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Rédemption : un oratorio de Noël signé de César Franck

Publié le : 24 Décembre 2022
Nous clôturons l’année César Franck (né le 10 décembre 1822) avec une œuvre très peu jouée aujourd’hui, non dénuée de qualités pourtant, et qui résonne fortement avec le temps de Noël au milieu de notre monde toujours plongé dans la violence et la guerre. La lumière de cette fête brille pourtant même discrètement.

C’est en 1871 que César Franck entreprit la composition de son oratorio intitulé simplement Rédemption. Il eut lui-même à souffrir des conséquences de la guerre franco-prussienne de 1870 : disparition de ses élèves donc perte de ses revenus, difficultés redoutables pour la nourriture et le chauffage… C’est au milieu de ces tribulations qu’il éprouva le besoin d’offrir aux musiciens et à nous-mêmes cette page riche d’espérance. Il n’est pas interdit de trouver dans cette musique de troublants échos avec notre temps qui connaît lui aussi la guerre pas bien loin de nos frontières. Mais l’espérance de la fête de Noël, la venue de l’Enfant qui donne la paix, doit toujours être chantée, à temps et à contretemps.

Rédemption s’ouvre sur une belle page orchestrale dont Franck a le secret. Il émane de cette ouverture à la fois de la sérénité et de la tristesse. La première partie de Rédemption évoque le monde d’ici-bas.

Le premier chœur en plusieurs épisodes est fait de violence déchaînée. En voici le texte du poète Edouard Blau :

Premier chœur
Que le jour monte ou s’abaisse,
Amis, il verra toujours
Durer notre ivresse,
Changer nos amours.

Deuxième chœur (chœur d’hommes)
O guerre ! Tu te déchaînes
Et mets les glaives dehors !
Nous sommes les forts !
Que les nations prochaines
Reçoivent nos chaînes
Et nous livrent leurs trésors !

Chœur général
Malheureux ou prospères,
Bientôt nous aurons tous vécu,
Disons comme nos pères :
Gloire au victorieux et malheur au vaincu !

A l’issue de cette musique qui cherche à exprimer la violence de la guerre, rythmes vigoureux, orchestration contrastée avec cuivres et percussions, succède un récit parlé : auprès de qui trouver consolation et apaisement, les dieux, les philosophes ?

Sur le vers Mais je vois s’éclairer l’azur, le ton change, nous faisant passer du versant de l’ombre à celui de la lumière. En un dialogue délicat et doux chantent le cor, la clarinette et les violons. Ainsi Franck nous prépare-t-il à recevoir le message des Anges.

Traditionnellement les voix du ciel se situent dans l’aigu, les instruments graves disparaissent. Un dialogue s’instaure avec les hommes (voix graves de ténors et basses), entre la terre et le ciel, sur le texte suivant :

Chœur des anges
Nous venons du ciel ! Nous sommes les anges !
Quand nous paraissons
Les regards sont pleins de clartés étranges,
Les cœurs de frissons.
Mais l’homme qui veut aux routes nouvelles
Marcher aujourd’hui
Nous verra, courbés sous nos blanches ailes,
Plus tremblants que lui.

Chœur des hommes
Où mènent vos chemins ?

Chœur des Anges
Vers le Maître – c’est l’heure !
Il vous appelle tous.

Chœur des hommes
Au ciel ! – la route est longue, et la terre est meilleure !

Chœur des Anges
Le Maître est parmi vous.

Un Archange, chanté par une voix de soprano, annonce l’évènement de Noël en ces termes :
Les rois dont vous vantez la gloire,
Tous les dieux que vous adorez
Ont des palais au seuil d’ivoire,
Des temples aux faîtes dorés.
Mais leur majesté misérable
Hier pour toujours s’écroula !...
Là-bas est une pauvre étable :
Allez, allez ! Le Maître est là !

Chœur des hommes
Celui qui veut seul nos hommages,
Est-il cet enfant endormi ?
Laissez là ces pasteurs ! Levez-vous, ô rois Mages !...
Ah ! Cet Enfant s’éveille et le monde a frémi.

L’Archange
La terre a tressailli d’une extase profonde !
Cette crèche où dort cet Enfant
Est le berceau d’un nouveau monde
Sauvé par un Dieu triomphant.
Le passé n’est plus qu’un rêve ;
Le mal s’enfuit impuissant,
Et l’univers se relève
Quand Jésus vers lui descend.
Le Riche, autrefois superbe,
Va laisser – ouvrant la main –
Tomber la meilleure gerbe
Pour le pauvre en son chemin.
Et sur des œuvres bénies,
Les hommes toujours penchés,
Verront les mains réunies
Et tous les cœurs rapprochés !
A vous la Paix divine et l’extase profonde :
Cette crèche où dort cet Enfant
Est le berceau d’un nouveau monde
Sauvé par un Dieu triomphant !

Chœur général
Devant la loi nouvelle
Le monde est prosterné ;
Salut au Dieu qui se révèle !
Salut, salut au Nouveau-Né !
Noël ! Voici l’aurore !
Le jour nous apparaît.
L’Enfant divin que l’on adore
Enseigne enfin le doux secret.

La musique, quelque peu triomphante qui accompagne ce chœur final, peut nous paraître un peu grandiloquente aujourd’hui. Dans sa grande simplicité, César Franck n’évitait pas toujours le danger de l’emphase. Mais la richesse de détails sonores, mélodiques ou harmoniques de cette musique transfigure le poème lui aussi un peu daté.

Retenons de Rédemption de César Franck la permanence du message de Noël dans un monde apparemment sourd à la Paix qu’il annonce. 

Après cette première partie suit une très belle page orchestrale, le seul extrait de Rédemption quelque fois joué aujourd’hui, puis une deuxième partie qui évoque le monde contemporain du compositeur. Sur un ton prophétique l’Archange ouvre la route du salut pour les hommes : « L’homme par la prière peut avoir son pardon. »

Rédemption se conclut sur un chœur final dans l’esprit d’un cantique :
« Seigneur, oublie l’erreur et la folie… »

Emmanuel Bellanger

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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