du mobilier liturgique viennent compléter ce corpus. Force est de constater que l’animal y est omniprésent, familier des récits et des légendes mais aussi des iconographies. Les créatures animales, littéralement « créées par Dieu », adoptent des formes et revêtent des fonctions différentes dans l’univers chrétien. L’une des questions majeures de cette exposition est justement de savoir quels rôles sont donnés à l’animal dans le récit biblique et, de fait, dans les représentations sacrées.
Revenons pour commencer sur la définition même du terme de « bestiaire ». Il est généralement admis qu’il s’agit d’une forme de traité recensant les propriétés des animaux, leurs caractéristiques physiques et éthiques. Présent dès la fin de l’Antiquité, c’est principalement à compter du Moyen Âge que ce genre littéraire connaît un plein développement. Ces écrits illustrent un positionnement ambivalent vis-à-vis de l’animal, considéré à la fois comme un être inférieur à l’Homme et en même temps doté de valeurs morales, empreintes de vertus ou de vices chrétiens.
Les textes religieux influencent d’ailleurs pour beaucoup les figurations, allant même jusqu’à instituer des stéréotypes, des canons iconographiques : les épisodes de l’Ancien comme du Nouveau Testament, les écrits des Pères de l’Église, des théologiens et des commentateurs viennent ainsi nourrir un imaginaire figuratif, puisant largement auprès des auteurs de l’Antiquité.
Un jalon essentiel est marqué au XIIIe siècle avec la diffusion de La Légende dorée (1261-1266) de Jacques de Voragine. Frère de l’ordre dominicain et archevêque de Gênes, Jacques de Voragine compile de nombreux écrits et se spécialise dans la narration de la vie des saints et des martyrs, depuis ceux de la fin de l’Antiquité jusqu’à ses contemporains. Il est ainsi l’auteur de près de cent cinquante hagiographies et participe au passage à la compréhension des principales fêtes religieuses en explicitant des épisodes de la vie du Christ et de la Vierge.
C’est dire si les sources d’inspiration sont nombreuse et fournie. Les bestiaires, bien que souvent illustrés de miniatures, ne sont pour autant pas les premières représentations animalières liées aux textes chrétiens et s’inscrivent déjà dans une tradition de plusieurs siècles qui perdure ensuite après eux.
Précisément, comment ces représentations évoluent elles ?
Tributaire de la tradition aniconique du judaïsme, le christianisme n’emploie réellement l’image qu’à partir du IIIe siècle. Les premières iconographies chrétiennes puisent naturellement dans des sources proches, héritées des cultures de l’Antiquité méditerranéenne, et doivent affronter une forme première de clandestinité.
Rien d’étonnant à ce que les représentations animales semblent alors être une pure transcription du monde païen mais aussi de discrets signes de foi. Ces symboles sont bien souvent polysémiques : ils font référence à des épisodes bibliques connus des chrétiens tout en s’inscrivant dans un contexte contemporain plus littéral. Le poisson, le paon, l’agneau, le lion, la colombe sont autant d’images qui permettent d’éluder la représentation divine tout en évoquant une lecture intime pour les initiés.
L’évangélisation des provinces de l’ancien Empire romain est ensuite un puissant moteur de développement artistique. Afin de répandre la foi chrétienne tout en s’inscrivant dans des contextes culturels locaux : architecture, mobilier funéraire, manuscrits se voient alors ornés d’un foisonnement de végétaux et d’animaux, aussi décoratifs que réellement signifiants.
Le Moyen Âge représente indéniablement un âge d’or figuratif avec la diffusion des écrits par les clercs et les copies ornées de manuscrits. Toute une zoologie médiévale, constituée d’animaux réels ou de créatures fantaisistes voire monstrueuses vient emplir les supports, qu’ils soient religieux ou non : bibles, hagiographies mais aussi cartes et récits de voyage. Le rapport à l’animalité y est pluriel, à la fois quotidien et fantasmé, pragmatique et symbolique, bien souvent ambivalent. Au fil des siècles, l’interprétation des textes et l’imaginaire collectif influencent les partis pris artistiques.
Après les styles grotesques et maniéristes de la Renaissance puis le rationalisme du siècle des Lumières, l’esprit scientifique du XIXe siècle met un frein à une certaine digression artistique, conceptualisant différemment les représentations animales dans la sphère du sacré. Ces dernières témoignent ainsi de l’évolution du discours théologique lui-même, sans pour autant faire taire la réinterprétation esthétique chez les adeptes des courants romantiques et symbolistes. Le bestiaire de l’art sacré est ainsi fortement réinventé et popularisé au XIXe siècle, à l’exemple des hybrides et des animaux fantastiques peuplant le château de Pierrefonds rêvé par Eugène Viollet-le-Duc.
La thématique du bestiaire est si riche qu’elle nous interroge sur les rapports entre animal et humain, réel et merveilleux, normé et monstrueux et sur l’évolution de cette perception dans l’art chrétien. Modestement, le Musée de l’archerie et du Valois a souhaité apporter sa contribution à cette vaste réflexion en l’illustrant d’œuvres puisées dans ses collections et enrichies des prêts de ses partenaires.
(source : dossier de presse de l’événement)