En effet, ces églises construites dans les années 1960 et plus, apparaissent comme si elles venaient d’être construites, d’une part parce qu’elles n’ont pas subi les avatars du vieillissement ni par les changements aléatoires que nous avons l’habitude de constater dans beaucoup d’églises, que nous connaissons, d’autre part, elles illustrent bien la richesse et la créativité qui existent dans tous les domaines à Berlin.
L’église de la Réconciliation
Eglise construite par les architectes Reitermann et Sassenroth sur la « ligne morte » du mur en 1991. La paroi extérieure, en lamelles de bois verticales, laisse place à un passage le long du corps même de l’église en torchis. L’intérieur, pièce communautaire ovale, est sobre avec un éclairage unique venant d’en haut. L’ensemble peut être diversement apprécié à cause d’une impression d’abandon, de désolation qui se dégage de cette église isolée dans un terre plein. (Le no man’s land du mur).
La chapelle de la Conférence épiscopale.
C’est une chapelle rectangulaire, ses murs en béton coloré sont rainurés et percés de fentes étroites, de plus en plus nombreuses dans la partie supérieure. L’éclairage indirect ne provient pas de ces ouvertures garnies de verre dépoli mais du plafond surbaissé, posé sur 4 piliers d’angle. Le mobilier est à l’unisson : pur et sobre, l’autel en granit, travaillé de la même façon que les murs.
Eglise du Souvenir
Près du parc de Tiergarten, à côté des ruines du beffroi de l’église du Souvenir Kaiser-Wilhelm, se dresse une église octogonale selon un projet d’Egon Eiermann, 1961 et dont les vitraux ont été réalisés par Gabriel Loire. Sur les 7 côtés et sur toute la hauteur se dressent des pans entiers de petits vitraux bleus cloisonnés et repris en grandes fenêtres formant un carré.
En entrant, la première impression ressentie est l’obscurité, lumière bleu nuit qui enveloppe tout. Puis peu à peu, de cette masse sombre surgissent des détails, des bouquets de couleur plus pales, rouges, jaunes. Une bordure en haut des vitraux et presque verte, court tout autour des 7 côtés. On se sent enveloppé par cette masse bleue mouvante, apaisante qui vibre et murmure doucement. Un grand Christ doré de Karl Hemmeter flotte au-dessus de l’autel. En sortant, on est presque surpris par tant de luminosité, dans ce lieu d’abord si sombre.
© E. Fleury et R. Moineau
L’église Maria Regina Martyrum
L’église, construite en 1963 par H.Schädel près de la prison de Plötzensee, jouxte un Carmel. Une grande cour, lieu de séparation de l’église avec son entourage laïc accueille un chemin de croix sculpté de O.H.Hajek qui court sur le mur intérieur de la cour.
Dans l’entrée de l’église, c’est par un grand escalier, reflet de l’ascension par la prière, que nous pénétrons dans la nef. Rectangulaire, en béton gris et sans ouverture, elle pourrait être étouffante s’il n’y avait derrière l’autel un triptyque couvrant toute la largeur. C’est tout imprégné de ce lieu particulier de Plötzensee, où furent exécutées continuellement des condamnations à mort sous le régime hitlérien, que Meistermann répond par cette fresque.

On y sent l’évocation d’un autre monde par un espace ouvert, aux couleurs et formes contrastées. On est happé par le mouvement, des clairs en apparition, en transition dans cette fresque mystérique (1). La faucille, outil de la moisson, des récoltes, est une métaphore de la fin du monde, du Jugement Dernier, où Dieu décide de la fin et non l’homme. Au centre, l’agneau est une allusion au livre de l’Apocalypse. C’est un appel à un Dieu non violent qui ne juge, ni ne condamne, ni ne sépare les bons des méchants.
L’artiste a voulu peindre ce qu’il ressentait comme un condamné à mort, son monde intérieur écrasé, déchiré et explosant. Mais avec parallèlement, l’apparition d’une prophétie, d’une promesse positive, porteuse d’espérance.
Eglise protestante de Charlottenbourg
Autre artiste, autre création dans l’église protestante voisine où Hrdlicka met en scène, en 5 tableaux disposés autour de la salle de prière carrée, la mort dans la tradition des danses macabres du Moyen-Age. Il met en parallèle des scènes de la Bible avec des situations contemporaines et en lien avec Plötzensee : Caïn et Abel et des scènes de violence quotidiennes ; Jean-Baptiste décapité et des crochets d’exécution, une guillotine; la Crucifixion avec les deux larrons et la persécution des minorités ; une scène de prisonniers. L’artiste, avouant son incapacité à peindre la Résurrection, a voulu donner une note d’espoir dans le 5ème tableau : le partage du pain avec les pèlerins d’Emmaüs.
Elles sont toutes traitées sur bois, au charbon et peu d’ocre, très violentes et difficilement supportables. Le pasteur interrogé, avoue d’ailleurs que les mariages et les baptêmes se célèbrent dans une autre église de la paroisse car ces scènes sont inamovibles. On ressort de cet espace de prière, un peu chancelant, comme sonné par tant de violence en coup de poing.
Chacun de ces 5 espaces de prière a un parti pris différent et évoque à sa manière le mystère chrétien. Il n’en demeure pas moins que ces églises sont toutes restées dans la pureté de leur conception : pas de rajouts postérieurs, de fioritures supplémentaires qui distraient et viennent surcharger l’essentiel et « décorer ».
Valérie Pezé
Septembre 2009
Association Spiritualité et art
Notes :
1. Le génie chrétien du lieu de F. Debuyst, éd. Du Cerf.
Adresses :
– La réconciliation : Bernauer Strasse, Berlin
– La chapelle de la conférence épiscopale : Hannoversche Strasse, Berlin
– Willhem Kaiser Kirche : Breitscheidplatz, Berlin
– Regina Martyrum : Heckerdamm 232, Charlottenburg, Berlin
– Evanelisches Gemeindezentrum Plötzensee, Heckerdamm, Charlottenburg, Berlin