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En attendant Noël…

A la suite du Pape Léon XIV, qui a effectué son premier voyage apostolique en Orient au début de l’Avent, partons avec Ariane de Saint-Marcq à la rencontre d’une nativité de la collection d’icônes de Roger Cabal présentée au Petit Palais.
Publié le 17 décembre 2025

Experte à Drouot depuis 1987 et enseignante aux Bernardins, Ariane de Saint Marcq est une des meilleures spécialistes françaises des icônes. Son œil exercé et toujours émerveillé nous  fait découvrir une curiosité de l’histoire de l’art, une peinture anonyme de l’école crétoise de  la seconde moitié du XVème siècle, à la fois icône et tableau italien. La Crète, colonie de la  république de Venise depuis 1204 et la 4ème croisade, était devenue le refuge des savants et  des artistes byzantin après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Dans ce creuset  se mêlèrent l’influence de la Renaissance italienne et les caractéristiques de l’art byzantin. Les  vénitiens vendant les icônes à une clientèle hétérogène, les iconographes produisirent des  créations inédites comme la peinture que nous allons admirer. 

Noël est affaire de rencontre…

Ici, c’est la rencontre du ciel et de la terre dans le mystère de Noël qui nous est proposée, avec  l’Enfant-Jésus dans sa mangeoire, réchauffé par l’âne et le bœuf. Et c’est aussi le dialogue entre  deux manières artistiques, comme en témoigne la division en deux triangles rectangles  symétriques de la composition, le long d’une diagonale qui suit la ligne de la montagne.
Arrêtons-nous sur la partie se déployant en dessous de cette diagonale :

Nous voilà en présence d’une icône de style traditionnel byzantin, avec son parti pris de  représentation symbolique des personnages, de la roche et des animaux composant le motif. Nul point de fuite, nul modelé des formes, la primauté est donnée à l’écriture du mystère  théologique. La montagne qui s’élève de gauche à droite crée un fond d’or pour la scène. La  Vierge Marie, au centre, est vêtue à la byzantine avec son voile, le maphorion, orné de trois  étoiles qui témoignent de sa viriginité avant, pendant et après la naissance de l’Enfant-Jésus.  Plus grande que les autres personnages, elle est couchée sur un lit pourpre, signe de sa royauté  et lieu de son repos d’accouchée. 

Noël est affaire de naissance… 

Marie médite en contemplant son enfant. Au-dessus d’eux, au sommet de la montagne, sept  anges chantent la gloire de Dieu au ciel et sur la terre : celui du haut regarde vers le ciel, les six  autres se tournent vers la terre pour annoncer la merveille aux bergers. Leur « Gloria in excelsis  Deo » fait écho à la mélodie qu’un autre berger joue sur sa flûte, dans le coin inférieur gauche  du tableau, pour charmer ses brebis. Marie, Jésus et Joseph sont graves et traités chacun d’une manière spécifique car, dans le  mystère du salut, ils ont chacun leur part d’épreuve.
Joseph affronte le doute, représenté par les deux personnages face à lui, de profil, comme il  sied aux « mauvais » dans l’iconographie. 

C’est dans la Foi qu’il accepte cette maternité divine qui le dépasse.
Marie, dans son vêtement pourpre et bleu sombre, pressent que son fils accomplira un  sacrifice douloureux. Elle est montrée détachée de lui.
Jésus est désigné « Christ » par les lettres d’or qui se détachent du fond noir de la grotte où il  repose. Cette naissance exceptionnelle fait éclater la terre : le salut fend même la roche la plus  dure !

L’enfant est langé dans des bandelettes qui pourraient être aussi celles d’un corps préparé pour  être enseveli, mais qui sont d’un blanc rayonnant : la naissance et la mort sont associées de  façon synthétique et optimiste, annonçant la résurrection.
Les trois membres de la sainte famille ont la tête nimbée d’une auréole d’or manifestant la  lumière divine qui les habite : leur sainteté.
Le chien blotti paisiblement aux pieds de Joseph et de Marie exprime leur fidélité.Noël est affaire d’Espérance… 

Dans le coin inférieur droit, deux servantes préparent le bain habituel du nouveau-né, mais  l’eau purificatrice se déverse dans un bassin en forme de calice, annonciateur du sacrifice qui  amènera la rédemption. Le nourrisson qui va être baigné est représenté dans un corps robuste  rehaussé de lumière blanche : la vie sera plus forte que la mort. Marie le voit déjà, par la force  de l’Espérance.

La partie de l’image au-dessus de la diagonale nous entraîne dans un autre univers. Ici, nous  sommes dans un paysage naturaliste, typique des tableaux de l’école vénitienne et du  Quattrocento.

Les mages à gauche, nobles cavaliers à cheval, scrutent le ciel à la recherche de l’étoile. Ils sont  guidés par un ange aux ailes d’or de style byzantin.

En arrière-plan, un lac, la mer et les montagnes sont estompés pour se fondre dans un ciel  vaporeux selon le principe de la perspective atmosphérique. Une ville éclairée aux tours  seigneuriales et aux nombreux clochers fait face à une autre ville fortifiée laissée dans l’ombre,  à l’intérieur des terres : le Christ vient porter la lumière aux hommes de bonne volonté. Enfin les deux styles picturaux viennent s’unifier en guidant le regard vers trois nouveaux  détails : entre ombre et lumière, les bergers qui gardent leurs troupeaux entendent la voix d’un  ange « latin ». Ce dernier vole à la rencontre de l’ange «byzantin» dans le ciel laiteux. 

A droite, ce même ciel naturaliste est traversé par un rayon scintillant correspondant au  traitement byzantin du thème de la trinité, pour toucher la Vierge et l’enfant dans la partie  byzantine de l’icône. 

On peut entendre en résonnance les mots du pape Léon XIV dans son discours lors du congrès  international mariologique de septembre 2025 à Rome : « Marie est une femme synodale car  elle est pleinement et maternellement engagée dans l’action de l’Esprit Saint qui réunit comme  frères et sœurs ceux qui croyaient auparavant avoir des raisons de rester divisés. » Oui, en cet  Avent, que Noël soit affaire de rencontre, de naissance et d’Espérance !

 

 Ariane de Medlege

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