C’est exactement ce que l’exposition Le trésor des trésors, le Sacré-Cœur dans l’art au Musée du Hiéron de Paray-le-Monial cherche à rappeler. « Nous avons choisi d’explorer la richesse de l’iconographie depuis les premières images conçues sous la direction de Marguerite-Marie Alacoque (1) jusqu’au renouveau de l’art sacré avec Maurice Denis, en passant par l’art contemporain », explique Maud Siron, directrice du musée et commissaire de l’exposition.

L’année 2025 offre un cadre symbolique unique : le 350ᵉ anniversaire des apparitions du Christ à Sainte Marguerite-Marie Alacoque et les 20 ans de la réouverture du Hiéron. Deux jalons qui se répondent et donnent à cette exposition une portée ambitieuse.
Des mystiques anciennes aux révélations de Marguerite-Marie Alacoque
L’exposition remonte aux sources de l’iconographie du Sacré-Cœur lorsque, dès le XVIe siècle, Sainte Gertrude ou Sainte Mechtilde évoquaient déjà des expériences d’échanges de cœurs.

Près d’un siècle avant Marguerite-Marie Alacoque, des gravures largement reproduites montrent l’image d’un cœur associé au Christ.

Les apparitions du Christ reçues par la sainte à Paray-le-Monial entre 1673 et 1675 l’amènent à décrire plus précisément ses visions, aidée par son confesseur le père jésuite Claude de la Colombière. Naîtront alors des représentations figuratives dont une précieuse peinture sur vélin présentée dans l’exposition. « De son vivant, Marguerite Marie Alacoque connaît les images anciennes du Cœur de Jésus, en approuve certaines, en fait faire sous son contrôle et en réalise elle-même », rappelle Maud Siron.

Après la mort de la sainte, des ouvrages illustrés de gravures sont rédigés par Monseigneur Languet, le Père Croiset ou Joseph de Galliffet. Ils contribuent à diffuser la dévotion au Sacré-Cœur dans les ordres monastiques et dans la haute société. Un changement iconographique apparaît dans les gravures, avec un cœur qui devient anatomique et réaliste. Le titre de l’exposition reprend justement celui d’une gravure du XVIIIᵉ siècle : Le trésor des trésors, figurant les cœurs de Jésus et de Marie, prémices d’une dévotion nouvelle.

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L’art des monastères et le dialogue avec la création contemporaine
Diffusées depuis la Visitation de Paray-le-Monial, la dévotion au Cœur de Jésus devient une source inépuisable d’inspiration pour les humbles créatrices des ordres monastiques féminins. L’exposition dévoile un ensemble remarquable des collections Trésors de Ferveur et du Musée de la Visitation de Moulins-sur-Allier : peintures, canivets, broderies, reliquaires en paperoles.

Ces créations du passé trouvent un écho direct dans l’art moderne et contemporain. Mère Geneviève Gallois (1888-1962), peintre et moniale, réalise des dessins préparatoires à la plume pour La Vie du Petit Saint Placide où l’on voit Jésus désignant du doigt son « Divin cœur, fournaise ardente de charité et le pourquoi de tout ».

Andrée Le Coultre (1917-1986), artiste cubiste proche d’Albert Gleize, explore dans La vive flamme d’amour la mystique de saint Jean de la Croix, traduisant par l’abstraction une vision ésotérique du Cœur. Le dialogue avec l’art contemporain se poursuit avec l’artiste Éric Desèvre dont la sculpture Le Cri de la terre (2025), en pierre volcanique et bronze, associe puissance matérielle et spiritualité. Pour Éric Desèvre, « Le cœur de pierre réparé par la coulée s’enflamme d’amour et de compassion. L’acte de réparation devient ici une réconciliation. »

Lena Vandrey (1941-2018), artiste inclassable, s’est inspirée des boîtes votives des monastères de Provence qu’elle revisite dans son « Musée des anges » à Bourg-Saint Andéol (Ardèche), dialogue ou hommage à l’art silencieux des couvents.

L’exposition ne se limite donc pas à la seule lecture historique ou iconographique. Elle montre que le Sacré-Cœur est un patrimoine vivant, traversant les siècles et inspirant à la fois des générations de fidèles et d’artistes. Ce dialogue entre les arts et les époques fait écho à l’esprit qui anime le Musée du Hiéron depuis 20 ans déjà.
Chloé Tuboeuf Bizzotto