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Sous les toits des Cathédrales

Depuis le 31 mai et jusqu’au 28 septembre le cloître de la cathédrale de Fréjus accueille une exposition consacrée à la commande photographique passée à huit photographes et consacrée aux charpentes et aux combles des cathédrales appartenant à l’État (1).
Publié le 30 juin 2025
Écrit par Françoise Paviot Co-directrice de la galerie Françoise Paviot

Cathédrale de la Sainte-Trinité de Laval, comble de la nef vu depuis le nord-ouest, au niveau de la première travée © François Lauginie / Ministère de la Culture/ Centre des monuments nationaux/ Médiathèque du patrimoine et de la photographie

La photographie, mémoire et conservation du patrimoine

Quand en 2023 le Centre des monuments nationaux (CMN) organise, à la demande du ministère de la Culture et en lien avec la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), une campagne photographique sur les combles des cathédrales, il renoue avec l’esprit de la première commande passée par une administration à des photographes en 1851 : la Mission héliographique. À la suite de la Révolution française apparait la notion de patrimoine et la nécessité d’en préserver la mémoire. La photographie qui avait vu officiellement le jour en 1839 va vite être considérée comme inégalée pour reproduire la réalité. C’est pourquoi la toute jeune Commission des monuments historiques organise un recensement photographique des principaux monuments français avant leur restauration. C’est ainsi que la photographie d’architecture fait son apparition et se substitue aux recueils de dessin.

Cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence, comble de l’abside en direction du chœur © Clément Guillaume / Ministère de la Culture/ Centre des monuments nationaux/ Médiathèque du patrimoine et de la photographie

Après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, des mesures ont été décidées pour renforcer la sécurité des 87 cathédrales propriétés de l’État, dont celle du cloisonnement des combles pour permettre de mieux maitriser les incendies. On peut définir un comble comme la construction qui surmonte un édifice et en supporte le toit. Ces travaux, dont certains avaient déjà commencé, allaient cependant modifier l’espace dans son état initial, d’où est apparue la nécessité d’en conserver la mémoire. À la suite d’une consultation, huit photographes ont été sélectionnés et chargés chacun des cathédrales situées dans la région qui leur avait été confiée(2). Pour préserver au mieux l’exactitude documentaire de ce dernier témoignage visuel avant transformation, des axes de prise de vue bien précis ont été demandés mais liberté aussi a été laissée aux photographes de faire des images de leur choix. À bien y regarder, les deux points de vue ne sont pas si éloignés : réaliser des documents, aussi objectifs soient-ils, reste toujours le fruit d’une construction.

Cathédrale Notre-Dame d’Évreux, comble sud, vue vers la croisée du transept © Pascal Lemaître / Ministère de la Culture / Centre des monuments nationaux / Médiathèque du patrimoine et de la photographie

Des photographes à l’œuvre 

Les huit photographes qui ont été choisis pour travailler dans les combles des cathédrales sont des professionnels, familiers des travaux de commande, et plus particulièrement dans le domaine du patrimoine et de l’architecture. Ils collaborent ou travaillent régulièrement avec des institutions dont on ne connait pas toujours les actions et les richesses documentaires. Tous ont ressenti comme un privilège de pouvoir pénétrer dans des lieux quasiment secrets et à être les derniers à les voir dans toute leur intégrité. Pénétrer, souvent seul, dans des espaces plongés dans la pénombre, poussiéreux et silencieux s’est révélé une expérience impressionnante. C’était comme pénétrer dans le ventre de la baleine dira l’un d’entre eux.

Cathédrale Saint-Dié de Saint-Dié-des-Vosges, comble de l’abside, détail de la partie basse de la charpente en béton et des extrados © Laurent Kruszyck / Ministère de la Culture / Centre des monuments nationaux / Médiathèque du patrimoine et de la photographie

Une seule journée de travail était prévue par cathédrale et il a fallu très vite passer à l’action. Se déplacer dans l’espace a souvent tenu de l’exploit sportif, repérer avec exactitude les axes de prise de vue demandés n’a pas été sans mal. Tous ont travaillé avec des appareils numériques mais de grand format, placés sur un pied en raison des temps de pause de plusieurs secondes à quelques minutes pour pallier l’absence parfois totale de lumière. Chacun a eu sa méthode pour éclairer les lieux : des leds ou des lampes torche utilisées comme des pinceaux pour balayer les zones d’ombre. Les grandes vues en perspectives sont devenues la précieuse mémoire des espaces, les plans rapprochés ont transformé l’enchevêtrement des charpentes en abstractions géométriques, les vues en plongée ou en contreplongée ont révélé le savoir-faire de la main des bâtisseurs. Il fallait rester fidèle à la commande, mais chacun a su apporter à la pertinence documentaire de son appareil l’intelligence de son regard.

Cathédrale Saint-Étienne de Cahors, comble du beffroi, vue en contre-plongée de la charpente de la passerelle sud © Patrick Tourneboeuf /Tendance Floue / Ministère de la Culture / Centre des monuments nationaux / Médiathèque du patrimoine et de la photographie

Françoise Paviot, Commissaire de l’exposition

« Il n’y a pas de cathédrale sans évêque, ni sans diocèse » (2)

Les textes de cet article , ainsi que les interviews des huit photographes et la mise en page de nombreuses photographies, ont été conçus pour Le Petit Journal publié à l’occasion de cette exposition par le CMN.

La cathédrale est une église, mais une église qui se distingue parmi tous les lieux de culte de l’Église catholique. Elle est l’église principale d’un diocèse, qui est une circonscription ecclésiastique placée sous la juridiction d’un évêque ou d’un archevêque, et à ce titre elle abrite la cathèdre, qui est le siège (appelé aussi trône liturgique) réservé à l’évêque, d’où son nom.

En France, le nombre de diocèses a varié au fil des siècles et des soubresauts de l’Histoire. À la veille de la Révolution française (1789), l’on en comptait un peu de plus de 140, et donc autant de cathédrales. Le Concordat, accord signé entre le pape Pie VII et Napoléon Bonaparte en 1801, fixe le nombre de diocèses à 52, nombre qui sera sensiblement augmenté sous le règne de Louis XVIII, pour faire correspondre peu ou prou la carte des diocèses et celle des départements. Comme tous les biens de l’Église, les cathédrales ont été « mises à la disposition de la Nation » par le décret des 2 et 4 novembre 1789 de l’Assemblée Nationale ; par la suite, suivant un avis du Conseil d’État, il a été considéré que les cathédrales demeurées siège épiscopal étaient propriété de l’État, alors que les églises paroissiales, dont les anciennes cathédrales, étaient propriété des communes. Les cathédrales de Savoie et de Nice deviennent à leur tour propriété de l’État français lors du rattachement de ces territoires italiens à la France, sous le Second empire.

La loi de séparation des Églises et de l’État, adoptée le 9 décembre 1905 (puis les lois complémentaires de 1906, de 1907 et de 1908), est le dernier grand bouleversement qui affecte la gestion des cathédrales. Cette loi met fin au Concordat et acte la neutralité de l’État vis-à-vis des cultes dans la France d’alors. Les cathédrales propriétés de l’État sont depuis « affectées à l’exercice du culte catholique » au sens de cette loi, à l’exception des cathédrales d’Alsace-Moselle, dépendant de l’empire allemand jusqu’en 1918, et pour lesquelles le Concordat de 1801 a été maintenu après leur restitution à l’État français. 

Le décret du 4 juillet 1912 a affecté 83 cathédrales appartenant à l’État  au secrétariat d’État aux Beaux-Arts, auquel a succédé le ministère de la Culture. Elles seront rejointes ultérieurement par les cathédrales de Basse-Terre, de Metz, de Saint-Denis-de-la-Réunion et de Strasbourg. Elles sont toutes classées au titre des monuments historiques. 

Les cathédrales ayant perdu leur statut de siège épiscopal avant la Révolution (Noyon, Senlis, Tréguier…) sont la propriété des communes ; il en va de même pour les églises construites avant 1905 et érigées en cathédrales au XXe siècle (Pontoise, Le Havre). La collectivité de Corse est propriétaire de la cathédrale d’Ajaccio. À l’exception de celles de Basse-Terre et de Saint-Denis-de-la-Réunion, les cathédrales d’Outre-Mer sont propriété de collectivités territoriales. La cathédrale Saint-Louis des Invalides, siège du diocèse aux Armées françaises, appartient à l’État, mais est quant à elle affectée au ministère des Armées. Citons enfin les cathédrales de Lille (basilique privée en 1905, devenue cathédrale en 1913) et d’Évry (construite de 1992 à 1995), qui appartiennent toutes deux à une association diocésaine et ne relèvent donc pas de la sphère publique.

Le complément a été rédigé par Laurent Bergeot Chef du département des Ressources documentaires au CMN.

 

Notes

  • (1) Visiter le site de l’exposition
  • (2)  Olivier Poisson, « Diocèses et cathédrales », dans 20 siècles en cathédrales sous la dir. de Catherine Arminjon et Denis Lavalle, Paris, Éd. du patrimoine, 2001, pp. 337-346.
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