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Michael Lonsdale, peintre de l’Invisible Amour

Le 21 septembre 2020 Michael Lonsdale nous quittait. 5 ans après, c’est l’occasion de porter un regard sur l’une des facettes méconnues de sa personnalité : la peinture.
Publié le 24 septembre 2025

En 1949, à la fin de son adolescence, Michael vient s’installer à Paris avec sa mère et envisage sérieusement de travailler la peinture. Sa tante Janine Béraud- Arland (l’épouse de Marcel Arland) est une artiste peintre reconnue, elle l’incite à suivre les cours de dessin et de peinture aux Ateliers d’Art Sacré, place Fürstenberg, l’école dirigée par Henri de Maistre et fondée par Maurice Denis et Georges Desvallières à la sortie de la première guerre mondiale. 

Il y rencontre le père Régamey, dominicain, historien de l’art, directeur de la revue « L’Art Sacré », qui, peu convaincu en regardant son travail, lui demande s’il n’a pas d’autre vocation en vue que la peinture ? Cette remarque quelque peu blessante lui imposera de continuer à peindre « en cachette ».

Marcel Arland lui fait rencontrer le metteur en scène de Samuel Beckett, Roger Blin qui l’invita à entrer au cours de théâtre de Tania Balachova, confirmant ainsi sa vocation d’acteur, entrevue dès son enfance à Rabat au Maroc.

Le regard tranchant du père Régamey peut paraître à postériori sévère tant ce que nous connaissons aujourd’hui de la peinture de Michael est remarquable.

Empreint de fauvisme, fin admirateur d’André Derain, de Vlaminck, de Soutine et de Matisse, Michael utilise la couleur avec une invention réelle. Ses compositions, très construites, lui permettent d’iriser de couleurs des formes, des mouvements qui a première vue peuvent paraitre naïves, mais qui participent d’une intention profonde. 

Ces formes, qui parfois déclinent un semblant de paysage ou de personnage, nous invitent à une véritable contemplation : contemplation du jardin intérieur, comme une nostalgie de l’Eden perdu. Les formes de fleurs, qui par des disproportions voulues s’apparentent à des arbres ou à de grandes mains tendues témoignent de cette nostalgie, de ce parfum d’éternité désirée.

La couleur très élaborée crée un climat de sérénité amoureuse indicible, ocellée de tâches sombres, comme les zones obscures du combat intérieur, du combat spirituel.
L’œil de Michael quand il peint est davantage l’œil du cœur que l’œil académique ; il s’ouvre sur un autre réel, celui de l’invisible Amour. Qu’eut pensé Paul Claudel dont il était l’acteur, d’une telle œuvre ? que l’instant passé devant ces toiles, comme il l’écrit de Vlaminck « nous élève au plus haut »  

Peut-être que, sans faire de bruit, la peinture de Michael nous traverse et nous invite à le rejoindre dans sa recherche intérieure, dans son élan d’amour vers le Tout Autre.
Devant ses toiles, quelque chose de singulier se produit, une invisible clarté nous envahit, au travers des méandres colorées qui nous saisissent le cœur, jusqu’au transpercement. Sans être explicitement figurative et religieuse, cette œuvre traduit mutatis mutandis les états d’âme de la conversion, les étapes du chemin, les croix et les grâces. 

Pour continuer l’analyse, « Ut pictura poesis » (comme la peinture la poésie), sa peinture ne se dissocie pas de ses préférences littéraires : Samuel Becket ou Marguerite Duras. Même si au cinéma, il a joué dans toute sorte de films, au théâtre, un fil conducteur exigeant le tenait depuis cette première pièce de Clifford Odets dans laquelle il débuta en 1955 aux côtés de Raymond Rouleau et Gérard Oury jusqu’à « l’Amante anglaise » de Marguerite Duras en passant par « Comédie » de Samuel Becket et la « chevauchée sur le Lac de Constance » de Peter Handke aux côtés de Gérard Depardieu, Jeanne Moreau, Delphine Seyrig et Samy Frey.
Cette exigence est celle du sens profond, du regard intérieur et de la quête d’absolu des personnages. Sa peinture traduit cette exigence par une technique venue de ses premiers maîtres Desvallières et Maurice Denis empreints de référence au cubisme de Gleizes et à l’impressionnisme de Cézanne.

Début octobre 2019, nous rendons visite à Jean François Ferraton dans son atelier, artiste graveur, sculpteur et vitrailliste, héritier du cubiste Gleizes et du vitrailliste René Maria Burlet. La langue de Michael se délia sur « les formes qu’il cherchait à peindre ». Ayant vu travailler Michael chez lui, assis à même le sol, « la forme n’est que le prolongement du geste que notre corps incarne ». Ce geste qui fend l’espace se retrouve dans le trait du crayon ou du pinceau de Michael, rejoignant comme l’écrit Gleizes l’essence même de l’art.

Fin octobre 2019, nous rencontrons Léonard Gianadda dans sa Fondation de Martigny en Suisse pour lui présenter notre mouvement de la Diaconie de la Beauté et l’intérêt que nous avons pour la peinture. Michael s’émerveille devant l’exposition « de la collection Ordrupgaard » avec Gauguin, Matisse, Cézanne etc…Il s’exclame : « La beauté, c’est la forme que l’amour donne aux choses »  

S’en est suivie la période du Covid, une grâce pour Michael qui, condamné à rester chez lui, a mis de l’ordre dans ses peintures et a eu tant de plaisir à les revoir. 

Moins d’un an plus tard, Michael quittait ce monde et moins d’un an plus tard, la Diaconie de la Beauté lui rendait hommage en ouvrant une galerie d’art pour perpétuer sa mémoire. 

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Galerie Michael Lonsdale (1)

Véritable serviteur de la Beauté, Michael Lonsdale laisse par sa peinture une trace indélébile de l’amour transfiguré et de la foi accomplie.

La Diaconie de la Beauté porte en elle l’empreinte qu’il a sue nous transmette : être un artiste des huit béatitudes… Elle en est aujourd’hui la gardienne. Chaque mois un peintre, un sculpteur, un photographe expose dans cet esprit afin de servir la Beauté et l’offrir au monde. 

Cette galerie est à son image « humble et simple » mais riche de sens, elle manifeste sa mémoire et la perpétue. Peu d’artistes conjuguent de manière aussi équilibrée leur art et leur foi. Il est bon de le partager et de le faire connaître.

 

 

Daniel et Anne Facérias

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