Expo : La trace et le souffle - Najia Mehadji au musée d'art moderne de Céret (66)
Comment l’artiste peintre franco-marocaine Najia Mehadji va-t-elle procéder pour que les parois d’inscription de ses toiles se transmuent en source d’espérance ?
Entre Orient et Occident, entre artiste femme minoritaire et subjectivité libre émergeant au XXIe siècle dans l’art contemporain planétaire, entre sensation et affect, entre substance et devenir, comment expérimenter l’Ouvert qui échappe, en principe, à toute intelligibilité ?
Elle va d’emblée privilégier la toile brute parce qu’elle est en quête du primordial. Elle choisira d’explorer la perception sensible de la chair et la démarche prospective de l’esprit en se limitant sciemment au noir, au blanc, ou à une ou à deux couleurs fondamentales, qu’elle considère nécessaires parce qu’optimisant la tension énergétique de ses pôles. En rupture avec la technique conventionnelle de la peinture classique occidentale, puisque l’œil touche et que la main voit, elle optera pour des outils à la fois plus rudimentaires et plus tactiles que ceux ordinairement utilisés : la baguette de balsa, de gros fusains, d’épais sticks à l’huile, le large pinceau coréen, le gesso (la couche préparatoire blanche dont on enduit la toile), les expansions optiques de couleur pure, les lenteurs et les vitesses du flux scopique seront, selon les séries, tour à tour convoqués.
La sublimation n’est pas un vain mot. Dans ses séries Volute, Drapé, Spring Dance, Arabesque, Mystic Dance, Vague, les plis et les déplis des affects qui pulsent, leurs ondoiements, leurs arêtes, leurs plans de densité et leurs expansions efflorescentes, leurs multiplicités sensorielles et leurs voies jubilatoires, trouvent le lieu et la formule de ce qui, en nous, perdure. Le tracé orthogonal est devenu courbe et contre-courbe, la ligne projection du plan, l’entrelacs et les enroulements, les volutes et les vagues s’éploient, le lisse et le strié s’y innervent, le noir, le blanc, le rouge, le bleu sont autant de variations tactiles qu’optiques –, la lumière, une source vive.
Que ce soit une femme qui, dans ses œuvres, relie les pôles opposés en une dynamique créatrice n’est peut-être pas totalement un hasard. Captant le naissant, ce qui est encore à naître, Najia Mehadji surmonte notre dualité (la conscience que nous sommes vivants mais pourtant voués à la mort), en optant pour ce qui nous réconcilie avec nous-mêmes et autrui, avec l’ici et l’outre-monde. Elle nous donne à voir en partage l’unité symbolique de notre espérance.
- Pascal Amel, romancier, écrivain d’art, co-fondateur de la revue Art Absolument.
Informations pratiques
Exposition "La trace et le souffle" - Najia Mehadji au musée d'art moderne de Céret, 8, Bd Maréchal Joffre, 66403 Céret
Jusqu'au 4 novembre 2018
Horaires d'ouverture
Du 1er juillet au 30 septembre : ouvert tous les jours de 10 h à 19 h.
Le reste de l'année : ouvert de 10 h à 17 h, fermé le lundi.
Tarifs - Collection permanente + exposition temporaire :
Plein tarif : 8 euros
Tarif réduit : 6 euros
Gratuit jusqu'à 12 an