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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Noli me tangere

Publié le : 9 Avril 2018
Le dernier numéro du « Monde de la Bible » publie un très intéressant dossier sur Marie-Madeleine, la femme qui fut le premier témoin de la résurrection du Christ et celle qui reçut la première la mission d’annoncer cette stupéfiante nouvelle aux Apôtres. La scène de cette rencontre inouïe entre Marie-Madeleine et le Seigneur dans le jardin est bien connue et a inspiré de nombreux peintres et des musiciens plus rarement : parmi eux, Heinrich Schütz (1585-1672).

Martin Schongauer, Retable des dominicains, Noli me tangere (détail), vers 1480 - musée Unterlinden, Colmar

La vie de Heinrich Schütz est placée sous le signe de la longévité : mort à l’âge de 87 ans, ce qui est très exceptionnel à cette époque, il a occupé pendant 55 ans le poste de Maître de Chapelle à la cour de Dresde ! Il lui a été donné de traverser une longue vie d’épreuves parmi lesquelles la mort de sa femme au bout de seulement 6 années de mariage et il lui resta fidèle jusqu’au bout. De plus il a connu les horreurs de la guerre de Trente Ans. Malgré cela, il nous laisse une œuvre vocale d’une exceptionnelle richesse, à la fois nourrie de musique italienne découverte auprès de Giovanni Gabrieli à Venise puis de Monteverdi lui-même et de son esprit créateur puisqu’il est le fondateur de la cantate allemande. L’histoire de Marie-Madeleine en est un superbe exemple.

Nous connaissons bien cet épisode de ce premier témoignage du matin de Pâques tel que le rapporte l’évangile de saint Jean au chapitre 20 :

Marie-Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis, l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’a emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! » c’est-à-dire : « Maître ! »

C’est très fidèlement le texte que Schütz a mis en musique en 1623. Cette scène comporte cinq personnages : Marie-Madeleine, le Christ, les deux anges et le narrateur. Comme dans un oratorio ou une cantate, la musique suit le texte pas à pas en l’enrichissant de sa  palette qui apporte à ce récit une émotion dramatique bienvenue. Mais nous ne sommes pas à l’opéra : il ne s’agit pas pour Schütz de simplement nous émouvoir à l’audition de cet épisode en effet dramatique : enlever un mort du tombeau n’est pas sans gravité. Une surprise nous attend à l’écoute de cette page.

C’est à partir de la 8ème minute de l’enregistrement que je vous propose que commence l’épisode. Nous reconnaissons le narrateur et les deux anges. La rencontre entre Marie-Madeleine et celui qu’elle prend pour le jardinier commence à la minute 13. Ce n’est pas une voix seule qui incarne Marie-Madeleine et le Christ mais deux. Par ce moyen, le compositeur se place au-delà d’une simple représentation de ce qui, en effet, est difficilement représentable. L’incarnation de ces deux personnages par deux voix pour chacun d’eux ne voudrait-elle pas nous conduire au-delà de la simple anecdote ? Ce Christ ressuscité est celui que nous célébrons aujourd’hui : il se rend encore audible et visible à Marie-Madeleine, mais il est au-delà du temps, présent hier, aujourd’hui et demain. C’est sous d’autres formes que nous sommes appelés à le rencontrer : par ce procédé tout simple de ne pas en rester au récit premier, Schütz nous invite à entendre ce que la musique apparemment nous révèle mais nous cache aussi quelque peu. « Que celui qui a des oreilles entende ! »

Une dernière clé : le quatuor de violes accompagne le narrateur. C’est l’orgue-positif seul qui accompagne les personnages. Cela facilite l’écoute.

Emmanuel Bellanger

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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