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Un autel est-il une œuvre d’art ? Le nouvel autel de l’église Saint-Jean-Baptiste de Sceaux

Publié le : 15 Juillet 2022
Un nouveau mobilier liturgique signé des artistes Nicolas Alquin et Marc Alechinsky a été installé en juin 2022 à l'église Saint-Jean-Baptiste de Sceaux dans les Hauts-de-Seine. Répondant à l’aspiration de « noble simplicité », ce projet illustre le « Baptême d’Esprit et de feu » annoncé par saint Jean-Baptiste, et comprend un autel fixe avec pierre, un ambon, une croix d’autel, un siège de présidence et un baptistère mobile.
Aménagement liturgique de Nicolas Alquin et Marc Alechinsky, église Saint-Jean-Baptiste de Sceaux © Alquin - Marc Alechinsky

Pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en 2024, nous ne savons pas bien quelle allure aura le nouvel aménagement liturgique, ni quel autel viendra remplacer celui de Jean Touret. Ce dernier avait été commandé par Jean-Marie Lustiger en 1989, et, même s’il paraissait un peu fade, on avait fini par s’habituer à lui. L’habitude, quel mot étrange, et qui sonne finalement si peu chrétien ! La spécificité du chrétien serait à mes yeux de ne s’habituer à rien, ni au mal, ni à la paresse, ni au monde tel qu’il est, dans ses merveilles, ses limites, ses blessures. A Notre-Dame de Paris, nous nous souvenons surtout de la Croix qui s’imposait, une commande de Jean-Marie Lustiger elle aussi, à Marc Couturier, dont le génie singulier se vérifie ainsi : que sa création, sans être aucunement provocante, demeure puissante et présente, qu’elle aimante les regards et les cœurs, sans que jamais on puisse s’habituer à elle. Telle est la qualité insigne d’une création liturgique réussie, qu’elle existe puissamment sans forcer le regard, ne choque pas mais marque le volume et l’espace, cet espace qui dans nos églises est toute une histoire, une matérialisation de temps condensés, en quelque sorte.

Je songeais à cela samedi 4 juin dernier en l’église Saint-Jean-Baptiste de Sceaux, où nous entourions l’évêque et les artistes : Nicolas Alquin et Marc Alechinsky, pour consacrer le nouvel autel, avec les fonts baptismaux, l’ambon, les sièges de présidence. Impressionnante et joyeuse cérémonie où l’autel de pierre et de bois est traité comme une personne, presque comme un nouveau-né, qu’on bénit, qu’on encense, qu’on oint de saint chrême. L’ensemble est en bois et en or, d’une noble simplicité, avec des matières et des formes qui condensent une énergie marquante, celle du Saint-Esprit à la Pentecôte, mais disent aussi simplement la beauté, la puissance, la force de ce monde. Tout rayonne d’énergie : le chêne, la pierre d’autel qui le surplombe et sur laquelle on célèbre, le laiton qui fait la vasque baptismale, et ces langues d’or animant les surfaces, tandis que l’or dessine une ligne horizontale et verticale, en forme de croix.

AUTEL DE NICOLAS ALQUIN ET MARC ALECHINSKY, ÉGLISE SAINT-JEAN-BAPTISTE DE SCEAUX © ALQUIN - MARC ALECHINSKY

L’autel, l’aménagement liturgique dans son ensemble dont nous faisions l’expérience ce jour-là, est un instrument de communion, dans les étapes de sa commande comme à chaque célébration. Une création matérielle, une œuvre d’art à n’en pas douter, qui n’existe pas pour elle-même, mais se met au service d’une communauté constituée autour d’elle, qui symbolise, incarne le Christ lui-même.

Vue du baptistère, de l'autel, de l'ambon et des sièges de présidence de Nicolas Alquin et Marc Alechinsky, Saint-Jean-Baptiste de Sceaux © Alquin - Marc Alechinsky

Vertigineux paradoxe de l’art liturgique en milieu catholique : il n’est réussi que dans la mesure où il s’efface au profit de ce que nous sommes appelés à vivre, ensemble et dans la communion des présences invisibles qui nous réunissent et nous convoquent. L’autel, l’aménagement liturgique, ne sont pas des objets d’adoration sacrés, ils sont simplement consacrés et ordonnés à une fin qui les dépasse et nous réunit. Et rien en eux, ni artifice, ni recherche vainement esthétique, ni effet virtuose, ne doit arrêter notre quête, notre regard.

Détail de l'ambon de Nicolas Alquin et Marc Alechinsky, Saint-Jean-Baptiste de Sceaux © Alquin - Marc Alechinsky

Cet autel n’est pas simplement une sculpture de Nicolas Alquin et de Marc Alechinsky, il est devenu l’autel de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Sceaux, l’autel du Christ qui nous accompagne au-delà de notre expérience matérielle et nous ouvre un chemin. Les artistes sont, ici, d’autant plus grands qu’ils s’effacent, deviennent des porte-lumière, des porte-Christ, des porte-communion. 

Espérons que le nouvel autel de Notre-Dame, peut-être issu d’un concours organisé à la rentrée prochaine, sera de la même qualité.

Paul-Louis Rinuy

Hallet Jean-Noël
Hallet Jean-Noël a écrit :
23/12/2022 13:51

Je reviens sur mon commentaire précédent après avoir été voir d’autres oeuvres de ces artistes. Dans le même style je trouve très réussi ce qu’ils ont réalisé à la Catho de Lille, beau , sobre et magnifié par l’or qui s’intègre parfaitement à l’architecture du lieu. Une même recette ne peut donc convenir partout. Puisque vous évoquez le cas de ND de Paris le choix d’une oeuvre adaptée au dimensions du transept et qui soit capable de porter une force symbolique à la hauteur des enjeux patrimoniaux et spirituels du lieu reste un vrai défi. Et aucune de ces deux réalisations ne me parait en mesure de le relever.

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Paul-Louis Rinuy

Paul-Louis Rinuy, professeur des universités et directeur du département d’Arts plastiques de l'Université Paris 8, est également Président du Comité artistique de Narthex.

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