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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Nos amis, nos frères les arbres, à la Fondation Cartier à Paris

Publié le : 27 Septembre 2019
Réunissant une communauté d’artistes, de botanistes et de philosophes, la Fondation Cartier pour l’art contemporain se fait l’écho des plus récentes recherches scientifiques qui portent sur les arbres un regard renouvelé. « Nous les Arbres » s’organise autour de plusieurs grands ensembles d’œuvres et laisse entendre la voix de ceux qui ont tissé, à travers leur parcours esthétique ou scientifique, un lien fort et intime avec les arbres. L’exposition est l’occasion de mettre en lumière la beauté et la richesse biologique de ces remarquables protagonistes du monde vivant, aujourd’hui massivement menacés.

Si les arbres n’étaient que simple beauté, sans doute sauraient-ils nous séduire et nous charmer, mais leur présence, dans nos paysages, dans nos rêves, dans nos villes ou nos vies ne serait ni si intrigante ni si marquante. Que se joue-t-il au juste dans le surgissement de leurs  fières statures déployant au vent des  milliers de feuilles comme  de grandes  voiles gonflées pour un départ sans cesse retardé ? Quelle vérité se cache-t-elle dans les enchevêtrements de leurs racines, dans les nœuds emmêlés de leurs ramures en quête d’on ne sait quelle nourriture ou quelle  lumière?

Miguel Rio Branco, Sans titre, Tokyo, 2008, Tirage chromogène, Collection de l'artiste © Miguel Rio Branco

Les arbres sont nos amis, nos frères, dans la grande famille des vivants...

Caspar David Friedrich à l’époque du romantisme ou Mondrian à l’aube du XXe siècle ont dressé sur la toile des portraits d’arbres aussi monumentaux  et émouvants que  des figures humaines ou sacrées. Dans un esprit plus actuel,  la fondation Cartier leur consacre aujourd’hui une exposition singulière, qui leur donne la parole dès son titre « Nous les Arbres ». Venant d’Amérique Latine ou d’Iran, d’Europe ou des Etats-Unis, sont rassemblées des œuvres de toute esthétique et de toute fonction pour éclairer le mode d’être spécifique des arbres, et les facettes principales de leurs relations multiples avec les hommes, nourries de ces liens ancestraux, scientifiques voire amicaux, que je désignerais sous le vocable de fraternels. Les arbres sont nos amis, nos frères, dans la grande famille des vivants : « Il n’y a rien de purement humain, écrit  Emmanuele Coccia.  Il y a du végétal ans tout ce qui est humain, il y a de l’arbre à l’origine de toute expérience ». Ce que souligne  l’œuvre de Fabrice Hyber qui, mettant en évidence les rhizomes et les transformation d’énergie à l’œuvre dans le principe de vie des arbres, déploie en ses gigantesques dessins sur la toile d’étranges autoportraits indirects. « Lorsque je dessine un arbre, j’essaie de me mettre dans sa peau », avoue-t-il, et sa sculpture-arbre aux intrigantes feuilles roses comme notre peau humaine évoque, dans le jardin  de la fondation, l’étrange ressemblance, attestée dès le Paradis, entre l’homme et le végétal.

Fabrice Hyber, Paysage de mesures, 2019, Huile et fusain sur toile, Collection de l'artiste © Fabrice Hyber

,Si la forêt brûle et disparaît, c’est l’homme aussi qui se consume et dépérit...

Les arbres sont, plastiquement comme dans leur fonctionnement vital des liens tissus entre la terre où s’enfouit une part essentielle de leur mécanisme, et le ciel où se détachent leurs réseaux de branches et de  feuilles. Seigneurs parmi les  végétaux, ils sont, historiquement et préhistoriquement ces frères pacifiques qui  précèdent l’espèce humaine dans les millénaires et nous surprennent, nous accompagnent par leur calme majesté. Trois artistes yanaomani de l’Amazonie brésilienne donnent à voir cette forêt-monde qu’ils représentent comme le déploiement de leur propre imaginaire et la réalité même de leur principe de subsistance. Si la forêt brûle et disparaît, c’est l’homme aussi qui se consume et dépérit.

Francis Hallé, Sophora Japonica, 2019, Jardin de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, Encre et aquarelle sur papier, Dessin réalisé pour l’exposition « Nous les Arbres », Collection de l'artiste © Francis Hallé

Les arbres sont aussi, qu’ils soient gigantesques ou minuscules, des étendards porte-vie. Ils  protègent, portent, abritent et nourrissent des foules de  créature visibles et invisibles.

Dans   leur architecture même,  étudiée par un des inspirateurs de cette exposition le botaniste Francis Hallé et magnifiée dans l’ouvrage monumental de 1982 L’architecture des arbres de Cesare Leonardi et Franca Stagi, les arbres sont aussi, qu’ils soient gigantesques ou minuscules, des étendards porte-vie. Ils  protègent, portent, abritent et nourrissent des foules de  créature visibles et invisibles, oiseaux, insectes, larves, pucerons, chenilles etc..  A cette fonction capitale dans l’écosystème de notre planète s’ajoutent des liens multiples entre l’homme et l’arbre, qui se fécondent mutuellement. La paraguyaenne Paz Encina, dans une création vidéo Aromas que trae el viento, mêle à sa propre mémoire personnelle son engagement pour la préservation de la forêt comme pour la protection des droits et des modes de vie des peuples indigènes.

Joseca, Manaka si, 2019, crayon et feutre sur papier, dessin réalisé pour l'exposition « NOUS LES ARBRES » Collection Hutukara, Boa Vista © Joseca

Visiter cette exposition, c’est vivre cette harmonie planétaire entre l’homme et le végétal, dans cette richesse féconde en inventions multiples qu’on est heureux de partager pour un moment. Belle promenade de rentrée, au cœur de la ville, dans cette maison de verre entourée d’un jardin fourmillant de vie, belle plongée dans une vie qui nous précède, qui nous survivra aussi – espérons-le -, qui excède notre  humanité.

Fragile fraternité des vivants ! L’homme et le végétal, le végétal et l’homme, chacun dans leur temporalité singulière, puisent l’un en l’autre un regain d’énergie,  une vie renouvelée.

Paul-Louis Rinuy

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Paul-Louis Rinuy

Paul-Louis Rinuy, professeur des universités et directeur du département d’Arts plastiques de l'Université Paris 8, est également Président du Comité artistique de Narthex.

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