Événement

2 regards sur la passion du Christ Castel Gandolfo 2025

05
avril
au 07 septembre 2025
Palais Papal de Castel Gandolfo
Rome
A l’occasion de Pâques et jusqu’au 7 septembre 2025, au Palais Papal de Castel Gandolfo, la Direction des Musées et des Biens Culturels, en collaboration avec la Direction des Villas pontificales, présente l’exposition « BELLINI AND SODOMA. Passion of Christ » (Bellini et Sodoma. Passion du Christ).

Organisée par Fabrizio Biferali, Conservateur du Département de l’Art des XVe-XVIe siècles  des Musées du Vaticcan, l’exposition de cette saison propose, par la confrontation de deux  œuvres, de nous faire méditer sur le mystère du sacrifice rédempteur du Christ.

Il s’agit d’abord de remettre en lumière deux oeuvres de deux maîtres de la Renaissance  italienne : la cimaise du retable de l’Eglise franciscaine de Pessaro, par le vénitien Bellini, et  un tableau de l’archiconfraternité de Santa Maria dell Orto à Rome, de son cadet le siennois  Giovanni Bazzi, dit Sodoma.

La puissance des images permet d’enrichir la méditation sur le thème de la Passion du Christ,  cœur de la tradition chrétienne et symbole du sacrifice de Jésus pour la rédemption de  l’humanité. La comparaison des deux œuvres, que propose l’exposition, apporte, de plus,  une lecture originale sur ce thème.

Entre 2021 et 2023 le site Vatican News présentait une rubrique : « L’Art qui console », visant  à présenter les chefs d’œuvre des collections pontificales accompagnés par les paroles des  Papes. On pouvait y voir déjà le tableau de Bellini associé à une citation de St Jean Paul II sur  la Résurrection.

Nous proposons de découvrir ici comment une contemplation conjointe de ces deux tableaux  à la lumière de la théologie du corps résonne encore plus fortement avec les paroles de ce  Pape et même avec celles de son successeur.

Lamentation sur le Christ mort avec les saints Joseph d’Arimathie, Nicodème et Marie Madeleine, par Giovanni Bellini (1427-1516), vers 1475. © Musei Vaticani

Cette huile sur toile réalisée vers 1475 comme pieta au-dessus d’un retable figurant le  couronnement de Marie, représente le moment où Marie Madeleine, Joseph d’Arimathie et  Nicodème préparent le corps du Christ avant son ensevelissement (Jn, 19, 38-42 et Mt 27, 57- 61).

Observez la carnation du visage du Christ par rapport à celui des personnages. Le teint est  verdâtre, la mort fait son œuvre, le corps est cadavre.

Observez également le mélange d’abandon et de raideur du corps du Christ. L’épaule et les  mains, comme l’œil clos disent la résignation obéissante, passive. Le nez et le menton tendus  vers le haut suggèrent la révulsion face à la fin de la vie.

L’homme, mort, est au plus bas de sa condition; il va descendre au tombeau sous le regard  grave, éploré mais aussi pudique des trois vivants qui le surplombent. La lumière diurne de  ce ciel bleu éclaire crûment la tristesse de la scène. Les paupières voilent le regard face au  mystère incompréhensible et à la désolation de la chair, seule visible.

Qu’est-ce que la Foi permet d’attendre ?

Le Christ mort, vers 1505 Giovanni Antonio Bazzi, dit Sodoma (1477-1549)

Ce tableau-ci, également une huile sur toile, réalisée 30 ans après la Lamentation sur le Christ  mort, pour la méditation privée, montre le corps du Christ soutenu par quatre anges.

Observons le contraste fort entre le noir du fond ou de certains vêtements et le blanc laiteux,  quasi rosé, lumineux, des corps.

Observons les visages des anges : ils sont très peu modelés, ce sont des êtres spirituels, leurs  corps sont de simples images. Au contraire celui du Christ présente des muscles comme  encore palpitants. Le sang coule vif de la plaie au côté et de la main. Dans le visage, les  narines pincées et la bouche entr’ouvertes évoquent le sommeil.

Les cuisses tirées du tombeau sont grises mais le thorax et le visage, soutenus par ce concert  d’anges qui intercède, sont d’ivoire : la vie spirituelle ne meurt pas avec le corps mortel, elle  attend, portée par la communion des âmes, la résurrection.

Dans le noir mystérieux du tombeau, les yeux spirituels, eux, comprennent : au-delà de la  mort, avec le Christ, demeure la Vie.

Ces deux tableaux ne sont pas des scènes réelles, mais ils manifestent la fécondité des  œuvres conçues en esprit.

Le premier, de Bellini, est une reconstitution imaginaire car les trois personnages autour du  Christ ne sont mentionnés en même temps dans aucun des quatre évangiles pour le passage  sur l’ensevelissement. Pourtant, leur présence conjointe donne une grande intensité  dramatique et symbolique à la scène : Joseph d’Arimathie, le juste, tient le Christ dans ses  bras. Nicodème, le sage qui avait reçu la révélation du baptême de l’eau et de l’Esprit pour  renaître d’en haut, tient le vase contenant l’huile pour l’onction d’embaumement. Marie Madeleine, la grande pardonnée et la grande aimante, oint les mains du Christ avec  affection et recueillement.

Faisant comme un berceau de leurs corps autour de celui du pauvre homme mort, il  l’enfouissent déjà dans leur compassion respectueuse. Ici se noue, par les liens du cœur, la  sur-vivance de ce défunt dont le message et la présence les a tous marqués à jamais. Il faut  maintenant aux trois restants vivre avec cette énigme et espérer que ses promesses se  réaliseront. Bellini nous raconte l’histoire de nos propres séparations d’avec les vivants que  nous avons profondément aimés.

Le second tableau ne met en scène aucune histoire relatée auparavant. Allant plus loin que  l’imagination, il nous propose une sorte de compréhension mystique de la mort, qu’il nous  fait comprendre comme un passage, de la vie terrestre à la vie éternelle. Les anges sont quatre, comme les quatre points cardinaux, signe du Cosmos, pour soutenir  l’Unique, l’Homme-Dieu qui est entré dans la mort pour sauver l’Humanité. Leurs têtes, avec  leurs yeux en larmes ou extatiques et leurs ailes animées par la couleur font comme une  présence vibrante spirituelle qui manifeste l’intensité de l’esprit du personnage qu’ils  entourent. Ce grand corps blanc transpercé, tordu par la douleur est celui d’un agneau offert  en sacrifice, mais ces quatre silhouettes aux riches vêtements, qui soutiennent et  réconfortent au premier plan, qui contemplent et implorent vers plus haut qu’eux au second  plan, disent que la mort ne supprime pas les liens d’identité, le lien suprême de la créature  avec son Créateur. Bazzi nous fait espérer, par la foi, l’entrée de ceux qui sont restés fidèles  à la volonté du Père dans la vie éternelle, à la suite du Christ qui les précède ici. Par cette vision, il nous offre un viatique pour les moments où nous affrontons à notre tour  la conscience de l’arrivée, un jour, de notre propre mort. Saurons-nous croire que nous ne  serons pas seuls face à elle ?

« Il faut certes passer à travers la mort, mais désormais avec la certitude que nous  rencontrerons le Père lorsque  » cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet  être mortel aura revêtu l’immortalité « . Alors on verra clairement que  » la mort a été  engloutie dans la victoire  » et on pourra l’interpeller avec une attitude de défi, sans peur:  » Où  est-elle, ô mort, ta victoire? Où est-il, ô mort, ton aiguillon?  » »

Saint Jean-Paul II, audience générale du 2 juin 1999.”

« les artistes et les hommes de culture sont appelés à être les témoins de la vision  révolutionnaire des Béatitudes, leur mission n’est pas seulement de créer de la beauté, mais  de révéler la vérité, la bonté et la beauté enfouies dans les plis de l’histoire, de donner une  voix aux sans-voix, de transformer la douleur en espérance ».

Pape François Homélie du 16 février 2025 à l’occasion du Jubilé des artistes, retranscrite par Vatican News.

 

Ariane de Medlege

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